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L'"affinity therapy", une approche des autistes fondée sur leurs passions
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L'«affinity therapy», ou thérapie par affinité, va-t-elle révolutionner la prise en charge de l'autisme? L'idée est sans doute prématurée, mais l'espoir, lui, est bien réel. Comme chaque fois qu'une nouvelle approche apparaît. Le premier colloque international sur l'«affinity therapy» qui s'est tenu en France, à l'université de Rennes, les 5 et 6 mars, a tenté d'en tracer les contours, mêlant témoignage de parents et de professionnels. Psychanalystes et comportementalistes de bonne volonté pourraient bien y retrouver leurs petits.
Car cette fois la méthode ne vient pas d'une quelconque chapelle mais de Ron et Cornelia Suskind, les parents d'un enfant alors âgé de 3 ans atteint d'autisme régressif, Owen, aujourd'hui âgé de 23 ans. «Nous avons développé la thérapie par affinité après avoir réalisé qu'à 6 ans et demi, Owen avait appris par cœur des dizaines de dessins animés de Disney», explique Ron, brillant journaliste politique du Wall Street Journal, lauréat du prix Pulitzer. Lui et sa femme feront fi des réticences des thérapeutes qu'ils soient d'obédience analytiques ou comportementales, certains enclins à bannir un intérêt manifestement exagéré risquant, finalement, de constituer une source d'isolement accru, d'autres prompts à s'en servir comme un simple outil de récompense ou de punition.
Ron et Cornelia décident au contraire de se servir de cet intérêt particulier de leur fils afin de renouer avec lui les fils d'un contact devenu impossible. Ils racontent cette aventure sous la plume de Ron dans un livre publié en avril 2014 aux États-Unis (Life Animated). «C'est un récit fascinant, reconnaît le psychanalyste Éric Laurent, comme expérience de l'investissement de toute une famille pour inventer une langue et une méthode à partir d'un intérêt spécifique.» Inventer une langue ou apprendre celle de l'enfant? C'est la deuxième hypothèse que retient Ron Suskind : «Cornelia connaît le langage d'Owen». «Comme si Owen avait trouvé sa propre voix», note Myriam Perrin, professeur en psychopathologie à Rennes, à l'initiative du colloque.
«Le plus puissant catalyseur»
L'idée de s'appuyer sur les passions d'un enfant autiste n'est évidemment pas nouvelle, mais en faire la colonne vertébrale de la prise en charge l'est indéniablement. Pour Jean-Claude Maleval, professeur de psychopathologie et de psychologie clinique, «Ron Suskind fait le même constat que Kristine Barnett (auteur de L'Étincelle): montrer à un enfant que l'on prend sa passion au sérieux et que l'on veut partager avec lui est le plus puissant catalyseur au monde». Il pense toutefois que «s'il est une originalité dans la “Disneythérapie”, elle réside dans le savoir inhérent à la passion d'Owen pour les films de Disney car ils se prêtent à l'apprentissage du langage et des relations sociales».
Est-ce une façon de nier que toutes les affinités ne se valent pas et que certaines ne pourraient pas servir de support à ce type de thérapie? Ce serait alors une sérieuse limitation au champ de cette approche car les intérêts spécifiques des autistes se portent aussi bien sur des dessins animés, que sur des livres, des cartes, des bandes dessinées. Myriam Perrin ne le pense pas. Selon elle, il faut au contraire «soutenir les intérêts et les passions quelles qu'elles soient».
Car la thérapie d'Owen et ses échanges se sont fortement appuyés sur l'utilisation des dialogues (notamment en les rejouant avec lui), des situations et des personnages de ses dessins animés préférés. Notamment en rejouant des scènes avec lui! Le psychologue de Silver Spring (Maryland), Dan Griffin, qui suit Owen depuis qu'il a 13 ans, raconte avoir perçu un changement de comportement spectaculaire: «C'était comme le jour et la nuit comparé à mes autres interactions avec lui.» Et surtout cette constatation saisissante: «Quand il jouait un rôle, il semblait totalement vivant et présent.»
«Nous n'avons pas de mode d'emploi»
Bien sûr les partisans d'une vision psychodynamique de l'autisme se réjouissent de l'intérêt que suscite «l'Affinity therapy» en réaffirmant, selon les mots de Myriam Perrin, «la façon singulière des autistes d'être au monde». De là à y voir la remise en cause des approches comportementalistes, cela semble bien présomptueux. Ne serait-ce qu'en considérant leurs succès visant à réduire les comportements problématiques ou à améliorer l'autonomie. À l'inverse, les comportementalistes auraient tort de rejeter cette nouvelle approche au seul motif que les analystes s'y intéressent.
Finalement, la thérapie par affinité pourrait trouver un écho plus direct chez les parents. Comme le disent ceux d'Emmanuel, un autiste passionné de trains, dans l'excellent documentaire de Marina Julienne et Martin Blanchard qui sera diffusé le 31 mars sur Arte: «Nous n'avons pas de mode d'emploi, on essaye, on voit ce qui marche, on a toujours fait ça.» À charge pour les experts de définir rapidement le champ et l'intérêt de cette thérapie, pour éviter le désenchantement. Ce serait un comble pour une approche née dans les douces notes de La Petite Sirène.
Source : Le Figaro Santé