25 ans sans diagnostic : l’histoire de Pilar et de la maladie de Parkinson
Publié le 21 août 2019 • Par Louise Bollecker
Pilar, membre de Carenity en Espagne, est atteinte de la maladie de Parkinson depuis plus de 40 ans. Diagnostiquée 25 ans après les premiers symptômes, elle a accepté de nous livrer son expérience d’errance thérapeutique, de l’évolution des traitements et de l’impact de la maladie sur sa vie.
Bonjour Pilar, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Bonjour, je m'appelle Pilar, je suis de Valence. J'ai 56 ans et j'ai une fille de 27 ans. J'aime dessiner et peindre à l'aquarelle, écouter de la musique et chanter. Je souffre de la maladie de Parkinson mais j'essaie de ne pas voir que le négatif, je pense que tout peut nous apprendre quelque chose. Il ne faut pas se dire « Pourquoi moi ? » mais rester positif.
Quels ont été vos premiers symptômes anormaux ?
Mes premiers symptômes sont apparus quand j'avais 15 ans ; mon pouls tremblait et je me sentais raide en marchant, comme si j'étais un robot. J'avais du mal à aller à l'école et je traînais mon pied gauche. Mon équilibre était très mauvais et sans m'en rendre compte, je m’appuyais sur les murs quand j’étais immobile, car sinon je reculais.
Comment s’est passé le diagnostic ?
Le diagnostic a mis beaucoup de temps à arriver ! J'étais si jeune que les spécialistes n'ont même pas pensé que cela pouvait être cette maladie. Pendant des années, je ne savais pas de quelle maladie je souffrais. Le doute est difficile à supporter, je ne pouvais aller dans aucune association et je ne connaissais personne comme moi pour partager des expériences. J'ai su à coup sûr que j’avais la maladie de Parkinson quand j'avais une quarantaine d'années, grâce à un test efficace, la TEP*. J'étais donc presque heureuse de pouvoir enfin donner un nom à ce dont je souffrais. En identifiant la maladie de Parkinson, j’ai pu rencontrer beaucoup de gens qui m'ont aidée, encouragée et qui sont mes amis aujourd'hui.
* Tomographie par émission de positrons combinée à la tomodensitométrie (TEP-TDM) : il s’agit d’un examen qui utilise de petites quantités de matière radioactive (appelé radiotraceur) pour diagnostiquer et déterminer la gravité d'une variété de maladies. La TEP-TDM peut notamment aider à différencier la maladie d'Alzheimer des autres types de démence.
Comment vos proches ont-ils réagi ?
Ma mère n'accepte pas ma maladie, et encore moins le fait qu'elle soit d'origine génétique de mon père et de ma mère, car j'ai hérité de deux mutations. Au début, je me sentais très seule et incomprise. Le père de ma fille passait la journée à me faire croire que je rendais la vie de tout le monde impossible et amère, que ce n'était pas normal et que j'allais devenir folle. Heureusement, j’ai su être forte et nous nous sommes séparés. Il y a six ans, je me suis remariée et mon mari est la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie : il m'aide, me comprend et m'écoute quand j'en ai besoin.
La progression de votre maladie a été très lente jusqu'à la naissance de votre fille, pouvez-vous expliquer le changement qui s'est produit après la naissance ?
Quand ma fille est née, j'ai souffert d'un changement hormonal qui a eu des conséquences très négatives. Le tremblement s'est aggravé, je ne pouvais même plus marcher jusqu'au parc. On peut dire que la maladie s'est réveillée dans toute sa cruauté. Ma fille n'avait que 5 mois et je ne pouvais même pas pousser la poussette, j'avais 28 ans et j’étais au plus mal. Je regardais ma fille et je me demandais ce qui allait lui arriver. Des médecins m'ont dit que c'était une maladie neurologique qui s'était réveillée et que si je continuais ainsi, je finirais vite dans un fauteuil roulant. J’ai pleuré, failli baisser les bras… mais pour ma fille, pour la voir grandir, je me suis battu avec toutes mes forces.
Quelles conséquences la maladie a-t-elle eues sur votre vie sociale et professionnelle ?
Beaucoup, puisque j'ai à peine pu travailler. Je suis assistante clinique et je n'ai jamais exercé, je suis aussi devenue comptable et assistante administrative et je n'ai pas non plus pu exercer, car la maladie s’aggravait. J'ai perdu tous mes amis parce que je ne pouvais pas suivre leur rythme. J’ai souvent été très seule mais, au moins, cela m’a prouvé qu'ils n'étaient pas vraiment mes amis.
Aujourd'hui, comment faites-vous face à la maladie dans la vie de tous les jours ?
Je profite des bons jours et je m'arme de patience et d'endurance pour les mauvais. Ma journée commence à 6 heures du matin : je me lève pour prendre mes médicaments, j’en reprends à huit heures du matin. Je dors très peu. J'essaie d'être la plus active possible, même si je ne peux l’être que par la pensée car je tremble tellement que je ne peux rien faire. J’essaie de me distraire pour ne pas penser, je mets de la musique... Malheureusement, j’ai l’impression que les bons jours sont de plus en plus rares.
Quels traitements prenez-vous aujourd’hui ?
Je prends du Modopar (Lévodopa) toutes les 3 heures, du Pramipexole à 6h du matin, du Sinemet, du Bipéridène contre les tremblements et du Rivotril pour dormir. Quand rien de tout cela ne fait suffisamment effet, j’utilise le stylo APO-go Pen, qui contient de l’apomorphine et me permet de bouger à nouveau. Ces traitements sont efficaces, mais pas autant que je ne le souhaiterais.
Quelles sont les différences entre les traitements d'il y a 40 ans et ceux d'aujourd'hui ?
J’ai l’impression qu’il n'y a rien de nouveau, rien d’innovant depuis la découverte de la Lévodopa qui était vraiment la bombe anti-Parkinson ! Depuis, il y a eu d’autres médicaments, mais ce sont les mêmes avec une étiquette différente et un coût plus élevé…
Pensez-vous qu’il y a moins de tabou autour de la maladie qu'il y a 40 ans ?
Malheureusement, non. La Journée mondiale contre la maladie de Parkinson a lieu le 11 avril et ici, en Espagne, presque aucune chaîne de télévision ne l’a mentionnée. Et ce n'est une journée par an, alors qu’un programme d'information plus large devrait être créé pour sensibiliser la société au fait que la maladie de Parkinson n'est pas l'apanage des personnes âgées et qu'il ne s'agit pas seulement d’un léger tremblement, c'est beaucoup plus, c'est invalidant. Il y a de plus en plus de jeunes gens diagnostiqués et c'est d’autant plus terrible qu’ils sont encore en âge de travailler, qu’ils ont une famille, de jeunes enfants… Ces jeunes malades voient leur vie brisée. Beaucoup de ces patients cachent leurs symptômes le plus longtemps possible, par peur du rejet, et sans aide, c’est très difficile de supporter les symptômes. Je trouve très triste qu’aujourd’hui encore, les gens ignorent presque complètement cette maladie.
Selon vous, y a-t-il d'autres aspects qui n'ont pas progressé assez vite en 40 ans ?
La recherche médicale n'a pas évolué en raison du manque de financement. L'Espagne est un pays où la recherche est si précaire que même les scientifiques doivent aller faire des recherches dans d'autres pays parce qu'ici c'est impossible, c'est voué à l'échec.
Les malades continuent de subir le rejet de la société parce que les symptômes sont méconnus et sont confondus avec l'alcoolisme, la toxicomanie, etc. La maladie de Parkinson, aujourd'hui, c’est la grande inconnue. Les médias devraient donner plus d'importance à ce type de maladies, car personne n’est à l’abri.
Comment votre perception et votre acceptation de la maladie ont-elles changé en 40 ans ?
Au début, je me voyais comme une guerrière : j’allais me battre, renaître de mes cendres, la maladie n’allait pas gagner. Et puis, au fur et à mesure des années, mon état a empiré, rien n’a changé, les médecins n’ont pas donné d’explication ou de solution… Alors j’ai abandonné le combat et j’ai accepté mon sort. Je me sens fatiguée et déçue. Parfois, je lis qu’un traitement est bientôt prêt, que tel scientifique a trouvé une solution pour nous guérir, mais c'est comme jouer avec le désespoir des malades. On n’a jamais de nouvelles de ces grandes découvertes.
Quel message ou conseil aimeriez-vous transmettre aux patients atteints de la maladie de Parkinson ?
Je leur dirais de s'habituer à l'idée que l'on peut avoir une vie heureuse malgré la maladie de Parkinson, que rien ne finit mais que tout se transforme. Il faut s'habituer à cette nouvelle vie et surtout, s’informer pour bien savoir contre quoi on se bat. Il faut apprendre à se connaître car personne ne sait mieux que soi à quoi ressemble la maladie de Parkinson.
Aux proches, je leur dirais qu'ils s'arment de patience et qu'ils doivent être prêts à donner beaucoup d'affection au malade parce que nous en avons besoin. Nous ressentons beaucoup de peur, de doutes, d'impuissance... C'est difficile, je le sais, mais parfois, un peu de compréhension et beaucoup de soutien suffiraient à faire une grande différence.
Un grand merci à Pilar pour ce témoignage sincère ! Et vous, depuis combien d'années partagez-vous votre vie avec la maladie de Parkinson ? Comment s'est passé votre diagnostic ? N'hésitez pas à partager votre expérience, à demander conseil ou à donner votre soutien !
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