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Troubles bipolaires : “J’ai toujours dissimulé ma maladie de peur de ce que les autres pourraient penser…”

Publié le 4 oct. 2023 • Par Candice Salomé

Marine, dite @le_comptoir_des_humeurs sur les réseaux sociaux, est atteinte de troubles bipolaires. A 21 ans, après avoir fait une semaine d’insomnies, son médecin traitant la diagnostique dépressive. Ce n’est que 10 plus tard, après avoir contribué à l’ouverture d’un centre d’accueil pour personnes bipolaires, qu'elle s’est reconnue dans les symptômes et a enfin été diagnostiquée. 

Aujourd’hui, après son dernier licenciement, elle est en invalidité catégorie 2. Elle a décidé, grâce à son parcours universitaire et ses expériences professionnelles et personnelles, d’aider les patients atteints de bipolarité. Elle propose de nombreuses ressources sur son compte Instagram ainsi que des visioconférences individuelles gratuites pour rompre l’isolement et partager le quotidien de la maladie. 

Découvrez vite son histoire !

Troubles bipolaires : “J’ai toujours dissimulé ma maladie de peur de ce que les autres pourraient penser…”

Bonjour Marine, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.  

Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?  

Bonjour, je m’appelle Marine, j’ai 42 ans et j’ai des troubles bipolaires. J’ai un petit garçon de bientôt 8 ans et je suis séparée de son papa. Aujourd’hui, je vis en famille recomposée avec mon nouveau conjoint qui a deux enfants d’un précédent mariage. 

Suite à mon dernier licenciement qui a accru mes symptômes, je suis au chômage et en invalidité catégorie 2. Je suis en attente d’une réponse de la MDPH suite à l’envoi de mon dossier en mars 2023. 

Vous êtes atteinte de bipolarité. Pourriez-vous nous dire quels sont les symptômes de cette pathologie ? 

Les troubles bipolaires se caractérisent par l’alternance de phases (hypo)maniaques et dépressives

Les symptômes de ces phases sont décrits dans le DSM-5 qui est le manuel de référence de la psychiatrie. On y lit que les phases hypomaniaques et maniaques présentent les symptômes similaires : humeur élevée avec insomnies, augmentation de la confiance en soi, projets multiples, désir constant de parler, idées abondantes, distractibilité, etc. 

Seul l’intensité des symptômes et leur durée vient distinguer ces deux phases. Néanmoins, seulement la phase maniaque peut occasionner une perte de contact avec le réel (idées délirantes), ce qui peut nécessiter une hospitalisation. 

La vulgarisation autorise à dire que la phase hypomaniaque est une phase maniaque atténuée. 

La dépression quant à elle se caractérise par une humeur triste, une perte d’intérêt ou de plaisir pour les activités, de la fatigue (insomnies ou hypersomnies), un sentiment de dévalorisation, des difficultés à se concentrer et à faire des choix, des pensées noires ou suicidaires. 

Toutes ces phases impactent la vie du malade plus ou moins fortement, jusqu’à pouvoir perturber le fonctionnement professionnel et social du malade.

Comment s’est manifestée la bipolarité dans votre vie ? Quels ont été les premiers symptômes ?  

La bipolarité s’est manifestée chez moi dès toute petite, d'abord par de nombreux états dépressifs. J’étais souvent triste, en décalage avec les autres, j’avais souvent des idées négatives et dévalorisantes.  

J’ai, malgré ça, eu un parcours scolaire et universitaire riche, j’ai pris mon indépendance à 19 ans, j’ai travaillé pendant mes études, j’avais des amis, des petits-amis, je sortais comme une fille de mon âge, mais j’étais rarement heureuse

Même si j'avançais positivement dans ma vie, la tristesse, mon incompréhension des autres et par les autres, mon sentiment d'invisibilité… étaient omniprésents.

Avez-vous consulté rapidement ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ? 

A 21 ans, j’ai fait une semaine d’insomnie (je ne dormais que de 7h à 11h). Sans attendre, j’ai consulté mon médecin traitant qui m’a diagnostiquée dépressive (il me suivait depuis plusieurs années déjà) et m’a prescrit des antidépresseurs

10 ans plus tard, après avoir contribué à l’ouverture d’un centre d’accueil pour personnes bipolaires, je me suis reconnue dans les symptômes. J’ai joint le Centre des Troubles Anxieux et de l’Humeur à Paris où j’ai été diagnostiquée cyclothymique.  

Quel est l’impact de la bipolarité sur votre vie privée et professionnelle ?  

La bipolarité est une maladie psychique qui impacte la vie du malade. Soit celui-ci peut masquer ses symptômes en se comportant comme si de rien n’était (masking), soit les symptômes sont tels qu’il ne parvient pas à les cacher à son entourage, qu’il soit familial, amical ou professionnel. Une personne touchée par les troubles bipolaires aura donc des difficultés relationnelles dans toutes les sphères de sa vie ce qui aura pour conséquences des conflits, un isolement, des séparations, des licenciements, etc. 

Me concernant, j’ai toujours dissimulé ma maladie de peur de ce que les autres pourraient penser. Seuls ma famille (parents, fratrie), quelques amis et mon conjoint sont au courant. 

Je n’ai jamais rien dit au travail pensant être protégée par mon silence mais mes arrêts de travail, ma quantité de travail doublée en hypomanie, ma façon d’être atypique, m’ont attiré beaucoup de harcèlement. Je n’ai pas pu me préserver de ces aspects. 

J’ai été licenciée 5 fois et, aujourd’hui, j’ai baissé les bras face à un monde du travail très hostile quant à la différence. C'est suite à mon dernier licenciement que j'ai fait un dossier MDPH et sollicité la CPAM pour une invalidité

Sur mon compte Instagram @le_comptoir_des_humeurs, vous trouverez une story à la une indiquant toutes les étapes pour la construction du dossier MDPH (annoté également pour aider à la rédaction). 

Suivez-vous un traitement ? Quel professionnel de santé vous suit ? 

Je prends des antidépresseurs depuis 22 ans et des régulateurs de l’humeur depuis 12 ans. Il est important de savoir que la bipolarité ne peut pas être soignée mais, uniquement, stabilisée. Cela signifie que les changements d’humeur perdurent mais de manière moins intense

Cette stabilité s’acquière donc par un traitement qu’il faut prendre « conformément aux instructions prescrites par le médecin sur l’ordonnance » (observance médicamenteuse) mais également par un suivi thérapeutique régulier

Pour ma part, je vois une psychologue une fois par mois et une psychiatre une fois par mois également. Elles font partie des piliers de mon parcours de soins via l’alliance thérapeutique mise en place (lien, confiance avec le professionnel).  

Enfin, la complémentarité d’une hygiène de vie (sommeil, alimentation, activités…) aide à la stabilisation mais la maladie ne permet pas toujours la mise en œuvre de cet aspect du rétablissement qui peut coûter énormément en matière d'énergie. 

Vous êtes active sur les réseaux sociaux sous le nom le_comptoir_des_humeurs. Qu’est-ce qui vous a poussé à parler de la maladie ? Quels messages souhaitez-vous transmettre à vos abonnés ? 

Suite à mon dernier licenciement et à une réflexion de longue date sur qui je suis du fait de la maladie, j’ai décidé d’assumer mes fragilités et de les partager via Instagram. J’ai ouvert mon compte en octobre 2022.

Mon parcours universitaire (L3 de psychologie, DU Handicap Psychique), professionnel (responsable de service dans le handicap, contribution à l’ouverture de deux centres d’accueil pour personnes bipolaires, contribution à l’écriture des ateliers de psychoéducation) et personnel (je suis moi-même bipolaire) me donne une triple approche de la maladie que je souhaite mettre au service de ceux qui en ont besoin

Depuis le départ, c’est toujours avec beaucoup d’émotions que je reçois les remerciements des abonnés qui me suivent, tant pour mes publications que pour ma disponibilité à toujours répondre à leurs questions et à les soutenir face à leurs doutes et/ou à leurs démarches. 

J’ai d’ailleurs mis en place des visioconférences individuelles gratuites pour rompre l’isolement et partager le quotidien de la maladie. Cela était mon idée du départ car je souhaitais que mon compte soit un espace d'échanges d'où le mot "comptoir" (qui fait référence à un comptoir de bar où les gens parlent et se confient). Aujourd'hui, c'est chose faite et il suffit de m'envoyer un message privé afin de programmer un rendez-vous.  

Quels sont vos projets pour l’avenir ? 

J’aimerais être conférencière et écrire un livre. 

Enfin, quels conseils aimeriez-vous donner aux membres Carenity également atteints de troubles bipolaires ou autre handicap psychique ?  

N’ayez aucune honte d’être malade et, surtout, consultez un professionnel et prenez un traitement car ce sont les sésames d’une meilleure vie.  

Un dernier mot ?  

J'aimerais faire la différence entre maladie psychique et handicap psychique. 

La bipolarité est une maladie psychique avec laquelle on peut vivre, évoluer, travailler et fonder une famille si on est stabilisé et bien accompagné. 
  
Malheureusement, il est possible que les symptômes s'intensifient face à un évènement difficile. Cela peut avoir pour conséquence des retentissements (répercussions) dans la vie de tous les jours. A ce stade, la bipolarité devient un handicap et il ne faut pas hésiter à solliciter la MDPH ou la CPAM (invalidité) pour obtenir des compensations. 


 Un grand merci à Marine pour son témoignage !   
  
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avatar Candice Salomé

Auteur : Candice Salomé, Rédactrice Santé

Créatrice de contenus chez Carenity, Candice est spécialisée dans la rédaction d’articles santé. Elle a une appétence particulière pour les domaines de la psychologie, du bien-être et du sport.

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7 commentaires


Hippolyte
le 05/10/2023

Bonjour Marine.

Diagnostiqué bipolaire 2 fin 2005 (45,5 ans) alors que soigné pour dépression depuis Mars 2002. Il semblerait que nous soyons entre 650 000 & 1 600 000 personnes atteintes . Je vais vais prendre le chiffre HAUT car combien souffrent de bipolarité sans être diagnostiqués ?

Je connais UN cas de bipolaire 2 GUERI alors ,il est statistiquement "permis" qu'un personne sur 500 000 soit guérie ! C'est minime mais , c'est un DEBUT. Moi même , je ne suis pas stabilisé même avec un traitement lourd dixit le psychiatre (Lauréat d'une Faculté de médecine) qui m'a suivi avec brio pendant 11,5 ans (Retraite) . Cela peut paraître à l'envers mais , c'est ma bipolarité qui cyclothymise puisque je ne suis pas stabilisé alors j'ai inventé cyclobip 2.

J'étais reconnu après 3 ans d'ALD par la Sécurité Sociale en invalidité 2 (50 à 79 %) car ne pouvant faire au moins les 2/3 de mon travail d'où arrêt complet . J'ai eu la chance de travailler dans un grand groupe industriel d'embouteillage de vins ; ABV ; alcools et sirops donc perçu en net la moitié de mon salaire brut complétée jusqu'à la retraite par un grand groupe banque/assurance pendant 13,5 ans. J'ai donc perçu mon salaire net sur 12 mois/ans en étant toujours à l'effectif.

Grâce à ma psychiatre et à la Protection des Populations , j'ai demandé à voir le médecin de l'AST (Ex Médecine du Travail) plus d'un an avant la date de la retraite où j'aurais touché 2 mois de salaire comme prime de retraite alors que j'ai touché 10 mois de salaire non imposables car licencié pour inaptitude et 500 euros imposables.

Quand à la MDPH , c'est du pur folklore car il m'avait été refusé la reconnaissance de travailleur handicapé donc , après la retraite , j'ai envoyé mes 2 feuilles MDPH pour savoir mon statut car étant à la retraite , je n'étais plus en invalidité de la Sécurité Sociale . Il paraît que j'ai été reconnu comme travailleur handicapé alors que depuis le début de l'ALD (3 ans) jusqu'à la fin de mon invalidité : je n'ai mis les pieds à l'usine ( 2 heures ) que pour l'entretien préalable à mon licenciement....Cela s'appelle un faux en écriture dixit l'assermenté que je fus !!!

Comme , grâce à la "bienveillance" de M. Edouard Balladur , son gouvernement , sa majorité à l'Assemblée Nationale ; nous sommes passés des 10 meilleures années de salaire aux 25 meilleures pour le calcul de la retraite et que l'on ne se base pas aussi sur nos années d'invalidité : passent à la " TRAPPE " 15 % de ma retraite.... Ceci de la part d'un ancien chômeur de longue durée du Gard parti chercher du travail dans le Beaujolais , le Lot & Garonne , vers Nantes .

Ce que vous avez exposé est très intéressant car vous reflétez bien ce qui se passe en maladies psychiques . Pour ma part , je voudrais monter un groupe de paroles puisque deux villes de 15 000 ans ne sont séparées que par le Rhône . Bon courage . Hippolyte .


Hippolyte
le 05/10/2023

Bonsoir Marine.

Dans la question "UN DERNIER MOT ? " Il faut savoir que la Sécurité sociale ne me considère plus en invalidité puisque je suis à la retraite puisqu'elle avait décrété que je ne pouvais faire au moins les 2/3 de mon travail : là ; c'est correct .

Quand à la MDPH , je suis hors de sa portée puisque je me débrouille tout seul avec l'aide de la psychiatre (Je suis hors de sa portée) et de la géniale psychothérapeute qui me suivent car la maladie est toujours là avec mon traitement lourd jusqu'à la fin de ma vie et ma retraite me suffit à peu près .

Il y a juste quand cela ne va pas que je fais appel à S.O.S Amitié et Mardi ,j'ai eu besoin du SAMU pour un problème physiologique résolu par mon généraliste.

Je vous souhaite tout le courage possible . Bonne soirée . Hippolyte.


aquarella
le 08/10/2023

je suis la fille d'une maniaco dépressive avec bouffées hallucinatoires et le sujet était tabou, le honte de la maladie m'a fait plus de bien que de mal, et j'ai préféré en parler après, j'ai aussi connu l'éloignement de toute la famille, ça bousille le malade, mes proches et les moins proches, la honte devrait changer de camps, le honte devrait être dans le camps des gens qui nous traitent comme des merdes, car ça peut leur tomber dessus aussi, personne n'est à l'abris de cette maladie


avatar
Utilisateur désinscrit
le 28/10/2023

bonsoir , bipolaire depuis 2000 stable depuis 2003 je suis sidérée des réactions des forces de l'ordre ,des juges et de certains personnels hospitalier !

Je m'explique victime de graves violences conjugales ,mon ex mari a prétendu que j'étais folle ,il a fallu que je fournisse la preuve de mon traitement ,de mon suivi un certificat du psy et au bout du compte il est relaxé bénéfice du doute

je demande le divorce c'est reparti pour un tour !

le personnel médical : je ne dors plus depuis 24h je sais que ce n'est pas normal ,j'appelle mon psychiatre pour un léger somnifère ,sa secrétaire estime que ça peut attendre la prochaine consultation 10jours plus tard! et que je n'ai qu'a voir mon médecin .Je prend rdv ,le hic mon médecin très censé m'avait avoué des le début ne pas connaitre ma maladie et avoir très peur de toucher a mon traitement normal .donc j'attend 1H30 en salle d'attende il fait très chaud ,je pars en me disant tant pis

c'était sans compter avec la peur du médecin en voyant que je n'était plus la ! aussitôt elle appelle les urgences psychiatriques . Je vois donc arriver chez moi les pompiers qui constatent que je vais bien que mes enfants adultes sont avec moi , ils transmettent au 15 et repartent ,30 mn plus tard gendarmerie ! même scenario donc rapport au 15 et ils repartent ,15 mn plus tard une ambulance et d'autres gendarmes !!! tout le monde me trouve très bien et estiment normal que je demande un somnifère (un gendarme me dira même que ça ne se voyait pas que j'était malade .Bref ils allaient tous repartir quand l'infirmière du 15 a exigé que l'on m'emmène y comprit par la force!!

Je pars donc calmement avec eux et le plus beaux : a l'hôpital on me prends mes vêtements et je vois une infirmière qui me surveille discrètement .Quand mon tour arrive le psychiatre me demande ce qui se passe je raconte et là ouf quelqu'un de censé ,on lui avait dit que j'était une furie qu'il allait interner! il était agréablement surpris m'a prescrit un somnifère ,j'ai su que l'infirmière ,la secrétaire de ma psy et ma psychiatre avaient pris un petit savon

J ais échappé de peu a un internement résultat plus jamais je ne demanderais de l'aide ni ne ferais confiance au personnel médical ON NOUS PRENS POUR DES FOUS DANGEUREUX INADMISSIBLES ,en fait on a aucun droit face a la justice ni face a certains médecins


Sambipo
le 26/11/2023

Merci Marine

pour votre témoignage, dans lequel je me reconnais, même si pour moi, c'était une autre époque . Premiers symptômes reconnus il y a 50 ans, j’en avais 20 , une tante qualifiée de « folle » donc un héritage .

Longtemps soigné par des généralistes à coup de neuroleptiques, anti dépresseurs et autres, arrêt de travail etc … Ma vie a été chaotique, les phases up correspondaient pour moi à une mise en danger et à une provocation permanentes . Cela « amusait » mon entourage et je le vivais plutôt bien . Les phases down étaient très trés compliquées, Résultats des courses, études réussies, j’avais un fort potentiel qui compensait toutes mes périodes compliquées. Vie professionnelle compliquée au début, puis compliquée pour certain de mes élèves , je me suis arrêtée volontairement à 50 ans en tant que mère de 3 enfants . Mais je n’ai jamais été capable d’avoir des relations avec les autres donc isolement presque total.

Aujourd’hui je suis incapable de suivre un traitement, j’ai eu la chance de rencontrée 3 personnes bienveillantes qui ne me comprennent pas forcément, mais m’aident à survivre . En fait voilà le mot depuis ma naissance, je survis !!!

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