Le défi de Nicolas : adapter son quotidien et poursuivre ses rêves sportifs face à la SEP
Publié le 7 mai 2019 • Par Louise Bollecker
Triathlète émérite, Nicolas Campos avait 27 ans lorsque le diagnostic de la sclérose en plaques a été posé. Malgré la maladie, il a décidé de poursuivre ses passions et nous présente son quotidien et ses prochains défis sportifs.
Bonjour Nicolas, pouvez-vous vous présenter ?
Né en 1988 et sportif depuis toujours, je commence par me mettre sérieusement au football dans l’engouement post-France 1998. Le ski alpin reste l'un de mes sports de prédilection.
Après un master dans une école de commerce à Paris, je pars travailler en Australie pour profiter des grands espaces et d’une qualité de vie hors normes pour les sportifs. Je découvre alors le triathlon qui devient rapidement un mode de vie.
Ma SEP se déclare lorsque j’ai 27 ans, et malgré les symptômes de la maladie au quotidien, j’essaie de l’apprivoiser au mieux pour poursuivre mes passions.
Quels ont été les premiers symptômes de la sclérose en plaques ?
Les premiers symptômes de ma SEP se sont présentés sous la forme de paresthésies, qui ont ensuite évolué vers une spasticité des chevilles et des difficultés à la marche. Se sont aussi ajoutés l’incontinence, la fatigue, etc.
Le diagnostic a-t-il été long à poser ?
La phase la plus frustrante de la maladie a été l’absence de diagnostic initial. Avant même de rencontrer les premiers neurologues et de passer les premières IRM, je m’étais « auto- diagnostiqué ». Mon avis s’était construit sur des recherches internet, mais aussi sur des discussions avec des amis médecins. En arrivant à l’hôpital (pour la seconde fois, après être passé aux urgences une première fois et avoir été diagnostique d’une hernie discale), on m’annonce que je suis seulement victime d’une myélite, et malgré les 3 jours de bolus de corticoïdes qu’on me prescrit, je n’ai pas de diagnostic officiel. Donc pas de traitement de fond.
Comment avez-vous réagi à l’annonce du diagnostic ?
6 mois plus tard, après l’apparition de nouvelles lésions sur l’IRM cérébrale et médullaire, le diagnostic m’est donné comme une libération ; une clé qui va me permettre d’accéder à des traitements de fond. J’espère qu’ils m’aideront à maîtriser les symptômes de cette maladie. Je n’ai donc pas eu de mal à accepter le diagnostic.
J’avais déjà avancé sur le chemin de la prise en charge de la maladie auparavant. Tout d’abord, en m’informant un maximum sur la sclérose en plaques : en lisant des ouvrages et des publications scientifiques, et en évitant de faire confiance aux témoignages et prévisions catastrophistes. L’avis d’une personne à un moment donné ne peut pas être un reflet objectif de la maladie. Je me suis concentré sur l’ensemble des facteurs que je pouvais contrôler : en commençant à adapter mon alimentation, en changeant mon mode de vie, en privilégiant les choses qui me faisaient du bien sur les choses qui me donnaient du plaisir.
Comment avez-vous accepté la maladie ? Était-ce une évidence de continuer le sport ?
A l’annonce du diagnostic, j’ai décidé de prendre du temps pour faire une retraite. C’était une occasion unique de pouvoir réfléchir sur moi, mes aspirations, ma vie et comment le diagnostic pouvait me permettre de redéfinir ce que je voulais devenir. Je pense que cet épisode a représenté une étape clé pour moi dans l’acceptation de la maladie. L’objectif pour moi était vraiment d’en tirer le maximum, de comprendre comment je pouvais profiter du diagnostic pour améliorer mes conditions de vie.
« Quand j'ai la cheville qui traîne, je peux faire du vélo ou nager. Quand j'ai les bras qui ne répondent pas, je peux aller courir. »
Dans ce processus de réflexion, j’avais abouti à l’idée que je ne ferais plus de sport. Les premiers symptômes de la SEP avaient été particulièrement impressionnants, et je voulais me concentrer sur la protection de mon corps. Mais la nature a bien vite repris le dessus. Un jour, je suis allé à la piscine et j'ai nagé 500 m. En arrivant au bout je me suis dit : finalement ça marche encore. C'était un soulagement énorme.
Comment la maladie impacte-elle ton quotidien de sportif ?
J’ai repris l’entraînement progressivement, en essayant d’écouter mon corps au maximum. Le sport me permet de m’échapper, de penser complètement à autre chose. Quand je cours, quand je nage, quand je suis sur mon vélo, je me sens pleinement vivant, et c’est le plus important. Le sport ne permet pas de diminuer les symptômes, mais de ne pas y penser.
Mon état est variable et je m'adapte aux symptômes de la SEP. Quand j'ai la cheville qui traîne, je peux faire du vélo ou nager. Quand j'ai les bras qui ne répondent pas, je peux aller courir.
Comment envisages-tu tes prochains défis sportifs ?
A force de me remettre à l’entrainement, j’ai pu devenir compétitif de nouveau, et participer à triathlons format longue distance (1.9km de natation, 90km de vélo et 21 de course à pied). Avec les championnats du monde qui se tiennent en France en 2019, je me suis fixé comme objectif de me qualifier. J’ai travaillé avec un coach pour structurer mon entraînement, et garder à la SEP une vraie place, c’est-à-dire penser l’imprévu. Respecter son corps et la fatigue. Avec 6 mois d’entraînements intensifs et pas de poussées majeures à déplorer, ma course en Chine prévue en avril 2018 s’est déroulée à merveille, et mon classement m’a permis de valider mon ticket pour les championnats du monde qui se dérouleront en septembre 2019.
Comment as-tu adapté les autres aspects de ton quotidien à la SEP ?
Mon quotidien a été bouleversé par la SEP. Ou plutôt, grâce à la SEP. Ou plutôt, ma SEP a été un élément déclencheur qui m’a fait prendre conscience de l’ensemble des changements bénéfiques que je pouvais apporter à mon environnement.
Après la lecture de la littérature scientifique et de certains ouvrages français et internationaux sur la gestion de la SEP (Vaincre la sclérose en plaques de Julien Venesson, Overcoming Multiple Sclerosis de P. Jelinak), j’ai commencé à me mettre au yoga, à la sophrologie et à la méditation. Le sommeil a pris une place capitale dans l’organisation de mes journées. J’essaie d’adapter mon alimentation en consommant un maximum de plats cuisinés à la maison et en évitant les plats préparés. Tous ces changements ont pris place progressivement dans ma vie, je n’ai pas choisi de modifier radicalement mon mode de vie. J’ai aussi choisi de changer d’emploi en recherchant un poste où je pouvais faire passer ma qualité de vie avant le travail. J’ai quitté le monde stressant et exigeant du conseil en stratégie pour rejoindre une grande entreprise où j’ai informé mes supérieurs directs de mes problèmes de santé.
Quel a été le rôle de tes proches dans ces changements de vie ?
Mes proches ont été très compréhensifs et m’ont beaucoup soutenu. Je pense qu’il est essentiel de savoir s’entourer, car la maladie peut être pesante à gérer seul au quotidien. J’ai la chance d’avoir une petite amie très patiente et aidante. Elle a aussi su adapter son mode de vie aux changements nécessaires pour moi. Mes parents sont évidemment très inquiets, mais j’insiste avec eux sur la prise en charge toujours plus efficace de la maladie. Je les tiens au courant des résultats des IRM et des visites chez le neurologue.
« Je ne veux surtout pas de la pitié de la part des autres, j’ai besoin de compréhension »
Avec des gens que je connais moins, j’essaie de ne pas parler de la maladie. Seulement 4 personnes sont au courant au bureau. Moins j’en parle, moins on m’en parle, et mieux je me porte. Je ne veux surtout pas de la pitié de la part des autres ; j’ai besoin de compréhension. Les autres doivent pouvoir comprendre ma fatigue, mon énervement, mes difficultés. Pour cela, ma petite amie a rédigé un document de 2 pages claires et explicatives sur la SEP, en parlant beaucoup des symptômes invisibles. Elle a ensuite envoyé ce document à la plupart de mes amis proches et de ma famille. Cela leur a permis de comprendre et de ne pas poser des questions absurdes ou incessantes.
Tu as choisi de médiatiser ta maladie, notamment à travers un portrait dans L’Équipe, peux-tu nous en dire plus ?
Médiatiser la maladie a été un choix très difficile, car cela demande de communiquer régulièrement sur les symptômes, la peur de l’inconnu et les défis futurs qui peuvent se présenter. L’avantage, c’est que cela permet de faire connaitre la maladie et de détruire un certain nombre de mythes qui entourent la sclérose en plaques : le handicap n’est pas automatique, les SEPiens ne sont pas condamnés, l’espoir existe ! Il faut choisir la vie, et c’est le message que j’essaie de faire passer.
Quel est ton traitement aujourd’hui ? As-tu été intégré au choix de ce traitement par l'équipe de soins ?
Le choix du traitement a été particulièrement surprenant. Les neurologues m’ont laissé choisir mon médicament, avec assez peu d’informations malheureusement. J’avais le choix entre l’Aubagio, la Copaxone et les interférons.
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J’ai fait un tableau de comparaison de chacun de ces médicaments sur différents critères (efficacité, effets secondaires, posologie, etc.) en cherchant des informations sur internet et en parlant à des patients. J’ai trouvé quelques tableaux de comparaisons existants, et je me suis construit le mien (voir ci-dessous). J’ai ensuite posé quelques questions de clarification à mes neurologues avant de prendre une décision.
J’ai choisi l’Aubagio, car il est facile à prendre et les effets secondaires sont limités. Mes seules réserves concernaient le risque potentiel de malformation du fœtus en cas de parentalité et le manque de recul sur le médicament, lancé sur le marché français en 2014. Je suis aujourd’hui sous Aubagio depuis plus de 2 ans, je supporte bien le médicament et il est relativement efficace.
Merci beaucoup à Nicolas d’avoir partagé son histoire et ses conseils pour adapter son quotidien à la maladie sans renoncer à ses passions !
Vous pouvez visiter son blog par ici.
N’oubliez pas de commenter ce témoignage pour apporter votre soutien et poser vos questions.
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