Marie-Claire Neveu et son seule-en-scène Hépatik Girl, un spectacle humoristique sur le thème de la maladie
Publié le 25 oct. 2023 • Par Candice Salomé
Marie-Claire Neveu est comédienne et également atteinte de plusieurs maladies chroniques. Dans son nouveau spectacle, elle parle de son parcours avec humour !
En tournée en France, elle invite les spectateurs à se questionner sur la façon dont la maladie définie souvent les personnes touchées, dans le quotidien et dans la société actuelle, en mêlant humour et émotion.
Pour en savoir plus sur son parcours face à la maladie, son nouveau spectacle et les dates de sa tournée, découvrez vite le témoignage de Marie-Claire Neveu !
Bonjour Marie-Claire, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis comédienne, autrice, productrice… Disons artiste pluridisciplinaire. J’ai toujours fait de la musique et du théâtre, puis je me suis formée à la production, au scénario et à la réalisation audiovisuelle. Après mes études, j’ai d’abord travaillé sur les tournages avant de revenir à la scène. En 2015, j’ai monté la Compagnie de l’Armoise. J’ai tourné un premier spectacle appelé Nina, des tomates et des bombes et je porte aujourd’hui un nouveau seule-en-scène : Hépatik Girl.
Sinon, je viens de Rouen, en Normandie, je vis en région parisienne, j’ai un compagnon, deux frères et des parents particulièrement formidables. J’aime la randonnée, le yoga, la musique, les fondants au chocolat noir, je dévore beaucoup de films et de spectacles, et je suis fascinée par la permaculture et les personnes qui travaillent la terre avec force et passion.
HEPATIK GIRL ©Marie Charbonnier
Vous êtes atteinte de plusieurs maladies rares du foie. Pourriez-vous nous en parler ? Quand et dans quelles circonstances avez-vous été diagnostiquée ?
Je suis atteinte en effet d’une CSP + HAI (cholangite sclérosante primitive), ainsi que d’une MICI (syndrome de chevauchement). J’ai été diagnostiquée à l’âge de 14 ans au CHU de Rouen après une batterie d’examens. Des symptômes commençaient à nous alerter mes parents et moi. Il y a eu quelques mois d’errance avant de définir de quel type d’hépatite il s’agissait et quelles étaient les autres maladies. Pour la MICI, les médecins ont pensé à une maladie de Crohn pendant un temps, puis à une forme de RCH.
Comment ont-elles évolué ? Quelle est votre prise en charge actuelle ?
Suite au diagnostic, il y a eu nécessairement un traitement, assez lourd, afin de contenir l’inflammation qui était plutôt sévère. Au bout d’un an de traitement, cela n’allait pas particulièrement bien et la greffe du foie semblait inévitable. J’ai ensuite eu beaucoup de chance : les pathologies se sont peu à peu stabilisées. Grâce au traitement évidemment, et probablement grâce aussi en partie à mes parents qui ont complètement changé notre alimentation à l’époque. Aujourd’hui, je vais bien, les pathologies sont stabilisées. Je suis suivie à l’hôpital public et j’ai régulièrement des examens médicaux de contrôle.
Quel est l’impact de ces pathologies sur votre vie privée et professionnelle ?
J’ai été diagnostiquée enfant, j’ai donc grandi avec ces maladies. Mon quotidien a été chamboulé : mon rapport au corps, à la mort, à la vie, à l’alimentation, à l’alcool, à la médecine, au monde, à la Terre…
Depuis que je suis adulte, et ce jusque aujourd’hui, ces maladies ne m’ont cependant pas empêchée de travailler, de voyager et de vivre globalement la vie que j’ai choisi de vivre. Je suis assez tenace. J’ai appris à faire avec car, quoi qu’il en soit, les maladies sont là.
Les impacts se ressentent cependant sur des plans très pratiques. Enfant, cela a contribué à ce que ma mère décide d’arrêter de travailler pendant plusieurs années, afin de se rendre plus disponible.
Au quotidien, cela impact mon agenda et ma charge mentale concernant les rendez-vous médicaux à ne pas oublier, à prendre des mois à l’avance. Or, dans certains métiers comme le mien, on ne sait pas toujours à l’avance quand le boulot, les castings, les tournages… vont tomber. Il faut s’adapter.
Par ailleurs, cela a beaucoup impacté notre projet d’achat immobilier avec mon compagnon. Aucune assurance n’a voulu m’assurer. Le montage financier a été très compliqué.
Enfin, de manière plus intime, cela impacte la réflexion autour d’un projet de grossesse, et tout ce que cela implique (suivis médicaux, évaluation des risques : risque pour le fœtus si on maintient le traitement, risque pour moi si on supprime le traitement, risque d’inflammation suite à la grossesse, etc…). Mais je suis quelqu’un de très optimiste et j’arrive toujours à m’en sortir. Alors je ne m’inquiète pas plus que ça.
Vous êtes comédienne et bientôt en tournée pour votre nouveau spectacle Hépatik Girl, pourriez-vous nous en parler ?
Avec Hépatik Girl, j’ai choisi de m’emparer de mon expérience personnelle de la maladie et de la transformer en geste théâtral pour en faire un récit commun. Je me suis associée à Tatiana Gousseff qui a co-écrit avec moi le texte et qui le met en scène. Le spectacle aborde la cohabitation avec ces maladies auto-immunes, chroniques, inflammatoires, souvent invisibles, et questionne leur arborescence de causes (la génétique, les infections, les traumatismes, la transgénéalogie, la fragilité du microbiote intestinal, l’environnement…) et d'effets. Le spectacle mêle humour et émotion, dans un texte où s’invite la danse et le slam.
Le challenge de ce spectacle a été de trouver la juste distance pour me décoller de ma propre histoire, laisser place à la théâtralité, veiller à ne jamais tomber dans la complaisance, et ouvrir le sujet afin de permettre à tout un chacun de se retrouver par endroits. La coécriture et le travail avec Tatiana Gousseff ont été essentiels pour tout obtenir cela. Le spectacle a été créé cet été, au Studio Hébertot (Phénix Festival) puis à La Factory à l’occasion du Festival Off d’Avignon 2023.
Pourquoi avoir décidé d’aborder la thématique de la maladie dans votre nouveau seule-en-scène ? Quels messages souhaitiez-vous faire passer au travers de ce spectacle ?
J’aime, pardonnez-moi l’expression, « faire de l’or avec de la merde »… Avec ma co-autrice et metteuse en scène, Tatiana Gousseff, nous avons souhaité parler d’un corps qui grandit avec, et malgré des maladies silencieuses, détailler à quoi le corps sensible est confronté socialement et intimement, questionner les solutions thérapeutiques à une époque où on ne peut plus ignorer que la qualité de l’alimentation et l’environnement ont un réel impact sur notre santé.
Les scientifiques ont montré que les changements environnementaux, l’urbanisme, la pollution, l’hyper-hygiénisme, l’aseptisation… font que l’on a un microbiote intestinal moins diversifié. Cet appauvrissement du microbiote contribue à altérer les bonnes fonctions du système immunitaire, et donc favorise le développement et l’augmentation de certaines maladies chroniques, auto-immunes, inflammatoires. Notre microbiote fonctionne comme la terre d’un jardin : il a besoin de biodiversité pour garder son équilibre. Prendre soin de la terre, c’est prendre soin de notre santé et inversement. Nos corps ne peuvent plus être dissociés du reste du vivant, nous faisons partie de la nature. La préserver, c’est nous préserver. C’est vital.
Nous questionnons aussi l’écho de ces maladies avec la destruction systémique des écosystèmes sur la planète : tout comme les anticorps ne savent plus dissocier les cellules ennemies des cellules vitales dans un organe, les êtres humains ne savent plus distinguer les comportements qui menacent leur survie. Nos corps deviennent ainsi le miroir des écosystèmes.
Le spectacle dénonce également combien « être malade » peut devenir un argument de discrimination dans nos sociétés. Par exemple, à l’occasion d’une recherche de prêt immobilier et du questionnaire médical alors imposé. La loi a un peu changé en 2022, c’est louable, mais le questionnaire médical n’est supprimé que pour les prêts immobiliers de moins de 200 000€. Pour les autres prêts et pour les prêts immobiliers plus importants, cela ne change pas. C’est une profonde injustice. C’est double, voire même triple peine, pour les personnes atteintes de certaines pathologies pour lesquelles il n’y a généralement pas de considération du dossier au cas par cas. Bref, comme je le dis dans le spectacle : « pour vous assurer en cas de problème, les assurances s’assurent d’abord que vous ne risquez pas d’en avoir… des problèmes. » C’est absurde, mais c’est légal…
Quelles sont les prochaines dates de spectacle ?
Le spectacle va se jouer à Paris, au Théâtre de Belleville, du 5 au 28 Novembre 2023, les Dimanches (17h30), Lundis (19h) et Mardis (21h15).
Il sera ensuite en tournée : au Congrès de la SNFMI à La Défense le 7 décembre 2023, à Clohars-Carnoët le 18 février 2024, à Concarneau le 23 février 2024, à Rouen les 16 et 17 avril 2024, à Lavardin (41) le 8 Juin, à Cenon et Bordeaux à la saison prochaine...
D’autres dates sont également prévues.
Vous pouvez retrouver toutes les dates par ici :
https://www.compagniedelarmoise.com/hepatik-girl
https://www.marieclaireneveu.com/hepatik-girl
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Pour le moment, professionnellement, étant en autoproduction, je consacre beaucoup de mon temps à Hépatik Girl et ses dates à venir. Cela me demande beaucoup de travail. Avec La Fabrique des Récits, j’organise notamment un bord plateau/échange qui aura lieu suite à la représentation du Mardi 21 Novembre au Théâtre de Belleville, autour du thème « Malades (non) imaginaires - Comment notre santé est liée à celle de la planète ». Nous aurons pour invitées la réalisatrice Marie-Monique Robin et Hélène Desqueyroux de l’ADEME. Par ailleurs, avec Tatiana Gousseff, nous allons faire éditer le texte du spectacle. J’aimerai également beaucoup l’adapter en bande-dessinée et, qui sait, sous une autre forme… ! Et puis j’ai hâte de voir ce que l’avenir me réserve.
Quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par une maladie chronique ?
C’est toujours délicat de donner des conseils, car chaque maladie, chaque personne et chaque situation, bref chaque cas est différent. J’ai, de mon côté, trouvé une certaine forme d’équilibre et d’apaisement, grâce à une alimentation soignée, une activité sportive régulière et j’essaie de prendre soin de mes pensées. J’ai aussi décidé que j’étais peut-être tombée malade, mais que j’étais aussi montée malade, pour voir mieux et plus loin. J’ai surtout décidé que je n’étais pas qu’une malade, que j’étais beaucoup plus qu’un simple compte-rendu médical. La maladie ne me (et ne nous) définit pas, et heureusement !
Un dernier mot ?
Merci pour votre travail. Merci pour ce partage.
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