EM et POTS : "Je conseille de lâcher prise, on a aucun contrôle sur la maladie.”
Publié le 17 oct. 2024 • Par Candice Salomé
Morgane, dite un_trop_long_hiver sur Instagram, a contracté la Covid-19 en 2021. Ensuite, elle commence à ressentir de nombreux symptômes tels qu’une fatigue chronique, des problèmes respiratoires, des problèmes de mémoire immédiate, des douleurs thoraciques, entre autres. Les médecins lui diagnostiquent un Covid long. Les symptômes ne passent pas et elle décide de rencontrer d’autres médecins, elle passera de nombreux examens dont des tests à l’effort. Le diagnostic tombe : encéphalomyélite myalgique (EM) et syndrome de tachycardie posturale (PoTS).
Elle, qui était si sportive, se retrouve très limitée dans ses activités quotidiennes. Elle doit composer avec la maladie et s’économiser autant que possible.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Morgane, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Bonjour,
Je m’appelle Morgane, j’ai actuellement 33 ans, je suis mariée et je vis en couple depuis presque 14 ans, dans la ville d’Annecy, et j’ai un chat très affectueux au nom de Mia.
Je suis assistante technique dans un cabinet d’expertise en construction.
En ce qui concerne mes passions, j’ai toujours été cinéphile, j’aime beaucoup les « giallo » de Dario Argento, les films de Ti West, Night Shyamalan, Jordan Peele ou Xavier Dolan …
J’aime également : lire, l’astronomie, les concerts d’orgue, tester des nouveaux restaurants, voyager de manière « slowly » en train, cuisiner, les jeux d’énigme, me balader en nature et, surtout, j’aime apprendre auprès des autres, que ce soit « construire une chaise en bois » ou « apprendre les différentes plantes ».
Je suis curieuse de tout ce qui m’entoure, et j’aime autant la musique classique que le rap.
Avant de tomber malade, j’aimais également faire de la course à pied, du vélo, me balader en nature et pratiquer le yoga doux.
De plus, je me suis engagée dans une association dans ma ville pour effectuer des maraudes pour les SDF.
L’écologie est aussi une valeur importante pour moi.
Et, enfin, je suis particulièrement engagée depuis que je suis adolescente pour protéger les enfants victimes de violences physiques, psychologiques et surtout sexuelles.
Quelles ont été les premières manifestations de la maladie ? Quand avez-vous décidé de consulter ? Quels médecins avez-vous rencontrés ?
Début décembre 2021, je suis testée positive au Covid-19.
Pendant la phase de « confinement », je constate déjà quelques symptômes qui me surprennent mais je ne suis pas alarmée : sensation de quelque chose qui tombe dans la tête, oppression thoracique, bradycardie, en plus de mon mal de tête.
Fin janvier 2022 : je ressens une fatigue anormale et un mal de tête permanent, pourtant je me repose et je fais du sport quotidiennement, jusqu’à présent, j’étais en forme.
Ensuite tout s’enchaîne, je m’endors au travail, j’ai des problèmes de mémoire immédiate.
Un jour pendant mon RTT, je pars pour une course à pied, et j’ai un peu de mal à respirer mais je mets ça sur le compte du post-Covid, je me force et je rends compte que mon rythme cardiaque est anormal. J’appelle un ami car cela m’angoisse, il arrive rapidement et me rassure mais, le soir même, je ne me sens à nouveau pas bien.
Le médecin de nuit qui m’ausculte ne constate rien d’anormal.
Mais les jours suivants, je suis de nouveau pas bien, et j’ai des crises d’angoisses et des symptômes cardiaques sans raison.
Au départ, je consulte SOS Médecins qui ne constate rien d’anormal, mes prises de sang sont bonnes et on me dit que je suis en trouble anxieux généralisé.
Pourtant je sens que quelque chose ne va pas, je suis de plus en plus « faible physiquement » et les symptômes se multiplient : douleurs thoraciques, perte d’appétit, endormissement, beaucoup de difficulté à faire du sport…
L’anxiété, je connais et cela n’a rien à voir.
En mars 2022, un dimanche, j’essaye de continuer à marcher et j’ai de plus en plus de mal à respirer, je suis très essoufflée, j’ai des douleurs thoraciques et il est impossible pour moi de mettre un pied devant l’autre, je commence à avoir peur de ce corps qui me lâche sans raison… Je décide donc de voir mon médecin traitant.
Comme je le vois uniquement en cas de gros soucis de santé et voyant mon état général, il arrive très rapidement à faire le lien avec le Covid et il est à l’écoute de chaque symptôme, il est assez réactif et me donne les coordonnées d’un cardiologue pour suspicion de myocardite (inflammation du myocarde).
Lors de la consultation, il décèlera une fuite à la valve mitrale au stade modérée mais selon lui sans lien avec le Covid.
Je revois donc mon médecin traitant qui appelle l’hôpital service infectiologie.
Quelques jours plus tard, je suis reçue par une infirmière et un infectiologue qui constatent rapidement un trouble au niveau de l’oxygène lors de l’effort.
Je vais donc effectuer tout en tas d’examens pour confirmer ce diagnostic de COVID LONG.
En tout, je vais effectuer deux tests à l’effort : un en pneumologie et un en cardiologie, de nombreuses prises de sang, test ORL, IRM cardiaque, SCANNER thoracique, ECG, échographie du cœur…
Moi qui détestais les examens médicaux, j’allais être servie.
Après tous ces examens, l’infectiologue est formel je suis bien COVID LONG, lui préférera syndrome post-infectieux. Il me demande de ne pas reprendre à temps plein mais à temps partiel et de reprendre doucement les activités.
Je n’ai aucun traitement car il n’existe pas encore et je ressors, d’une part soulagée de finir les examens, et d’un autre côté, abandonnée de ne pas avoir de traitement.
Lors de ma reprise à mi-temps au travail, les trajets sont de plus en plus difficiles, mes symptômes reviennent à la hausse.
J’organise du coup mon travail en télétravail principalement et je commence à m’inquiéter car je fais de plus en plus de malaise.
Combien de temps a-t-il fallu pour que vous puissiez être diagnostiquée ? Quels examens avez-vous dû passer ? Quelle est votre prise en charge actuelle ?
Après ce diagnostic de COVID LONG, les mois passent et je ne guéris toujours pas.
Pire je commence à faire de plus en plus de malaises.
Je prends contact avec un médecin en Belgique qui pense que le COVID LONG, la fibromyalgie et l’EM (encéphalomyélite myalgique ou SFC = syndrome de fatigue chronique), c’est la même chose.
Je décide donc de reprendre contact avec mon médecin traitant en avril 2024, il a une patiente de 12 ans qui est EM post-Covid, il me donne les coordonnées du spécialiste.
Je confirme cette information avec l’association MILLIONS MISSING FRANCE.
Quelques jours plus tard, un médecin interne spécialiste de l’EM va me diagnostiquer et confirmer que je suis atteinte d’EM suite au Covid.
Je vais continuer à faire des prises de sang spécifiques.
Actuellement, j’ai un traitement pour limiter les symptômes mais le traitement pour l’EM n’existe pas encore.
Pourriez-vous nous décrire l’impact de l’EM sur votre quotidien ? Il y a-t-il des choses que vous ne faites plus ?
Clairement, je ne peux plus du tout faire de sport. Quelques mois avant mon Covid, je courais mon second semi-marathon, depuis je n’ai plus jamais couru.
Maintenant, même une petite balade en vélo me rend malade le lendemain : nausées, fatigue et état de faiblesse général… Ce qu’on appelle un crash.
Au-delà de ça, je dois me reposer sur mon mari sur l’entretien de la maison, j’ai dû diminuer mes tâches quotidiennes : cuisine, course, passer l’aspirateur… Je dois me reposer entre chaque tâche et je perds clairement en autonomie.
De plus, je ne peux pas faire de long trajet ou cumuler des activités dans une journée.
Et je ne peux rien organiser à l’avance car mon état change d’un jour à l’autre voire d’une heure à l’autre.
Vous êtes également atteinte du syndrome de tachycardie posturale (PoTS), pourriez-vous nous en parler ?
Oui, les médecins m’ont diagnostiqué un POTS (syndrome de tachycardie posturale), très courant avec l’EM.
Lorsque je suis en position debout, mon rythme cardiaque augmente de 30BPM au moins.
Ce qui fait que j’ai des vertiges et je suis rapidement fatiguée.
J’ai donc des difficultés à rester debout longtemps.
Depuis avril 2024, je prends des médicaments pour réduire le rythme cardiaque et ça me soulage grandement.
Parlez-vous facilement de la maladie ? Vous sentez-vous soutenue ? Vos rapports ont-ils changé avec vos proches ?
C’est un sujet assez délicat et sensible pour ma part…
Au départ, j’ai été assez franche sur mon état de santé mais je n’ai pas eu l’impression que certains ont pris la maladie au sérieux et je n’ai pas été entourée que de bienveillance.
J’ai été plutôt surprise que certaines personnes auxquelles on ne s’attend pas sont présentes et d’autres se détachent de vous sans se remettre en question.
On a un peu l’impression d’être la personne à éviter, et d’être assez vite oublié…
J’ai certains amis qui ont cherché n’importe quel prétexte pour me pousser à bout, créer le conflit et me tourner le dos, d’autres ne me répondent plus et d’autres sont présents et à l’écoute, ce qui a été pour moi un vrai réconfort.
Actuellement, je me sens un peu « brisée » et je pense que ma confiance générale envers « l’autre » est pour l’instant rompue.
J’ai beaucoup de mal à continuer mes relations amicales existantes ou à en créer de nouvelles de peur d’être à nouveau abandonnée.
Vous parlez de votre parcours face à la maladie sur les réseaux sociaux. Pourquoi avoir fait ce choix ? Quels messages souhaitez-vous transmettre ? Quels sont les retours de votre communauté ?
J’ai fait le choix de créer un compte à part (un_trop_long_hiver) pour expliquer mon parcours pour davantage sensibiliser à la maladie et échanger avec ceux qui vivent avec ce même corps malade.
Ça a été un exutoire pour moi de dire ce que je ressentais vraiment, comme un peu un journal de pensées, un journal de bord ; de poser des mots sur mes maux.
J’étais tombée sur le compte de « La soignante soignée » et il m’avait beaucoup aidée à l’époque.
Qu’aimeriez-vous conseiller aux membres Carenity également touchés par une maladie invisible ?
En quelques phrases, voici mes conseils :
- De se préparer à vivre ça seul. On est toujours seul face à la maladie.
- D’écouter son corps et ses symptômes. De se faire confiance.
- De se faire plaisir.
- De rechercher l’amour et la bienveillance où qu’ils soient.
- De lâcher prise, on a aucun contrôle sur la maladie.
Un dernier mot ?
Merci à vous de m’avoir donné la parole, j’espère que ça pourra aider des personnes dans ce moment difficile.
La maladie est quelque chose pour laquelle on n'est jamais préparé mais au-delà de l’aspect difficile, il permet de se recentrer sur ce qui est essentiel.
Pour ma part ça a été d’aider les enfants victimes de violences, et j’ai réussi à intégrer une association.
Donc, peut-être que même malade, vous pourrez réaliser vos rêves et certains projets, rien n'est terminé.
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