L’errance diagnostique dans la SEP : le long parcours d’une patiente
Publié le 16 oct. 2019 • Par Louise Bollecker
Chrystèle, @catimin">@catimini34, est atteinte de sclérose en plaques. Elle a mis des années avant d’obtenir un diagnostic : rendez-vous chez des médecins, réactions de ses proches… Pour Carenity, elle a accepté de nous raconter son parcours et son quotidien aujourd’hui.
Bonjour et merci d’avoir accepté de témoigner. Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Chrystèle. Je souffre d’une sclérose en plaques secondairement progressive, qui existerait depuis l’enfance mais qui n’a été reconnue qu’en 2007, lorsqu’elle a commencé à toucher à ma motricité.
Quels ont été les premiers symptômes et quand sont-ils apparus ?
Le tout premier trouble est apparu en 1981, quand j’avais 12 ans : la fatigue. Au début cyclique (environ tous les 6 mois), elle est ensuite devenue chronique. J’ai connu aussi des paresthésies (troubles de la sensibilité) et des vertiges, qui venaient par période et ont été reconnus comme des crises de spasmophilie.
En 1988, lors d’une période d’examens, j’ai connu des troubles visuels, qui se sont répétés par la suite et ont été pris pour des conséquences du stress ou causés par mon fort astigmatisme.
En 1995, j’ai connu un épisode de troubles cognitifs et en 2004, les 1ers troubles moteurs sont arrivés.
En 2005, j’ai connu des troubles urinaires et en 2006, des troubles sensitifs.
Un an plus tard, c’était l’arrivée des troubles moteurs, causés par une faiblesse musculaire, et avec elle la survenue des 1ères chutes.
Quels médecins avez-vous consultés ?
J’ai été voir différents médecins généralistes, avec l’espoir que l’un d’entre eux trouve ce dont je souffrais. Un jour, le remplaçant de l’un de ces docteurs m’avait parlé d’aller consulter un neurologue si mes troubles de sensibilité à la main ne passaient pas. Mais à ce moment-là, j’étais en pleine période d’examens à la fac et il ne m’avait pas remis de courrier pour aller voir ledit spécialiste. Un an plus tard, le diagnostic tombait enfin : une SEP rémittente (bien que, selon moi, j’étais déjà en train de passer sous la forme progressive de la maladie).
Avez-vous été diagnostiquée d’une autre maladie que la SEP ?
Oui, j’ai aussi une gastroparésie, qui pourrait être en lien avec la SEP. Il s’agit de douleurs digestives causées par une lenteur de l’estomac, un retard de la vidange gastrique.
A l’époque de la survenue d’une « poussée » de troubles cognitifs, j’avais été traitée pour anxiété et phobie sociale, tout comme on avait pensé que j’étais anorexique, alors que si je ne parvenais plus à m’alimenter comme avant, c’était en raison d’une dyspepsie fonctionnelle (douleurs digestives), causée par la gastroparésie.
Avez-vous essayé des traitements pour lutter contre les maladies dont vous n’étiez finalement pas atteinte ?
J’ai reçu des cures de magnésium étant enfant, puis des anxiolytiques et anti dépresseurs, ainsi que des compléments alimentaires pour me faire prendre du poids.
Comment vos proches ont-ils réagi durant tout ce temps ? Vous êtes-vous sentie soutenue ?
Mes frères pensaient qu’il fallait « me donner un coup de pied au cul », parce que tout ça n’était que dans ma tête, ce que pensaient aussi les médecins !
Dernièrement, un de ces médecins, qui est resté le docteur de ma tante, lui aurait confié qu’il ne nous avait rien dit à l’époque (alors qu’il savait que c’était la SEP), parce que nous n’étions pas prêtes à entendre la vérité ! Argument que je trouve être, personnellement, complètement « à côté de la plaque » !
Seule ma mère a toujours cru en moi. Elle était persuadée que mes plaintes étaient réelles, que ce n’était pas simplement « dans ma tête », que je souffrais bien de « quelque chose », même si aucun médecin n’avait su trouver.
Comment la SEP a-t-elle finalement été diagnostiquée ? Par quel médecin et suite à quel examen ?
Quand je suis retournée consulter mon médecin de famille, à qui j’avais déjà parlé de mes troubles urinaires et des choses bizarres qui se produisaient, elle a compris que je présentais des troubles neurologiques, en me faisant passer le test de Babinski au niveau des pieds. C’est alors que j’ai été adressée à un neurologue, qui m’a diagnostiqué rapidement la sclérose en plaques, après le passage par des examens (dont 2 IRM).
Quels traitements prenez-vous et sont-ils efficaces ?
Je suis sous Copaxone depuis 2010 et sous Silodyx (pour mes troubles urinaires).
Avant ce traitement de fond, je présentais une poussée chaque 10 mois. Depuis que je suis sous Copaxone, je n’ai plus de poussée.
En 2014, mon neurologue m’a annoncé que d’une SEP rémittente soit disant bénigne (du fait d’être encore debout après plus de 20 ans !), j’étais passée en secondaire progressive, et que je devais être placée sous un traitement immunosuppresseur (traitement qui ne m’enchante guère de suivre!).
Comment allez-vous aujourd’hui ?
Ma SEP s’aggrave de plus en plus. Actuellement, je ne peux plus marcher sans aide : appui mural (quand je suis chez moi), canne, le bras de mon aide de vie, fauteuil roulant électrique.
Mon côté droit commence à être atteint, lui aussi, alors que jusqu’à présent, seul le côté gauche était touché (faiblesse au niveau de la jambe et du bras/ de la main).
Quel symptôme est le plus difficile à gérer au quotidien, aujourd’hui ?
Les problèmes visuels étaient fréquents au début de la maladie, maintenant ce sont plus les troubles urinaires et du transit, ainsi que les difficultés à la marche, qui m’handicapent le plus. Je dois rester très vigilante sur le risque d’infections urinaires, d’autant plus que la prise d’antibiotiques est devenue difficile (du fait de mes problèmes digestifs). Lors de ma dernière infection, pourtant reconnue par mon généraliste comme n’étant qu’une cystite simple, il a fallu avoir recours à des injections intramusculaires (antibiotique à large spectre).
Quel conseil donneriez-vous à un patient qui n’est pas encore diagnostiqué ?
Mon tout premier conseil serait le suivant : faites confiance à vos ressentis ! Il ne faut pas hésiter à insister pour se faire entendre auprès de son médecin, plutôt que de passer de docteurs en docteurs, avec l’espoir que l’un d’entre eux finisse par trouver ce dont on souffre.
Le choix du « bon interlocuteur » n’est pas simple et la période d’errance médicale est souvent fortement anxiogène.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
L’errance médicale est plus fréquente qu’on ne le pense. Pour certaine maladies, cela peut poser un véritable problème : par exemple, pour la sclérose en plaques, on sait bien que plus tôt a lieu la prise en charge médicale du patient et mieux c’est pour lui ! Qui sait si je ne serais pas encore en SEP rémittente, si on n’avait pas mis autant d’années avant de me rendre le « bon diagnostic » (ce qui aurait permis de pouvoir me soigner bien plus tôt) !?
Merci beaucoup à Chrystèle pour ce témoignage éclairant ! Et vous, quels ont été vos premiers symptômes ? Quand avez-vous été diagnostiqué ?
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