Dépendances et trouble de la personnalité borderline : “Je ne sais pas d’où provient ce trouble mais j’ai eu une enfance particulière.”
Publié le 25 août 2021 • Par Candice Salomé
Charlotte33, membre de la communauté Carenity en France, est atteinte du trouble de la personnalité borderline et de dépression. Ayant vécu quelques années à la rue, elle est tombée dans la drogue. Elle est actuellement hospitalisée en clinique psychiatrique et nous partage son parcours de vie et de santé.
Découvrez vite son témoignage !
Bonjour Charlotte33, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Tout d’abord, bonjour à tous. Je m’appelle Charlotte et j’ai 30 ans. Je viens d’une famille éclatée : mes parents se sont séparés lorsque j’avais 2 ans et cette rupture m’a profondément marquée. J’ai une sœur qui a 5 ans de plus que moi.
Mon géniteur s’occupait bien de ma sœur et moi jusqu’à ce qu’il rencontre sa compagne lorsque j’avais 16 ans environ et décide que celle-ci et son nouvel enfant valaient mieux que ma sœur et moi. Il m’a donc, à l’âge de 17 ans, mise à la rue.
Le peu de temps passé à vivre chez eux a été rude : je n’avais pas le droit de toucher le petit, la maman trouvant que j’étais trop sale pour y avoir le droit, beaucoup de violence morale.
Ma sœur a quitté le domicile de ma mère à 14 ans pour aller chez notre père mais cela a été une période horrible avec de la violence morale et physique.
Elle a pu trouver refuge chez nos grands-parents paternels qui l’ont prise en charge.
J’ai, de mon côté, alterné entre le domicile de ma mère, celui de mon père et la rue depuis mes 14ans.
Vous avez vécu dans la rue. Pourriez-vous nous parler de cette époque de votre vie ? Quel impact cela a eu sur vous ? Comment vous en êtes-vous sortie ?
J’ai commencé les fugues à l’âge de 14 ans. J’avais beaucoup de problèmes à rester avec ma mère et je préférais fuir. J’ai eu des périodes ou j’alternais le logement familial, la rue, les squats et les appartements à mon nom de mes 14 ans à ce jour.
Le problème de la « zone » ou du milieu des « punk à chiens et des marginaux » est que la drogue est reine. Je suis donc vite tombée dedans.
De plus, j’ai vécu entre chez ma mère et les squats de mes 14 ans à mes 18 ans. Ma mère me déclarait fugueuse auprès de la police qui se mettait à me recherche et me retrouvait. Dès que je rentrais chez ma mère, je repartais aussitôt !
Une fois majeure, je suis restée en squat assez longtemps pour ne pas dire tout ce temps jusqu’à ce que j’appelle « ma révélation mystique ». Le nom peut faire rire, surtout que je suis athée, mais un jour, dans ce squat, je me suis réveillée en me disant que je ne voulais pas finir comme les anciens de la rue.
J’ai donc appelé ma sœur pour fuir ce squat et elle m’a tout de suite hébergée avec joie de voir que je voulais m’en sortir.
Jusque-là, j’étais une grande consommatrice de stupéfiants et j’allais en « teuf » tous les week-end. Je prenais tout ce qui se trouvait sur mon passage dans le but de me mettre dans des états seconds le plus fort possible : de l’héroïne, cocaïne, ecstasy, MDMA, méphédrone, LSD, kétamine, même des médicaments : morphine, benzodiazépine, somnifère, concerta…
J’ai eu une période d’arrêt de 2 ans : j’avais réussi à arrêter et j’étais suivie dans un CSAPA (Centres de Soin, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie) pour les substituts aux opiacés et je suivais bien mon traitement et, mes fréquentations n’étant plus les mêmes, j’ai tenu.
Mais je suis retournée dans la ville précédente et je me suis de nouveau retrouvée en squat et à prendre des toxiques. La prise de drogue a eu des impacts tellement négatifs dans ma vie : problème familiaux, d’estime de soi, de mise en danger, de petits larcins pour acheter une dose, de vendre mon corps encore une fois pour de la drogue… J’étais hors de la réalité…
Puis, j’ai fini par réussir, malgré ma toxicomanie, à passer, à l’âge de 25 ans, le DAEU (équivalent du bac) et j’ai aujourd’hui un DEUG en psychologie.
A ce jour, je suis hospitalisée en clinique psychiatrique, et je suis sous traitement de substitut aux opiacés, en sortant, je vais retourner vivre chez ma sœur le temps de retrouver un appartement. Je suis en demande de MDPH, je ne connaissais pas avant et je ne fais donc ma demande que maintenant.
Vous êtes atteinte du trouble de la personnalité borderline. Savez-vous d’où vient ce trouble ? Quelle en est l’origine ?
Je ne sais pas d’où provient ce trouble de la personnalité mais je sais que j’ai eu une enfance particulière, ma mère a fait du mieux qu’elle pouvait avec les moyens qu’elle avait mais je pense qu’il y a eu des trous dans certains domaines éducatifs comme le fait d’apprendre à reconnaître les sentiments que l’on ressent. Et je pense avoir très mal vécu la séparation de mes parents, ce sentiment d’abandon a été très lourd à porter, surtout qu’à cette époque, mon père prenait bien soin de ma sœur et moi.
Comment se manifeste la maladie dans votre quotidien ? Quel est son impact sur votre vie privée et professionnelle ? Et sur vos relations avec votre entourage ?
Je suis intolérante à la frustration. Dès que je me sens opprimée, abandonnée, rejetée, frustrée, mal jugée, j’ai tendance à me faire du mal, ce qui me soulage sur le coup mais amène son lot de culpabilité par la suite.
Je fais beaucoup d’automutilation, sur tout mon corps. J’ai une peur panique que les gens que j’aime m’abandonnent, j’imagine souvent des schémas où cela se produit et cela m’amène dans une douleur psychique intense, rien que d’y penser. De plus, lorsque je vais vraiment très mal, je fais des phases de dissociation.
Je me suis créé un « faux-self », un masque que je mets en public pour me donner le rôle d’une femme joviale et sans problème, heureuse avec une belle vie remplie. Mais ce masque est si lourd à porter que je ne le tiens pas très longtemps.
C’est là où on arrive aux problèmes professionnels, je n’ai jamais su garder un travail plus de 6 mois et j’ai des trous de plusieurs mois entre chaque emploi car il m’est extrêmement compliqué de rester concentrée sur un travail. J’arrive toujours à retrouver un emploi car je sais ce que les employeurs veulent entendre, mais la durée de mes emplois reste minime.
Ma vie au quotidien est fragile, mes émotions sont constamment en dents de scie et encore, grâce à mon traitement médicamenteux, je gère un peu mieux, mais je peux passer plusieurs fois dans la journée du rire aux larmes.
Et pour finir, l’impact sur ma vie privée est si gargantuesque que je fais tout pour éviter de tomber amoureuse, je sais qu’avec mon trouble, mes addictions et mon caractère, ça finit toujours par une rupture. Parfois, lorsque je suis en couple, c’est souvent des inquiétudes de tromperies, des sentiments de mal-être de ne pas être la priorité de la personne, de voir mon compagnon s’occuper plus de ses amis que de moi…
Quand avez-vous été diagnostiquée ? Avez-vous un traitement ? Est-ce efficace ?
J’ai été diagnostiquée une première fois, il y a près de 6 ans, comme étant bipolaire par une psychiatre d’un CSAPA et cela au bout de seulement 5 rendez-vous. Tout cela sans passer par l’avis d’un autre psychiatre ou du centre expert. J’étais sous Abilify (antipsychotique atypique) mais au bout de 6 mois de recherches sur cette maladie, j’ai bien vu que les critères diagnostiques ne collaient pas. J’ai alors rompu mon suivi et mon traitement.
Enfin, à l'été 2020, j’ai refait un suivi par un autre psychiatre qui, au bout de beaucoup de temps, de questions, etc. m’a diagnostiquée avec un trouble de la personnalité limite, entre autres. De base, j’allais le voir pour une grosse dépression, accompagnée de trouble de la volition, d’aboulie, de mal-être, d’envies suicidaires…
Un traitement m’a alors était prescrit : 50mg de Quétiapine et 20mg de Seroplex.
Quel est votre suivi actuel et votre prise en charge ?
A ce jour, en hospitalisation, mon état s’améliore grâce à des dosages différents et de nouvelles molécules : je suis à 600mg de Quétiapine et 30mg de Valium et 25 mg de Tercian.
Je vais beaucoup mieux mais évidemment, bien que la balance bénéfice / risque penche bien vers le bénéfice, j’ai le droit à des effets secondaires qui ne m’aident pas forcément dans la vie de tous les jours.
Vous souffrez également de dépression. Pensez-vous que vos pathologies soient liées ? Si oui, pourquoi et comment selon vous ?
Je pense, qu’effectivement, mes maladies sont liées, le fait que mes troubles de la personnalité limite m’amènent à un mal-être quasi constant, une remise en question permanente… La dépression suit de façon logique.
Êtes-vous également prise en charge pour la dépression ? Quel est votre suivi ?
Je ne suis plus prise en charge pour ma dépression car le problème de base à régler en premier lieu est le trouble de la personnalité borderline (ou limite). Le fait d’apaiser mes maux sur mes TPL a apaisé mes symptômes dépressifs.
Vous avez débuté une chaîne YouTube depuis le mois de juin 2021. Pourriez-vous nous en parler ? Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre chaîne ?
Ma chaîne YouTube qui me fait beaucoup de bien. Je m’en sers comme d’un journal intime ouvert à tous pour discuter de nos problèmes ensemble. Cette chaîne m’aide beaucoup à aller mieux, je fais de belles rencontres et je reçois beaucoup d’encouragements.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Je me suis lancée dans la couture depuis peu et c’est une activité que je peux faire de chez moi, je gère mon temps comme bon me semble. C’est un bon compromis pour un travail. Rendez-vous ici pour découvrir ma boutique en ligne !
Que pensez-vous des plateformes d’échanges entre patients comme Carenity ?
Je trouve cela génial que ces plateformes et ces forums existent, déjà, on se rend compte que l’on n'est pas seul, et ça c’est un grand pas dans l’acceptation de sa maladie ! Discuter avec des paires est d’une aide sans nom tellement cela soulage !
Enfin, que conseillerez-vous aux membres Carenity également touchés par le trouble de la personnalité borderline et la dépression ?
Je conseille vraiment un suivi, ne pas se laisser aller et se dire que ça ira mieux demain, non ce ne sera pas le cas ! Une thérapie psychothérapeutique est, je pense, la première chose vers laquelle se tourner. Enfin, un suivi avec un psychiatre et un traitement médicamenteux peut aider pour un certain temps, le temps de se redresser sur ses jambes.
Un dernier mot ?
Pour me lancer dans l’auto-entrepreneuriat, dans ce métier qui me plaît et m’aide à m’épanouir, j’ai créé une cagnotte pour m’aider à m’acheter le nécessaire. Si vous voulez m'aider, n'hésitez pas à m'envoyer un MP (Charlotte33). Cela me permettrait d’avancer dans mon projet de couture et de finaliser mon entreprise en ayant tout ce qu’il me faut pour bien débuter !
Merci Carenity d’être là et de nous aider !!!
Un grand merci à Charlotte33 pour son témoignage !
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