Savoir se régénérer psychiquement
Publié le 13 janv. 2015
Focalisation, conscience de ses limites et de son corps. C'est en se concentrant, davantage qu'en s'évadant, qu'on se ressource.
C'est le succès qui a surpris les éditeurs: les Français, par ailleurs réputés «dépressifs», se sont rués sur les albums de coloriage pour adultes! Ainsi, la seule collection «Art-thérapie» chez Hachette Pratique - première maison à avoir développé ces produits - s'était déjà écoulée à 300000 exemplaires il y a six mois !
Pourquoi un tel engouement? À l'heure où l'activité cérébrale de chacun est sur-stimulée au point que l'occupation à une tâche unique devient une denrée rare, choisir de se livrer à une activité précise qui demande de l'attention (les dessins à remplir, pleins et déliés, arabesques, symboles ciselés, sont souvent complexes) est devenu un luxe suprême. Le marketing l'a compris: «Pour remettre à zéro un cerveau trop sollicité, laissez-vous absorber par un coloriage méticuleux», annonce un éditeur.
Les adeptes de cette forme de «méditation active» qu'est le coloriage ne s'y sont pas trompés, tout comme ceux qui brodent, tricotent ou poncent des meubles: lorsque, concentrés, nous sommes les mains occupées à une activité de choix, plaisante, qui mobilise nos facultés cognitives, notre vie psychique s'en trouve élargie, apaisée, revitalisée. Car cette attention sélective, si elle permet aux pensées de nous traverser la tête, ne les arrête pas. Nous pensons «je dois faire les courses tout à l'heure» et, tel un nuage dans le vent, cette pensée est balayée par le retour de notre présence en conscience à notre ouvrage.
«Le thermostat personnel»
Cette capacité de «focalisation intérieure» qui fait tant de bien à nos cerveaux est actuellement un important objet de recherche. Le psychologue américain Daniel Goleman, notamment, qui a déjà formalisé la notion d'intelligence émotionnelle, décrit de passionnantes découvertes quant aux effets positifs de cette attention (voir son remarquable livre Focus, aux Éditions Robert Laffont).
Le Dr Marion Trousselard, chercheur senior au sein du département de neurophysiologie du stress à l'Institut de recherches biomédicales des armées, confirme cet intérêt croissant pour les stratégies mentales dont dispose chaque individu pour lutter contre le stress. «Pendant longtemps, on s'est intéressé essentiellement à la récupération physique des individus. Désormais, nous cherchons du côté de la régénération psychique: comment un individu peut-il s'y prendre pour gérer les contraintes auxquelles il est soumis?»
Première stratégie, incontournable alors que la pulsion première de beaucoup est de fuir dans la consommation (sucre, télé, shopping, sexe…): «repérer le besoin de régénération mentale», note la chercheuse. «La personne ne se rend pas compte de l'état d'usure psychique et physique dans lequel elle se trouve. Or, c'est le signe d'une amélioration possible: sentir qu'on est à bout. Nous appelons cela “reconnecter la personne à son thermostat personnel”. Elle doit ainsi prendre l'habitude de se dire: comment je me sens? De quoi ai-je besoin?»
Reprendre contact avec son intériorité
Le retour à soi est donc d'emblée nécessaire à la démarche de revitalisation. Et va s'avérer comme tel tout au long du processus. «Toutes les techniques de gestion du stress, et elles sont pléthoriques, invitent l'individu à passer du temps avec lui-même», résume Marion Trousselard. Être présent à soi: ressentir ses besoins, ses envies, ses passions, ses limites. Mais aussi rester connecté à son intériorité et à son corps le plus souvent possible, y compris pendant l'action.
Le succès actuel de la méditation de pleine conscience (mindfulness) s'inscrit dans la lignée de ces recherches et les études prouvant son efficacité pour enrayer l'anxiété ou les ruminations mentales se multiplient. Mais il ne s'agit pas seulement d'apaisement ou de relaxation ressentis: une étude menée par le département de recherche en neuro-imagerie de l'Hôpital général du Massachusetts montre qu'effectivement des modifications de la matière grise cérébrale sont observables dans les zones associées à l'attention et à la régulation émotionnelle après seulement huit semaines, chez des personnes pratiquant vingt-sept minutes de méditation par jour.
«Dans tous ces cas, comme dans la pratique d'un sport, il s'agit de rester dans l'attention à ce qui se passe dans son corps à chaque instant», ajoute le Dr Marion Trousselard. Ainsi, pratiquer la course à pied devant un écran de télévision ou simplement parce qu'on y est contraint sans être conscient du plaisir qu'on est en train de prendre n'aura que peu d'effet sur la détente psychique. Ceux qui croyaient qu'il fallait «fuir» ou se «distraire» pour dissiper ses soucis se trompaient donc. C'est au contraire en reprenant contact avec son intériorité qu'on pourrait bien apprendre à s'en libérer.
Le Figaro santé
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