Pourquoi demander un deuxième avis en médecine?
Publié le 7 janv. 2016
Un site Internet propose depuis peu d'obtenir un second avis d'experts pour des pathologies graves ou invalidantes. Tentant, mais à manier avec précaution.
«Il y a cinq ans, on m'a détecté un cancer de la prostate. Le premier chirurgien que j'ai vu me proposait soit une prostatectomie radicale, soit une radiothérapie… C'est un ami qui m'a conseillé de demander un deuxième avis médical. Il a été bien inspiré: le deuxième spécialiste, vu dans un hôpital parisien, a estimé après deux consultations et quelques examens complémentaires que dans mon cas, ces traitements lourds n'étaient pas nécessaires, une surveillance active était suffisante», raconte Bernard, qui a aujourd'hui 75 ans et ne regrette pas sa démarche.
Depuis quelques semaines, Bernard pourrait obtenir ce second avis par Internet, pour la somme rondelette de 295 euros. Le site deuxiemeavis.fr a été lancé début décembre. Il propose aux patients atteints d'une «maladie grave, rare ou invalidante» de remplir un questionnaire et de télécharger leurs examens de santé, pour obtenir «un deuxième avis médical, en moins de sept jours, auprès de médecins qui ont un très haut niveau d'expertise sur leur maladie». Le site Internet, validé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), a reçu la caution de quelques grands noms de la médecine et du Comité interassociatif sur la santé (Ciss), représentant les patients. Mais cette offre, en particulier à cause de son coût, a été vivement critiquée par certains syndicats de médecins libéraux et par le Conseil de l'ordre.
La polémique a cependant le mérite de soulever un certain nombre de questions. Existe-t-il un besoin? Comment obtenir un second avis et à quel prix? Dans quelles circonstances ?
En cas d'incertitude
Les données sur la question sont quasi inexistantes. Impossible de savoir combien de personnes sollicitent un deuxième avis médical. «Moins de 10 % de mes patients nécessitent un deuxième avis. Je le suggère pour des pathologies difficiles à prendre en charge ou en cas d'incertitude. Mais une personne sur deux préfère s'en tenir au premier avis», explique le Dr Claude Leicher, président de MG France. L'Institut Gustave-Roussy, centre de référence en cancérologie qui propose gratuitement une demande d'avis en ligne, reçoit pour sa part 4.000 à 5.000 demandes par an.
Pour le Ciss, le deuxième avis devrait être systématique lorsque les personnes sont confrontées à des diagnostics et des choix thérapeutiques lourds, aux conséquences potentiellement invalidantes face à des maladies graves ou rares. «Tout bon médecin devrait proposer un deuxième avis», insiste Claude Rambaud, vice-présidente de l'association. Le Dr Suzette Delaloge, oncologue à l'Institut Gustave-Roussy, est plus nuancée: «Dans le cancer du sein par exemple, demander un second avis systématique ne se justifie pas. D'autant qu'il est parfois dangereux de retarder des opérations alors que le cancer progresse. Mais lorsque vous ne comprenez pas la décision du médecin ou que vous n'êtes pas d'accord avec lui, n'hésitez pas.» Représentants des patients et médecins s'accordent sur un point: le deuxième avis est un droit des patients. «Nous n'avons pas à nous y opposer. Au contraire, il nous arrive de le conseiller lorsque nous voyons le patient hésiter», affirme le Dr Christian Castagnola, vice-président de l'Association française d'urologie.
Réunions de concertation pluridisciplinaires
L'Institut Gustave-Roussy reçoit environ 1.500 demandes par an pour le cancer du sein. Des dossiers très variés qui vont des situations les plus simples aux demandes d'avis sur des mastectomies, des chimiothérapies… «Nous ne sommes pas très souvent en désaccord avec nos confrères. La cancérologie est d'un bon niveau en France et les réunions de concertation pluridisciplinaires sont là pour protéger les patients.» Les établissements de santé sont en effet tenus de réunir un collège de médecins en amont de l'annonce du diagnostic au patient afin de lui proposer un plan de traitement. Ces réunions de concertation pluridisciplinaires permettent de confronter les points de vue et les avis sur la prise en charge. Mais le système n'est pas infaillible. Claude Rambaud évoque ainsi le cas récent d'une jeune femme traitée par chimiothérapie pour un cancer du col de l'utérus diagnostiqué à tort. «Il faut savoir que 5 à 15 % des événements indésirables liés à un traitement découlent d'une erreur de diagnostic. Et des études américaines ont montré que 5 % des patients étaient confrontés à des erreurs de diagnostic», souligne Claude Rambaud.
Repasser par la case médecin traitant
Lorsque le deuxième avis s'impose, la solution la plus simple, qui n'est cependant pas obligatoire, est de repasser par la case médecin traitant. «Sur le site de Gustave-Roussy, dans plus de la moitié des cas, c'est le patient qui fait la demande directement et qui reçoit notre avis. C'est important qu'il soit acteur de sa santé, mais je préfère avoir un intermédiaire médical qui pourra interpréter nos commentaires», explique le Dr Suzette Delaloge. Le médecin traitant se révèle aussi d'une aide précieuse dans le choix des décisions. Claude Leicher raconte ainsi le cas d'une patiente de 88 ans dont l'arthrose du dos menaçait de la rendre invalide. Fallait-il opérer? Après trois avis et discussion avec la patiente et ses enfants, l'opération a eu lieu. «C'est toujours une codécision avec le patient, le médecin traitant et parfois l'entourage», souligne Claude Leicher.
Cela signifie-t-il que le site Internet deuxiemeavis.fr est inutile ? L'avenir nous le dira. Selon ses promoteurs, il a été conçu pour les personnes qui ont difficilement accès aux soins (patients handicapés, expatriés…). On peut imaginer qu'il séduise également les habitants des déserts médicaux. Obstacle principal: son prix. Car pour le moment, contrairement à une consultation «classique» pour deuxième avis qui fait partie du parcours de soins, le recours aux services du site Internet n'est pas remboursé par la Sécurité sociale.
Le Figaro Santé
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