La grossesse particulière des malades chroniques
Publié le 17 févr. 2015
Tous les ans, quelques dizaines de jeunes femmes sous dialyse pour insuffisance rénale chronique grave arrivent à mener à bien une grossesse. C'était inconcevable il y a encore quelques années. «Le pronostic de la grossesse chez ces patientes s'est beaucoup amélioré: même si elle reste à risque, celle-ci n'est plus strictement contre-indiquée», explique le Dr Marine Panaye, néphrologue (CHU Lyon).
La survie des enfants nés de ces mères sous dialyse est passée de 20 % dans les années 1980 à 80-90 % aujourd'hui, indique une étude récente. Des résultats dus à une dialyse plus intensive de ces femmes enceintes et aux progrès de la réanimation des prématurés. Auparavant, le pronostic de ces grossesses était si mauvais qu'on demandait aux patientes d'attendre d'abord d'être greffées, ce qui peut demander quelques années. Or la maladie, en plus de l'âge, réduit leur fertilité… «Mais toute grossesse en présence d'insuffisance rénale, même modérée, reste compliquée, car la grossesse favorise la dégradation rénale, augmente le risque de prééclampsie (1) et de prématurité. Il est donc important d'anticiper sa grossesse, de la préparer, afin qu'elle se déroule dans les meilleures conditions», insiste le médecin.
La grossesse en cas de maladie chronique grave peut constituer un risque pour la mère et pour l'enfant, même si ce risque est mieux maîtrisé depuis quelques années. «Dans certaines pathologies si lourdes qu'on pensait que ces fillettes ne deviendraient jamais adolescentes, puisqu'elles n'atteindraient pas l'âge adulte, les progrès médicaux ont été tels qu'aujourd'hui ces malades sont des jeunes femmes, avec une vie de couple et un désir d'enfant», souligne le Pr Jacky Nizard, obstétricien (CHU Pitié-Salpétrière, Paris).
Ainsi, plus de 50 enfants par an naissent désormais en France de mères atteintes de mucoviscidose, malgré les difficultés respiratoires, les infections chroniques qui compliquent la grossesse… et un futur incertain. Des femmes jeunes, cardiaques, qui auparavant mouraient d'infarctus à 25 ans, sont aujourd'hui sauvées par la chirurgie et veulent un bébé. Chez une jeune femme atteinte de sclérose en plaques ou de lupus, avec une maladie stable, sans poussées, la grossesse exige surtout une surveillance renforcée, en lien avec le spécialiste. Et avec l'anesthésiste: «C'est une autre évolution. On n'accouche plus systématiquement les femmes ayant une maladie chronique par césarienne. L'accouchement peut aussi souvent se faire désormais par voie naturelle, sous péridurale.»
Anticiper
Autre difficulté de ces grossesses, l'effet du traitement de la maladie sur le fœtus. Ainsi, la plupart des anticonvulsivants prescrits dans l'épilepsie présentent un risque malformatif. Il faut donc, quand c'est possible, chercher à équilibrer la femme avec d'autres médicaments… Même problème avec certains traitements de l'hypertension (IEC), avec les traitements antirejets, etc. «C'est pourquoi nous insistons tant sur la nécessité pour ces femmes de prévoir leur grossesse longtemps à l'avance et de voir un obstétricien en consultation préconceptionnelle afin de démarrer une éventuelle grossesse dans les conditions optimales. Cela permet d'examiner les difficultés en concertation avec le spécialiste qui les suit pour leur maladie, de déterminer ensemble quels médicaments garder, arrêter ou substituer, et quels objectifs de traitement vont les amener au meilleur état possible pour débuter leur grossesse», explique le Dr Anne-Gaël Cordier, obstétricienne (Hôpital Antoine-Béclère, Clamart).
Une enquête épidémiologique en cours, «Epimoms», devrait bientôt fournir des données chiffrées et une vue d'ensemble sur ces grossesses particulières. D'autant que la situation évolue vite.
Certaines contre-indications absolues à la grossesse persistent - hypertensions pulmonaires ou maladies vasculaires très particulières -, mais elles sont désormais rares. À l'inverse, des femmes pour lesquelles une première grossesse avait constitué une sorte d'exploit envisagent désormais, malgré la maladie, de donner un frère ou une sœur à leur premier enfant…
* Une hypertension spécifique de la grossesse qui peut conduire à un accouchement prématuré et, dans des formes sévères, menacer la vie de la mère et du fœtus.
Le Figaro Santé
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