Vaccination obligatoire : les arguments des "anti" passés au crible
Publié le 8 nov. 2017
Effets secondaires, sels d'aluminium... Lise Barnéoud et Frédéric Tangy, deux spécialistes de la vaccination, répondent aux craintes des parents.
Vendredi 27 octobre, l'Assemblée nationale a voté le passage de trois à onze vaccins obligatoires pour les jeunes enfantss qui naîtront à partir du 1er janvier 2018. La disposition a été adoptée en première lecture par les rares députés présents : 63 voix pour, 3 contre. L'annonce de ce projet avait, en juillet, provoqué la colère de "anti-vaccins". Lise Barnéoud, journaliste scientifique auteure de Immunisés ? Un nouveau regard sur les vaccin ; et Frédéric Tangy, chercheur à l'institut Pasteur, passent au crible les principaux arguments des opposants à la vaccination.
"Les vaccins provoquent d'importants effets secondaires"
Lise Barnéoud : "Comme n'importe quel médicament, les vaccins peuvent provoquer des effets secondaires. Mais statistiquement, ces risques sont systématiquement inférieurs à 1/100 000, soit moins que la plupart des autres médicaments. En fait, les effets secondaires graves liés aux vaccins sont bien moindres que les effets secondaires graves liés aux microbes dont ces vaccins nous protègent (mortalité et morbidité)."
Frédéric Tangy : "C'est faux. Mis à part l'éphémère douleur à l'injection, une éventuelle rougeur au site d'injection, ou éventuellement une très légère fièvre de quelques heures pour certains vaccins, les effets secondaires graves des vaccins sont inférieurs à 1 cas par 100 000 vaccinés. Les vaccins étant administrés à des individus naïfs, dans la plupart des cas à des bébés, les critères d'évaluation de leur sûreté sont extrêmement stricts et stringents, beaucoup plus que pour les médicaments standards."
"Les sels d'aluminium contenus dans certains vaccins sont nocifs"
Lise Barnéoud : "C'est LA controverse qui inquiète nombre de parents en France et à laquelle, je trouve, les autorités répondent mal. La question est légitime et nos experts ont trop souvent tendance à la balayer d'un revers de la main en affirmant qu'il n'y a aucune interrogation scientifique sur le sujet. Que devient cette molécule, reconnue toxique, une fois déposée à l'intérieur du muscle ? Le médecin français Romain Gherardi et son équipe ont montré que chez certaines personnes, ces particules d'aluminium subsistent des mois, voire des années au niveau du site d'injection. Ce « tatouage » vaccinal a été baptisé « myofasciite à macrophages » par l'équipe de l'hôpital Paris-Mondor. Le lien entre l'aluminium présent dans les vaccins et cette invisible lésion musculaire est désormais reconnu dans le milieu scientifique. C'est la conséquence de cette lésion qui fait débat : reste-t-elle à l'état de tatouage, sans aucune influence sur l'organisme, comme l'affirment les autorités de santé publique et la plupart des experts ? Ou induit-elle un ensemble de symptômes, tels qu'une fatigue chronique, des douleurs musculaires et différents troubles neurologiques, regroupés sous le terme de « syndrome de fatigue chronique » par l'équipe du Pr Gherardi ? Il manque aujourd'hui d'études pour conclure avec certitude sur ce point. Toutefois, les données disponibles permettent d'ores et déjà d'affirmer que si un lien de cause à effet existe, seul un très faible pourcentage de la population serait concerné."
Frédéric Tangy : "C'est également faux. Après 70 ans d'utilisation de cet adjuvant dans des dizaines de milliards de doses administrées à des milliards d'enfants, aucune autorité de santé mondiale ou nationale n'a noté de nocivité ou d'association à une quelconque maladie. Il est bien évident que ni l'OMS ni les autorités de santé de plus de 130 pays ne sont des empoisonneurs d'enfants, on se demande bien quelle en serait la raison. Aucune étude sérieuse n'a associé l'utilisation des sels d'aluminium à une maladie chez l'homme."
"Il est inutile de vacciner un enfant contre une vieille maladie"
Lise Barnéoud : "Que sont les vieilles maladies ? Si l'on parle de la polio, effectivement, il y a peu de chance de croiser ce virus aujourd'hui. Mais le virus circule encore dans quelques pays et notre vaccin n'empêche nullement la réplication du virus dans nos intestins : une personne vaccinée peut donc transporter et transmettre le virus. Ce qui explique par exemple qu'en 1992, une épidémie de polio a eu lieu aux Pays-Bas : une personne était allée en Asie, avait ramené un virus dans ses intestins sans s'en rendre compte et, quelques mois plus tard, 59 personnes non vaccinées se retrouvaient paralysées et on déplorait deux décès.
Les épidémies de rougeole ont certes globalement disparu grâce à la vaccination : on pouvait compter avant les années 1980 jusqu'à 500 000 cas de rougeole par an. Mais idem, le virus continue de circuler parmi nous et des complications graves et irréversibles surviennent encore dans environ 1 cas pour 1 000 malades. En fait, à part pour la variole et bientôt la polio, dont la vaccination mène à l'éradication du microbe, pour les autres maladies, la disparition des cas est largement liée à des couvertures vaccinales supérieures à 90 %. Le problème, c'est que le bénéfice attendu des vaccins ne réside pas dans l'amélioration de symptômes, comme pour les médicaments ordinaires, mais dans l'absence de maladies, de maladies devenues rarissimes grâce à la vaccination. Ce bénéfice est donc un non-événement, qui plus est différé dans le temps. Le genre de chose absolument impossible à apprécier à l'échelle individuelle."
Frédéric Tangy : "Toujours faux. Ces maladies ne sont pas vieilles et n'ont pas disparu. Elles reviennent plus vite que le vent. La preuve, les épidémies de rougeole ces dernières années en Europe et aux USA dans les populations non vaccinées (il faut rappeler que la rougeole n'est pas une maladie bénigne, elle tuait 2,5 millions d'enfants par an dans le monde en 1980). Idem pour la coqueluche, qu'on ne souhaite à aucun bébé. Aucune autre maladie, à part la variole, n'est éradiquée. Quand on vaccine son enfant on ne voit pas l'effet, mais il se retrouve protégé contre 11 maladies gravissimes qu'il aurait risqué d'attraper s'il n'était pas vacciné. Donc on ne voit pas l'effet mais ça marche puisque ces maladies ont l'air d'avoir disparu. Elles n'ont pas disparu, on les contrôle par la vaccination. C'est le miracle de la médecine préventive."
"Les nourrissons sont trop faibles pour recevoir onze vaccins"
Lise Barnéoud : " Les nourrissons ne reçoivent pas ces onze vaccins d'un coup. Mais il est vrai qu'une des interrogations des parents est l'impact des formulations combinées, protégeant contre cinq voire six maladies en même temps. Ce qui fait une bonne dose de pathogènes d'un coup. La controverse qui émerge ces dernières années est la suivante : ces vaccins combinés pourraient induire une surcharge du système immunitaire du nourrisson, ce qui entraînerait des cas de mort subite. Ce doute a émergé en Allemagne en 2000. Les premiers vaccins hexavalents (protégeant contre six maladies) venaient d'être mis sur le marché, et trois cas de mort subite inexpliquée survenue dans les quarante-huit heures après la vaccination ont été signalés fin 2000.
Une enquête fut lancée par l'institut Paul-Ehrlich, l'agence nationale des vaccins en Allemagne, afin de comparer le nombre de cas de mort subite « attendus » au nombre de cas observés après vaccination par un vaccin hexavalent entre 2000 et 2003. Au total, 19 cas de mort subite survenue dans les treize jours suivant l'injection ont été étudiés (sur près de 4 millions de vaccinés durant cette période). Les auteurs concluent qu'aucune augmentation de risque n'existe au cours de la première année de vie. En revanche, au cours de la deuxième année de vie, le nombre de morts subites observées dans les quarante-huit heures suivant la vaccination excède le nombre attendu pour l'un des deux vaccins hexavalents disponibles à l'époque (trois cas observés contre 0,13 attendu).
Depuis, plusieurs études ont été menées, notamment en Allemagne et en Italie : aucune étude n'a montré d'augmentation significative du risque de mort subite à la suite de l'introduction des vaccins hexavalents. Mais vu la très faible incidence de cet éventuel surrisque (moins d'un cas supplémentaire pour 700 000 enfants recevant une dose de rappel au cours de leur deuxième année de vie), il faudrait des études portant sur plusieurs millions d'enfants, sur plusieurs années, pour confirmer un lien statistique."
Frédéric Tangy : "Encore faux. Dans les mois qui suivent sa naissance, l'intestin, la peau, les muqueuses buccales, rectales, vaginales etc., du bébé sont colonisées par des centaines de milliards de bactéries qu'il va héberger toute sa vie. Le bébé développe alors une puissante immunité pour éviter que ces microbes envahissent d'autres sites vitaux. Les onze valences qui sont rajoutées par les vaccins sont une goutte d'eau dans un océan pour son système immunitaire dont les capacités et la diversité sont quasiment infinies."
Alors, êtes-vous encore craintifs mais rassurés ou toujours férocement opposés à la vaccination ?
Le Point Santé
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