Tests génétiques: il est urgent d'ouvrir le débat
Publié le 28 janv. 2016
Le Comité consultatif national d'éthique publie un avis sur les enjeux économiques, sociétaux et scientifiques du décryptage de l'ADN.
Le génome dans le carnet de santé. Ce qui relevait hier encore de la science-fiction paraît de plus en plus plausible. Les progrès techniques spectaculaires du séquençage génétique à haut débit observés depuis la publication du premier génome humain il y a douze ans permettent en effet de disposer d'une transcription complète des 25.000 gènes d'un être humain en quelques heures et pour à peine plus d'un millier d'euros. Mais pareil élargissement du savoir génétique individuel est-il seulement souhaitable? «Jusqu'où a-t-on le droit d'aller?», traduit le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui présentait vendredi son dernier travail sur le sujet, «Réflexion éthique sur l'évolution des tests génétiques liée au séquençage de l'ADN humain à très haut débit».
Dans ce texte de 80 pages, le CCNE, qui compte une quarantaine de membres (scientifiques, médecins, philosophes, juristes…), pose de nombreuses questions sur les enjeux scientifiques, sociétaux et financiers du sujet, sans rien préconiser. «En émettant des recommandations, on donnerait l'impression que la question est simple. Alors qu'il faut prendre le temps de s'arrêter pour réfléchir, ouvrir un débat», justifie Jean-Claude Ameisen, président du CCNE. Force est de constater que la position actuelle de la France, qui interdit tout test génétique d'initiative personnelle, semble un peu déconnectée. Plusieurs sociétés étrangères proposent en effet d'évaluer les risques individuels pour une série de pathologies, sur simple envoi d'un échantillon d'ADN. «À ce que je sache, personne n'a encore été condamné pour avoir envoyé un test salivaire en Californie», ironise le Pr Patrick Gaudray, président du groupe de travail pour cet avis.
Droit de ne pas savoir
En interdisant ce genre de pratique, le législateur entend protéger les individus contre la réception d'une information sensible et complexe sans accompagnement. Car la génomique n'est pas une science exacte. Il ne s'agit pas de tomber dans le piège du «déterminisme génétique» qui consiste à penser que l'ADN «fait tout» alors que l'histoire personnelle de chacun et le milieu de vie sont déterminants dans le développement de la majorité des maladies.
La généralisation du séquençage de génome entier pose avec acuité la question de la propriété et de la protection d'informations personnelles massives, dont le stockage a un coût, mais aussi du droit de savoir, ou de ne pas savoir. Cette technologie augmente les chances de découvrir des informations que l'on ne recherchait pas d'emblée. Ainsi, une personne testée pour une maladie X doit-elle être mise au courant de son surrisque de maladie Y - sachant qu'il ne s'agit que d'une probabilité? Cette personne a-t-elle la responsabilité d'en informer sa parentèle, qui partage avec elle de l'ADN? «Il peut y avoir une certaine pression sociale à savoir», note Cynthia Fleury, rapporteur de l'avis.
Les experts s'interrogent aussi sur l'avènement possible de «devoirs comportementaux», dans la mesure où il devient possible d'identifier les individus à fort risque de développer des maladies coûteuses pour la société, comme le diabète ou l'hypertension, dont on sait qu'elles sont en partie évitables avec une bonne hygiène de vie. Dans quelle mesure peut-on être tenu responsable de sa santé ou de celle de son enfant?
Le Figaro Santé
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