L'industrie médicale au coeur de la santé économique dijonnaise
Publié le 23 mars 2018
Une cinquantaine d'entreprises et près de 3.000 salariés, soit un emploi industriel sur cinq: l'industrie de la santé est un secteur clé pour la métropole de Dijon, qui en a fait l'un de ses axes de développement prioritaires.
"Il y avait déjà une tradition d'industrie pharmaceutique sur Dijon", même si le secteur avait "un peu souffert des crises industrielles, des fusions...", indique François-André Allaert, président de l'agence Dijon métropole développement. Ancien fleuron de l'industrie médicale dijonnaise, le groupe Fournier, créé en 1880, s'est ainsi disloqué au début des années 2000, mais plusieurs de ses composantes ont prospéré sous d'autres noms.
C'est le cas d'Inventiva, héritière du centre de recherches de Fournier et devenue une biotech entrée en bourse en 2017, spécialisée dans la recherche de thérapies dans le domaine de la fibrose, de l'oncologie et des maladies rares. C'est aussi le cas du groupe Urgo, spécialiste de la santé grand public (connu notamment pour ses pansements) et du traitement des plaies. 80% de ses produits sont conçus et développés dans la capitale de Bourgogne-Franche-Comté, où elle garde son siège et son centre mondial de recherche et développement (R&D).
La municipalité a lancé dès le début des années 2000 la construction d'un parc d'activité dédié, qui accueille aujourd'hui plus d'une dizaine d'entreprises. "Nous étions parmi les premiers à nous y installer", lance Philippe Genne, pharmacologue et fondateur en 1995 de l'entreprise biopharmaceutique Oncodesign, cotée en bourse depuis 2014. L'entreprise est spécialisée dans la recherche de thérapies "de précision" contre des maladies "résistantes, non-sensibles aux traitements", notamment certains cancers, en ciblant plus finement les pathologies pour proposer des traitements mieux adaptés. Ses 220 employés travaillent notamment sur les propriétés des kinases, des molécules aux rôles multiples au sein des cellules vivantes.
Axe de développement
Dans une salle de réunion à vue panoramique, le patron d'Oncodesign, qui se décrit comme scientifique et entrepreneur, balaye du regard la zone d'activité de Mazen-Sully: à quelques encablures, l'université, le CHU ou encore Pharm'image, pôle régional d'imagerie médicale. "Dijon est une ville qui favorise l'industrie médicale" avec "une université active et la possibilité d'avoir une translation finalement assez facile entre des résultats académiques et des applications thérapeutiques", explique M. Genne, soulignant aussi la proximité des patients. "C'est pour eux qu'on conçoit ces nouvelles thérapies." Le dirigeant espère plus que doubler son chiffre d'affaires d'ici 2020, à 40 millions d'euros, et prévoit le développement de l'entreprise à l'international, notamment en Amérique du nord.
L'agence de développement dijonnaise a fait de la santé l'un des trois axes de développement majeurs de la ville - avec les industries agroalimentaires et numériques. Selon ses chiffres, les effectifs de R&D dans l'agglomération ont augmenté de 62% entre 2002 et 2012, essentiellement dans le secteur médical. Dijon compte une troisième entreprise médicale cotée en bourse: Crossject, qui développe un système d'auto-injection sans aiguille (lire ci-après). Les laboratoires Monot, autre acteur historique, ont quant à eux été repris à la fin des années 90 par l'allemand Merck, qui y développe des produits liés à l'automédication.
La capitale régionale concentre aussi des producteurs de médicaments, comme Delpharm, Recipharm ou SPPH ou encore le prothésiste Proteor. Cet écosystème s'est regroupé en 2016 à l'échelle régionale dans une association basée à Dijon, BFCare, qui a recensé 300 entreprises liée au secteur santé en Bourgogne-Franche-Comté, employant 10.000 personnes pour un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros. "Chacun était dans son rail, on ne se connaissait pas les uns les autres, explique Philippe Guerit, le président de l'association. On a enfin pu chiffrer les choses: c'est à ce moment là que tout le monde a vraiment pris conscience qu'il y avait quelque chose." La région et la métropole nous "aident à faire émerger cette filière", ajoute M. Guerit, pour qui Dijon "commence à exister sur la carte de France en tant que ville où il se passe quelque chose en santé".
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Le dijonnais Crossject invente l'injection sans aiguille
C'est la fin de la peur de l'aiguille: l'entreprise dijonnaise Crossject développe depuis près de 20 ans un système d'auto-injection qui propulse le médicament directement à travers la peau à l'aide de gaz sous pression. Les premiers exemplaires doivent arriver sur le marché en 2020. "On perce comme s'il y avait une aiguille, sauf qu'il n'y a pas d'aiguille", résume Patrick Alexandre, le PDG de cette entreprise entrée en bourse en 2014, qui se pose en concurrent des stylos injecteurs à aiguille, utilisés par exemple pour administrer de l'adrénaline en cas de choc allergique.
"Lorsque vous créez un jet de très petit diamètre avec une très grande vitesse, vous pouvez percer une cible, notamment des tissus humains. Dans notre cas de figure, le médicament est contenu dans une capsule, on va le pousser très fort et le forcer à sortir par de tout petits orifices", décrit M. Alexandre. Le dispositif, nommé Zeneo, tient dans une main. L'injection se fait par simple pression sur la peau en 50 millisecondes, par deux trous de 0,3 millimètres pour les injections sous-cutanées, un seul de 0,4 mm pour une intramusculaire.
L'idée est née en 1998 au sein des laboratoires Fournier, ancien fleuron de l'industrie médicale dijonnaise aujourd'hui disparu, où M. Alexandre était chef de projet. Il a participé à la création de l'entreprise en 2001: "On a démarré à trois pour être aujourd'hui une soixantaine", indique-t-il. Du traitement des crises d'épilepsie aux overdoses aux opioïdes, en passant par les chocs allergiques ou encore les crises d'asthme sévères: huit médicaments déjà utilisés dans les injections classiques sont en train d'être adaptés.
Pour chacun l'entreprise doit demander une nouvelle autorisation de mise sur le marché (AMM) et prouver que le produit est aussi bien administré qu'avec une aiguille. Après 20 ans et 80 millions d'euros d'investissements, le groupe ne communique pas "précisément sur les objectifs de chiffre d'affaires", mais les perspectives données par des analystes financiers nourrissent l'optimisme du patron de la petite entreprise dijonnaise. "On parle de plusieurs centaines de millions d'euros. Quand vous essayez de projeter Crossject dans l'avenir, l'unité que vous devez avoir en tête c'est plus le milliard d'euros que le million", affirme Patrick Alexandre.
-AFP-
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