Les yeux bleus sont-ils condamnés à disparaître ?
Publié le 29 avr. 2016
Plus récents dans l'histoire de l'humanité, les yeux bleus sont bien moins fréquents que leurs homologues de couleur marron.
Gris, vert, noisette… La couleur de nos mirettes tire son origine d'une combinaison de gènes qui interagissent entre eux. Les deux parents transmettent chacun la moitié de leur patrimoine génétique à leur descendance. Chaque gène possède deux allèles (versions différentes d'un même gène), l'un venant du génome du père, l'autre de celui de la mère.
«La couleur de nos iris est l'héritage de nos parents. S'ils ont tous deux les yeux bleus, les enfants les auront également. Mais des parents aux yeux bruns peuvent donner naissance à des enfants aux yeux clairs», explique Françoise Clerget, directrice de recherche émérite en génétique, à l'Inserm, à Paris. On dit que l'allèle «marron» est dominant quand le «bleu» est récessif. L'allèle responsable des yeux bleus ne s'exprime pas forcément: il est masqué par son alter ego foncé. Raison pour laquelle les yeux pâles peuvent parfois sauter une génération.
Dans une population où les allèles «bleus» et «bruns» ont la même fréquence, seul le quart de la population a les yeux azur et les trois quarts les iris marron. En France, où environ 30 % de la population a les yeux bleus, l'allèle correspondant est plus fréquent. Dans les pays nordiques, l'allèle «brun» est encore plus rare. Autre raison qui explique pourquoi les yeux couleur de mer sont moins fréquents: l'un des gènes responsable de ce trait physique est issu d'une mutation qui a eu lieu en Europe, puis au Moyen Orient, il y a dix mille ans, après que notre espèce ait quitté l'Afrique et qu'elle se soit installée sur le continent européen et côté asiatique.
«A l'origine, l'espèce humaine avait les yeux marron, mais cet allèle bleu est apparu et s'est répandu progressivement dans la population. Voilà pourquoi les yeux couleur océan sont concentrés en Europe ainsi qu'en Amérique du Nord et en Océanie, où résident une forte proportion d'individus d'origine européenne», indique Alexandre Ribéron, enseignant chercheur en génétique des populations à l'université Paul-Sabatier de Toulouse.
Un taux stable en Europe
L'allèle des yeux bleus risque-t-il pour autant de disparaître? «Il est tentant de penser qu'un gène récessif aura tendance à disparaître, répond le chercheur. Le terme “dominant” est ambigu. Il induit le principe selon lequel c'est ce gène qui va finir par “gagner”. Mais c'est une idée erronée.» La fréquence des allèles de chaque teinte respective, ainsi que la proportion de personnes aux yeux bleus, reste stable en Europe.
«Les allèles, bien que récessifs, continuent de se transmettre de génération en génération», complète Françoise Clerget. Quant aux facteurs démographiques et migratoires, eux non plus ne devraient pas changer la donne. «Un mélange entre les populations pourrait masquer les yeux clairs pendant une génération du fait du caractère récessif et dominant de la couleur des iris. Mais il ne mènerait pas à leur disparition», insiste Alexandre Ribéron. «Une natalité plus forte dans les pays du Sud a pu faire, un temps, augmenter la fréquence de l'allèle responsable des yeux foncés, mais pas de quoi provoquer une extinction pure et simple des yeux bleus», tranche Françoise Clerget. L'azur reste de mise…
Le Figaro Santé
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