Le risque à retardement de l'excès d'antibiotiques
Publié le 20 mai 2015
Certaines maladies comme l'obésité, le diabète ou l'asthme pourraient avoir comme origine la prise d'antibiotiques au cours de l'enfance. C'est la conclusion livrée dans la revue Cell Host & Microbe par une équipe de chercheurs de l'Université du Minnesota (États-Unis), suite à l'analyse des connaissances actuelles sur les liens entre antibiotiques, bactéries intestinales et maladie.
En 1928, lorsque le médecin et biologiste écossais Alexander Fleming découvre le premier antibiotique, la pénicilline, il ne sait pas encore qu'il va révolutionner la médecine… pour le pire ou le meilleur. Car si l'essor des antibiotiques a permis de sauver des millions de vies depuis les années 1940, leur usage excessif est aujourd'hui à l'origine de complications. «Les antibiotiques sont tellement miraculeux qu'ils ont eu un succès exceptionnel. Et comme on se sait pas toujours si une maladie est due à un virus ou à une bactérie, on s'est mis à en donner beaucoup trop», analyse Antoine Andremont, professeur de microbiologie à l'Université Paris Diderot et auteur du livre Antibiotiques, le naufrage (éditions Bayard).
Revers de la médaille
Mais la communauté scientifique a peu à peu pris conscience des conséquences alarmantes de ces médicaments sur les bactéries qui occupent nos intestins. «Aujourd'hui, on considère que le microbiote intestinal est un organe à part entière qui a des interactions très complexes avec nous et qui se trouve profondément altéré par les antibiotiques», explique le Pr Andremont.
En effet, les antibiotiques éradiquent certaines de nos «bonnes» bactéries, ce qui créé un déséquilibre à l'origine de certaines pathologies, mais en sus ils rendent des bactéries néfastes résistantes. Ces dernières occupent la place laissée libre par les bactéries disparues, devenant ainsi dominantes, prêtes à conquérir de nouveaux territoires. Chez les jeunes enfants, où les bactéries intestinales sont très sensibles à l'environnement jusqu'à l'âge de 3 ans, la prise d'antibiotiques peut avoir des conséquences sur le long-terme.
Usage différent
Pour Didier Guillemot, professeur d'épidémiologie à l'Université de Versailles Saint-Quentin, «Il faut que les antibiotiques ne soient utilisés que par ceux qui en ont vraiment besoin. Cela doit passer par le développement de tests rapide d'orientation de diagnostic (TROD). Ce sont des outils de détection qui nous permettront d'orienter l'antibiothérapie en 2 ou 3 heures contre 48 heures actuellement». D'autres produits actuellement à l'étude consistent à empêcher les antibiotiques de perturber le microbiote intestinal ou d'éviter le développement de résistance chez les bactéries.
Pour autant, même si «les antibiotiques, c'est pas automatique» comme le clamait en 2002 une campagne de l'Assurance maladie, il y a encore beaucoup d'infections à bactéries sensibles qui nécessitent d'être traitées par ces médicaments. Selon le Pr Guillemot, «Il n'y a aucune raison de ne pas utiliser nos antibiotiques, car ce sont des médicaments qui guérissent, alors que la plupart des médicaments ne font que ralentir des processus pathologiques».
En 2014, alors que la France se situait au 4ème rang des pays européens les plus consommateurs d'antibiotiques, l'Organisation Mondiale de la Santé alertait quant à la dangerosité de la résistance bactérienne. «La difficulté, c'est que c'est un phénomène assez peu visible. Ebola, on voit tout de suite. La résistance bactérienne, ça ne se voit pas. Il reste beaucoup de travail», conclut le Pr Guillemot.
Le Figaro santé
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