La médecine exploite les vertus du grand froid
Publié le 11 juin 2014
Traumatismes, tumeurs bénignes, anesthésie : les médecins tirent de plus en plus profit des propriétés du froid.
Un allié précieux en situation d'urgence
Abaisser la température du corps permet de gagner du temps pour remédier à des situations médicales critiques comme un arrêt cardiaque, un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme majeur et parfois même lors de certaines interventions chirurgicales. Utiliser les propriétés protectrices du froid est une idée ancienne: Hippocrate l'envisageait déjà quatre cents ans avant notre ère. Repris dans les années 1950 puis abandonné, le concept est désormais largement utilisé pour protéger le cerveau dans un certain nombre de situations d'urgence cardiaque ou cérébrale. Il est désormais recommandé de placer en hypothermie induite légère toute personne dans le coma après un arrêt cardiaque récupéré, une situation dans laquelle le bénéfice a été clairement établi par de nombreuses études.
La température corporelle du patient doit être amenée assez rapidement entre 32 et 34 °C, par plusieurs étapes successives. L'injection d'une grande quantité de sérum physiologique à 4 °C permet d'abaisser rapidement la température mais ne suffit pas à la maintenir à un niveau suffisamment bas. Cette méthode peut cependant être appliquée rapidement, avant même l'arrivée à l'hôpital, où le patient sera entouré d'un système refroidissant. Des couvertures spéciales, assez coûteuses, où circule un liquide froid, peuvent être utilisées, mais, le plus souvent, de simples packs de froid, changés régulièrement, permettent de maintenir la température corporelle au niveau désiré. Certaines équipes font le choix de maintenir une circulation de sérum refroidi injecté par cathéter intravasculaire mais cette méthode, plus invasive, présente un risque de thrombose veineuse profonde qui la réserve aux refroidissements de moins de quatre jours.
Des casques refroidissants permettent de refroidir plus spécifiquement le cerveau. Ils sont particulièrement utiles pour abaisser rapidement la température du cerveau d'un nouveau-né lorsqu'il a été privé d'oxygène avant ou pendant la naissance, l'autre situation dans laquelle l'hypothermie thérapeutique est recommandée, à la suite de nombreuses études.
La technique est en cours d'évaluation dans certains cas d'accident vasculaire cérébral, d'encéphalopathie, d'épilepsie ou face aux traumatismes crâniens graves, notamment lorsque la tension intracrânienne ne peut pas être abaissée rapidement.
Il soigne aussi par l'extérieur
Verrues, tumeurs bénignes ou précancéreuses de la peau et défauts cutanés disgracieux ont été les premières cibles des traitements par le froid profond que permet l'azote liquide. Il s'agit alors de «brûler» les zones à traiter pour détruire les cellules affectées. Le processus est légèrement douloureux pendant quelques heures, comme le serait une brûlure, et la peau présente d'ailleurs, après le traitement, tous les signes extérieurs d'une brûlure: rougeur, œdème et parfois formation d'une cloque. La cicatrisation passe par la formation d'une croûte qui protège la plaie jusqu'à sa guérison. Le froid appliqué doit atteindre une température suffisante pour détruire les cellules mais doit parfois être appliqué en plusieurs fois pour ne pas léser la peau saine qui les entoure. «Les produits disponibles en pharmacie ne produisent pas ce froid intense et ne sont pas efficaces», rappelle le Pr Thierry Passeron, dermatologue au CHU de Nice et chercheur Inserm dans l'unité 1065.
Cette approche directe est également utilisée pour des zones cachées mais accessibles par les cavités naturelles: l'azote liquide est ainsi parfois utilisé pour des petites tumeurs au niveau du col de l'utérus.
Récupérez dans un «sauna» à -110°C
Certains sportifs de haut niveau y sont accro: équipés d'un bonnet, d'un short, de chaussettes et d'un masque sur la bouche, ils s'enferment quelques minutes dans un caisson où il fait la douce température de -110°C. Objectif: favoriser la récupération des muscles et de l'organisme après un effort intense en ralentissant les processus d'inflammation. La cryothérapie «corps entier» connaît actuellement un engouement qu'aucune étude à large échelle ne permet cependant de justifier, surtout pour les indications très vagues mises en avant. De nombreux essais sont cependant en cours pour évaluer son intérêt face à des situations précises de récupération post-chirurgicale ou post-traumatiques ou encore face à certaines douleurs et comprendre comment le froid agit afin de mettre au point des protocoles précis pour chaque application.
Mettre à profit ses vertus anesthésiantes
Les vertus anesthésiantes du froid sont utilisées depuis longtemps pour soulager la douleur: les sportifs et les urgentistes connaissent l'intérêt d'appliquer un pack de froid sur une entorse pour réduire la douleur et l'inflammation. Plus récemment, l'un des inconvénients de la cryoablation s'est révélé un atout majeur pour la lutte contre la douleur chez les malades atteints de cancers. «Il faut faire particulièrement attention de ne pas détruire des cellules saines lorsque nous enlevons des tumeurs par le froid», explique le Pr de Kerviler. «Parfois, des cellules nerveuses très proches peuvent être affectées.» Pour certains patients qui souffrent de douleurs intenses, cet effet indésirable est alors recherché, pour détruire les terminaisons nerveuses dans les zones douloureuses. «L'effet est définitif, nous l'expliquons bien au patient, mais il peut apporter un confort spectaculaire au patient», souligne le Pr de Kerviler. Il raconte volontiers l'histoire d'un patient atteint de métastases au niveau du bassin sur une zone d'appui et qui, après le traitement par le froid, a pu marcher à nouveau dès le lendemain.
LeFigaro.fr
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