- Accueil
- Échanger
- Forum
- Forums généraux
- Revue de presse
- Motilium, combien de morts subites ?
Motilium, combien de morts subites ?
- 36 vues
- 0 soutien
- 2 commentaires
Tous les commentaires
Utilisateur désinscrit
C'est un dossier pour les spécialistes ça !
Utilisateur désinscrit
Donnez votre avis
Articles à découvrir...
04/11/2024 | Actualités
Les ballonnements : tout comprendre pour soulager cet inconfort !
21/10/2024 | Actualités
Les troubles de santé courants chez la femme enceinte : tout ce qu’il faut savoir !
19/10/2024 | Nutrition
Quels sont les nombreux bienfaits anti-inflammatoires et antioxydants du curcuma ?
16/10/2024 | Nutrition
Qu’est-ce que l’environnement alimentaire et comment influence-t-il notre alimentation ?
09/01/2019 | Nutrition
14/02/2019 | Conseils
La vie amoureuse à l’épreuve de la maladie : comment faire face ?
15/04/2019 | Conseils
S'abonner
Vous souhaitez être alerté des nouveaux commentaires
Votre abonnement a bien été pris en compte
Julien
Bon conseiller
Julien
Dernière activité le 12/06/2024 à 11:32
Inscrit en 2012
10 075 commentaires postés | 815 dans le groupe Revue de presse
23 de ses réponses ont été utiles pour les membres
Récompenses
Bon conseiller
Contributeur
Messager
Engagé
Explorateur
Evaluateur
En démocratie sanitaire, l’évaluation doit être transparente, comparative et indépendante de tout préjugé ou intérêt. La réponse à la question ci-dessus serait évidemment oui si la dompéridone n’apportait rien de plus que ses concurrents et/ou était associée à un risque plus élevé. Ce peut être, ou non, le cas mais mériterait d’être démontré par une analyse comparative du rapport bénéfice/risque de la dompéridone et de ses alternatives thérapeutiques. On évite ainsi les décisions en « pelure d’oignon », les produits de la classe étant immolés les uns après les autres, sans vision ni réflexion globale.
Avantage sur ses concurrents
Une analyse du dossier montre que pour certaines indications, effectivement limitées, la dompéridone possède, au plan thérapeutique, un avantage sur ses concurrents (entre autres, elle ne traverse pas ou très peu la barrière séparant la circulation sanguine et le cerveau et n’entraîne de ce fait pas d’effets neurologiques centraux). Sa disparition ne signerait donc pas forcément un progrès sanitaire. Le vrai problème, comme souvent en France, est sa prescription trop large, y compris à des personnes n’en ayant pas ou plus besoin.
Encourir un risque quand un bénéfice réel est attendu est la règle ; risquer un effet indésirable grave dans le cas contraire n’est pas acceptable. Une fois de plus, le vrai combat serait celui du bon usage, non celui du nettoyage par le vide. Dans son numéro de février 2014, Prescrire présentait une estimation du nombre de morts subites attribuables en France en 2012 à la dompéridone. Il ne s’agit pas d’un décompte mais d’une modélisation statistique.
Cette approche, classique, consiste à partir du nombre de personnes traitées par dompéridone, à estimer (en fonction du risque de base dans une population de ce type) le nombre de morts subites qui seraient de toute façon survenues chez ces personnes en l’absence de traitement par dompéridone, puis de le multiplier par le facteur d’augmentation du risque lié à ce médicament (risque relatif).
Crédibilité de l’estimation
La revue Prescrire avançait, sur la base d’environ 3 millions de personnes de plus de 18 ans et non atteintes d’un cancer (critères considérés par les études étrangères sur le risque lié à la dompéridone) ayant utilisé le produit en 2012, une fourchette de 25 à 120 morts subites attribuables (soit un risque de 8,3 à 40 par million de personnes traitées). Sur cette base, Prescrire estimait « qu’il n’y a aucune raison de laisser la dompéridone sur le marché ». Certains experts avaient, à l’époque, soulevé le fait qu’il aurait été cohérent de faire le même calcul pour les concurrents de la dompéridone et avaient mis en doute la crédibilité de l’estimation, non validée par des experts extérieurs (principe du peer reviewing ou analyse critique par des pairs imposée à toute revue scientifique).
Cette dernière requête a été satisfaite avec la publication de l’étude, toujours non comparative, sous une forme différente dans le numéro de mai 2015 de la revue Pharmacoepidemiology and Drug Safety. L’estimation est cette fois de 231 morts attribuables en France à la dompéridone en 2012. Sans ouvrir le débat de la validité du calcul, une telle précision, reprise telle quelle par nombre de médias français, ne peut qu’étonner. Il faut garder à l’esprit que toute modélisation fait appel à de nombreuses hypothèses plus ou moins robustes et utilise des paramètres estimés, parfois de façon divergente, par des études antérieures.
Risque relatif fluctuant
Par exemple, les auteurs ont appliqué le même risque de base de mort subite à toute la population des utilisateurs, alors que l’on sait qu’il varie grandement en fonction du sexe et, surtout, de l’âge. Le calcul repose ensuite sur une majoration de ce risque d’un facteur 2,8, alors que, selon les études menées sur le sujet, ce risque relatif fluctue de manière non négligeable, en plus ou en moins. Surtout, le paramètre majeur de toute modélisation, influençant directement l’estimation du nombre d’événements, est le temps durant lequel les personnes sont considérées comme à risque du fait de leur traitement.
S’agissant d’un effet cardiaque, de surcroît dose-dépendant, la période à risque correspond à celle du traitement majorée du temps nécessaire pour que les concentrations sanguines de dompéridone diminuent jusqu’à perdre tout effet ; deux jours semblant ici suffisants. Les auteurs ont considéré que chaque personne traitée en France présentait un risque cardiaque augmenté durant 37 jours. Cette estimation, extrapolée à partir d’une étude menée dans la province canadienne de la Saskatchewan, paraît inexplicablement haute si l’on considère les indications et le mode d’utilisation du produit mais aussi le fait que nombre de personnes ne consomment pas tout ce qui leur a été prescrit.
Fourchette d’estimation
Dans son estimation initiale, Prescrire s’était fondée sur une durée moyenne de traitement de deux semaines et remarquait que 80 % des utilisateurs de dompéridone ne bénéficiaient que d’une seule prescription. Considérer 14 jours et non 37, en conservant les valeurs des autres paramètres, fait passer l’estimation du nombre de morts de 231 à 88.
Pour prendre en compte l’incertitude, toujours présente, sur la valeur réelle des paramètres utilisés pour le calcul, il est de règle en modélisation de recourir à une analyse de sensibilité. Elle prend en considération, à chaque étape, la valeur la plus haute et la valeur la plus basse crédible. On obtient ainsi au final une fourchette d’estimation ayant de bonnes chances d’inclure la valeur réelle du nombre d’événements.
L’estimation de 231 morts est donc à considérer avec beaucoup de prudence et mériterait d’être mise en perspective avec les proportions de prescriptions justifiées et non justifiées de dompéridone et d’être comparée à celles de ses éventuelles alternatives. Quelle serait la réaction des médias si un sondeur annonçait en 2015, sur la base d’un taux d’abstention observé au Canada, que le vainqueur de la prochaine élection présidentielle française l’emporterait avec 51,27 % des suffrages sans que l’on connaisse ni les scores ni les noms de ses concurrents ?
Dénombrer plus de 3 millions d’utilisateurs de dompéridone en France signe certainement un usage excessif. Pour les prescriptions non justifiées, le rapport bénéfice/risque est par définition inacceptable, ce sont elles qu’il faut commencer par supprimer.
LeMonde.fr