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Dominique Maraninchi: «Un nouveau Mediator ne doit plus être possible»
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15/07/2014 à 03:34
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Julien
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En exclusivité pour Le Figaro , Dominique Maraninchi raconte comment il a réformé l'Agence du médicament après le scandale.
DOMINIQUE Maraninchi va quitter l'Agence du médicament (ANSM) après trois ans et demi à sa tête, dès la nomination de son successeur. L'heure du bilan et des perspectives.
LE FIGARO. - Dans quelques semaines va s'ouvrir le procès du Mediator. Comment l'Agence du médicament va-t-elle le vivre?
Dominique MARANINCHI. - Ce sera très douloureux. Car le scandale du Mediator, c'est d'abord un drame humain. Il y a eu des centaines de morts. C'est terrible pour une agence dont l'une des missions fondamentales est avant tout de garantir la sécurité des patients. Vous savez, quand il y a tant de souffrances des victimes et de leurs proches, il faut avoir la pudeur de taire les siennes, mais je peux témoigner que personne à l'agence n'est resté insensible à ce drame.
Vous reconnaissez la part de responsabilité de l'Agence dans le scandale du Mediator?
C'est le devoir du directeur de l'Agence, comme ce sera celui de mon successeur, d'aider la justice à faire toute la lumière sur ce drame. Ce procès sera l'équivalent du sang contaminé dans les années 1990, il va marquer la conscience collective. Les chefs d'inculpation sont terribles pour les parties, dont l'agence. La justice sera amenée à se prononcer dès le début de 2015 sur la responsabilité et les agissements des Laboratoires Servier. Mais pour le directeur de l'agence que je suis, même arrivé après les faits, il est bouleversant d'être inculpé d'homicide par négligence lorsque l'on a voué sa vie professionnelle à la sécurité des patients. Bien sûr, c'était une autre époque, bien sûr il y avait alors des pratiques différentes, mais il faut regarder les choses en face pour que l'on n'oublie pas. Pendant les trois ans et demi que j'ai passés à la tête de l'agence, j'ai mis toute mon énergie à changer les choses. Un nouveau Mediator ne doit plus être possible. C'est la mission que m'ont confiée les ministres de la Santé successifs depuis 2011.
Comment être sûr qu'un nouveau scandale de ce type n'est plus possible ?
La loi du 29 décembre 2011 visant à renforcer la sécurité des produits de santé a posé de nouvelles bases, plus indépendantes et transparentes pour le suivi du médicament, et nous avons réorganisé l'agence en ce sens. Ma feuille de route consistait à rétablir la confiance. Je crois qu'aujourd'hui l'agence a retrouvé son autorité et sa crédibilité vis-à-vis du public et des professionnels de santé. Prenons les experts, par exemple. Avant la loi, l'agence se reposait trop sur l'expertise externe. Pour prendre une décision, le directeur devait réunir la commission d'AMM (autorisation de mise sur le marché, NDLR) et ses groupes de travail. D'une part, les industriels étaient présents dans cette commission, ils étaient d'ailleurs présents partout dans l'agence, même au conseil d'administration. D'autre part, certains experts présents de longue date avaient des conflits d'intérêts.
Qu'est-ce qui a changé depuis cette loi ?
Les industriels avaient-ils trop de place à l'intérieur de l'Agence du médicament? La réponse est oui. Mais ce n'est plus le cas. L'expertise interne a été renforcée. Quant au recours à l'expertise externe, il implique, sauf cas exceptionnel sur un produit très spécifique, qu'il s'agisse d'experts qui ne travaillent pas avec l'Industrie lorsqu'ils expertisent pour l'agence. Nous avons mis fin à la séparation entre l'évaluation du médicament (AMM) et la pharmacovigilance. Être du côté du patient, c'est forcément raisonner en balance bénéfice-risque. L'un ne va pas sans l'autre. Nous avons aussi pour mission de faciliter l'accès à l'innovation. La France est leader mondial dans ce domaine grâce à des procédures novatrices (ATU de cohortes, RTU…). La sécurité est la pierre de rosette de l'ANSM. Nous sommes désormais proactifs et évoluons de la pharmaco-vigilance à la pharmaco-surveillance. Nous avons ainsi créé un département de pharmaco-épidémiologie pour suivre de façon indépendante la vie des médicaments une fois qu'ils sont mis sur le marché.
L'Agence du médicament est-elle convertie à la transparence ?
Oui, et il n'est plus possible de revenir en arrière. Un produit de santé - médicament ou dispositif médical - n'est pas un produit comme un autre. Nous avons renforcé l'information à travers notamment le caractère public donné aux travaux des commissions et la mise à disposition de la base de données publique des médicaments. Je pense même que nous irons plus loin. Par exemple en imposant aux dispositifs médicaux à risque un arbitrage plus strict du bénéfice-risque et une meilleure surveillance. Nous poussons en ce sens au niveau européen. Mon successeur devra assumer ce rôle de leader, car la nouvelle position de la France est attendue et souvent suivie au niveau international. Les défis à venir sont exaltants. C'est aussi pourquoi il faut à la fois de la continuité dans les réformes engagées et de nouvelles têtes rapidement opérationnelles pour les mener à bout. Des hommes qui connaissent bien le médicament et les dispositifs médicaux sans avoir participé aux drames sanitaires du passé.
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