Cardiomyopathie hypertrophique : Clémence se livre "A cœur ouvert"
Publié le 2 janv. 2021 • Par Candice Salomé
Clémence, membre de la communauté Carenity, est atteinte de la cardiomyopathie hypertrophique. Diagnostiquée à sa naissance, elle n'a ressenti les symptômes de la maladie qu'à l'adolescence. Elle se livre pour Carenity dans son témoignage.
Bonjour Clémence, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Bonjour Carenity. Je m’appelle Clémence, j’ai 25 ans, et je suis née prématurément à 7 mois avec une maladie génétique assez rare dite « la cardiomyopathie hypertrophique », qualifiée aussi d’obstructive. Il s’agit du gène MYH7 (chaîne lourde de la myosine) détecté chez moi, qui en est l’ultime responsable. Ma cardiomyopathie hypertrophique a été mise en évidence en période néonatale immédiate, avec une détresse respiratoire sur hypertension artérielle pulmonaire, transitoire, motivant 8 jours de ventilation assistée conventionnelle. Bien que les médecins pensaient au départ que l’hypertrophie de mon muscle cardiaque était dû au diabète gestationnel de ma mère, la confirmation de ma pathologie cardiaque fut assez simple et rapide, après une échographie cardiaque et un test génétique. Je fais des études de Philosophie, actuellement en « Master », du sport en loisir (natation) et je milite dans des associations, à la fois pour la Paix et le Cœur, estimant que les deux pouvaient se rejoindre dans une action commune, afin d’apporter une aide psychologique, donner un peu de chaleur et d’espoir, mais aussi réconfort et humour, chez celles et ceux qui en ont le plus besoin. Trouver également des solutions par une étude réflexive, afin d’améliorer toujours plus la relation entre le patient et le soignant, un des enjeux, qui selon moi, est le plus important, pour vivre au mieux avec la maladie, et l’accepter.
Photo de Clémence
Vous êtes atteinte de cardiomyopathie hypertrophique. Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ? Est-ce une maladie héréditaire ? Y-a t-il d’autres cas dans votre famille ?
Il faut savoir que la cardiomyopathie hypertrophique est une maladie du muscle cardiaque, avec comme principale caractéristique un épaississement excessif (hypertrophie) du ventricule gauche, et plus particulièrement du septum. On parle parfois de cardiomyopathie hypertrophique obstructive lorsque l’épaississement au niveau du septum est très important, et par conséquent gène l’éjection du sang du ventricule gauche vers l’aorte. Cette maladie touche environ 1/500 personnes dans le monde. Il s’agit d’une maladie génétique transmissible sur un mode autosomique dominant .Cela signifie donc qu’elle peut être transmise à la descendance avec un risque de 50 % équivalent chez les filles et les garçons. Le diagnostic est le plus souvent porté chez l’adolescent ou le jeune adulte. Me concernant, je suis la seule dans ma famille à avoir une forme très sévère de la maladie. Ma mère ainsi que ma sœur ont uniquement le gène de la «CMH», sans pour autant avoir développé la maladie. Enfin, elle peut être bénigne et être associée à une espérance de vie normale. Mais elle peut aussi connaître diverses évolutions négatives : mort subite, insuffisance cardiaque, fibrillation auriculaire et accident vasculaire cérébral.
Découvrez vite l'infographie de Clémence "Cardiomyopathie, de quoi s'agit-il?" en cliquant ici
Vous avez été diagnostiqué très jeune, mais les premiers symptômes sont arrivés à l’adolescence. Quels étaient ces symptômes ? Qu’avez-vous ressenti à ce moment là ? Comment s’est déroulée votre prise en charge ?
Oui tout à fait. Régulièrement suivie par les cardiologues depuis la naissance, avec traitement de bêtabloquants dès le plus jeune âge, c’est seulement à quinze ans que sont apparus les premiers symptômes de la maladie au cours d’une séance de volley (palpitations extrêmes, asthénies, dyspnée d’effort, douleurs dans la poitrine, voile noir devant les yeux, fibrillation auriculaire).
C’est à ce moment-là, en pleine adolescence donc, et allongée sur le sol, que j’ai compris la gravité de ma pathologie cardiaque et qu’il fallait agir vite. J’étais à la fois anxieuse à l’idée peut être de mourir, mais à la fois sereine, car j’étais entourée par ma classe et les professeurs d’éducation physique et sportive. La directrice de mon collège a tout de suite appelé le Samu et les secours m’ont transportée d’urgence au CHU de Montpellier.
Vous avez subi une lourde opération “à cœur ouvert” dès l’apparition de ces symptômes. Pourquoi ? N’était-il pas possible de suivre un traitement ? Pourriez-vous nous parler de cette opération ?
Dans mon cas, la paroi séparant le ventricule gauche du ventricule droit (le septum) était beaucoup plus épaisse que la normale, grossissant au fil du temps, le risque était un blocage à la sortie du cœur.
Étant donné l’ampleur de "l’hypertrophie septale majeure 33 mm", une opération lourde, rare et délicate, à cœur ouvert, fut nécessaire, sous CEC (circulation extracorporelle) : la myomectomie cardiaque. Il s’agit d’un traitement invasif afin de retirer une partie du muscle cardiaque responsable de l’obstruction.
Après une longue préparation au CHU de Montpellier, à travers différentes procédures (coroscanners, bilans biologiques, biopsies cardiaques, cathétérismes cardiaques, radiographies du thorax, IRM cardiaques, échographies cardiaques d’efforts, électrocardiogrammes), l’intervention aura duré environ 12 longues heures à l’hôpital de La Timone à Marseille. Je suis sortie du bloc opératoire avec implantation d’un défibrillateur, à titre préventif, et d’un pacemaker.
Le pacemaker est un dispositif implanté dans l'organisme, qui fournit des impulsions électriques, destinées à stimuler le cœur. Il est utile parfois dans le traitement des bradycardies cardiaques , mais également dans mon cas, pour pallier à un bloc auriculo-ventriculaire complet. Le bloc auriculo-ventriculaire complet, ne vous est certainement pas très familier… Je vous rassure ! J’en avais strictement aucune idée avant que les cardiologues me l’expliquent . C’est l’une des complications possible de la myomectomie cardiaque, une altération de la transmission de l'influx électrique, interrompue ou ralentie, entre les oreillettes et les ventricules.
Quant au défibrillateur automatique implantable (DAI) c’est un petit dispositif implanté sous la peau qui détecte et corrige les anomalies de l’activité électrique du cœur potentiellement dangereuses, pouvant conduire à la mort subite. Lorsque le défibrillateur détecte une tachycardie ventriculaire (battements de cœur trop rapides), il envoie une série d’impulsions rapides, ou une décharge électrique au cœur afin de rétablir rapidement une fréquence cardiaque adéquate.
La cardiomyopathie hypertrophique représente l’une des causes majeures de la mort subite chez les jeunes de moins de quarante ans et tout le monde n’a pas la chance d’avoir un ange gardien au quotidien : « le défibrillateur implantable ».
C’est pourquoi, si aucun soin n’est pratiqué dans les minutes qui suivent l'arrêt cardiaque, les chances de survie sont quasi nulles. Fort heureusement, vos mains, comme les miennes, peuvent changer le cours des choses. Celle ou celui qui en prend conscience, augmente sa puissance d’agir.
Pour cela, trois gestes comptes : 1) Appeler le Samu, 2) Masser, 3) Défibriller. Les mains sont comme les ailes d’un ange. Elles sont protectrices.
Image de Clémence
Qu’est-ce que l’opération a changé pour vous ? Quelles ont été les suites de l’opération ?
Mon opération s’est bien déroulée, perturbée huit jours après par une endocardite sévère sur sondes et boîtiers, infectés par une bactérie «pyocyanique». Retrait des stimulateurs, réimplantation d’un autre pacemaker dans la paroi sous-ventrale, puis administration pendant six semaines d’un antibiotique puissant dans un service de rééducation du cœur à Hyères. Enfin, séjour post-opératoire à nouveau à Montpellier. On ne savait pas si j’allais pouvoir remarcher un jour et assurer l’indispensable du quotidien, mais grâce à la volonté et à force d’y croire, j’y suis parvenue et, depuis je mène une vie presque normale, même si la maladie reste incurable.
Avez-vous pu être entourée par le corps médical ? Vous a-t-il donné toutes les informations et ressources nécessaires pour gérer au mieux la maladie ?
Au cours de ces épreuves et devant l’inquiétude de mes parents, proches, amis et médecins, j’ai toujours gardé un bon moral et j’ai continuellement eu un relationnel des plus étroits, voire même affectif avec toutes les équipes médicales, sentiment toujours présent aujourd’hui.
Un bon relationnel entre le patient et le soignant est capital. Un préalable aux soins. Il améliore considérablement la situation et facilite la prise en charge ainsi que le diagnostic.
Avoir de petites attentions, des paroles apaisantes, tenir de temps en temps la main du patient lors des soins, mettre de la musique, laisser la porte de sa chambre ouverte pour qu’il ne se sente pas coupé du monde extérieur, peut paraître insignifiant mais est pourtant appréciable.
Expliquer attentivement chaque soin au patient, prendre le temps de lui faire comprendre sa maladie, sans rien lui cacher, permet de le rendre responsable de son combat.
Enfin, la transition ado/adulte, toujours délicate, permet une continuité dans les soins et un suivi régulier.
Image de Clémence
Vous arrive-t-il de ressentir certains symptômes parfois ? Si oui, lesquels ? Est-ce handicapant, angoissant au quotidien ? Quel est l’impact de la maladie sur votre vie personnelle et professionnelle ?
Aujourd’hui, pour moi, apparition récente de troubles au niveau du rythme cardiaque (tachycardie ventriculaire et auriculaire) entraînant une certaine appréhension, sachant que le risque de reprise de l’hypertrophie du muscle cardiaque n’est pas écarté. Cette situation va me conduire certainement à accepter les conseils de mes cardiologues et la pose à nouveau d’un défibrillateur implantable, cette fois-ci sous-cutané, sans électrodes intracardiaques, et par conséquent sans risque d’endocardite.
La cardiomyopathie hypertrophique est une maladie évolutive, coriace, avec parfois, et c’est mon cas, une fibrose myocardique progressive, pouvant aboutir à la longue à une véritable insuffisance cardiaque. L’ insuffisance cardiaque est une incapacité du cœur à pomper suffisamment de sang pour répondre aux besoins de l'organisme. Problème de santé grave et souvent mortel.
L’hygiène de vie se doit alors d’être impérative, prise au sérieux et avec considération, chez toutes les personnes atteintes de cardiomyopathie hypertrophique, afin d’ éviter son aggravation vers l’insuffisance cardiaque : pas d’alcool, ne pas fumer, manger sainement, prendre correctement ses traitements pour le cœur, se reposer, ne pas saler, et pratiquer une activité physique régulière et modérée, en loisir et hors compétition.
Mes conseils pour prendre soin de soi sont les suivants :
- Faire de l'exercice régulièrement de façon modérée comme la marche à pied, faire du vélo, de la natation, ce qui permet de se maintenir en forme, de lutter contre la fatigue et cela contribue ainsi à l'épanouissement et à la confiance en soi,
- Maintenir un poids raisonnable, c'est avoir moins de charge pondérale et être moins essoufflé,
- Aller voir rapidement son médecin traitant si l'on constate toute anomalie dans son corps.
L’insuffisance cardiaque se révèle sous l'acronyme
E.P.O.F : Essoufflement, Prise de poids, Œdèmes, Fatigue. N'attendons pas de ressentir ces symptômes pour agir ! Adoptons dans notre quotidien l’acronyme E.P.O.N : Exercice, Prendre son poids, Observance, Ne pas saler.
Image de Clémence
Comme le disait le Philosophe Sénèque : "Hâte-toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie".
Quel est votre regard sur l’avenir ? Dans quel état d’esprit êtes-vous actuellement ? Existe-t-il des chances de transmission de la maladie à vos futurs enfants ? Est-ce que cela vous inquiète ?
Si je maîtrise bien ma situation et vois l’avenir avec enthousiasme, je reste préoccupée par le fait que si j’ai des enfants, le risque qu’ils aient la même pathologie est de 50 %.
Êtes-vous soutenue par votre famille et vos amis ? Parlez-vous librement de la maladie ? La comprennent-ils ?
L’amour des uns et des autres m’aide et me guide dans mes choix de la vie et bien entendu dans le combat que je mène depuis ma plus tendre enfance contre la cardiomyopathie. Croyez-moi, il est un antidote précieux, il peut nous aider à surmonter bien des épreuves…
Enfin, quel(s) conseil(s) aimeriez-vous donner aux membres Carenity également atteints de cardiomyopathie hypertrophique ?
A celles et à ceux qui sont atteints de cette pathologie, qu’ils se rassurent, ils seront toujours pris en charge avec compétence et dévouement. Surtout, qu’ils ne se découragent pas, voient le présent et l’avenir, certes avec lucidité, mais surtout avec espoir ! La recherche progresse…
Un dernier mot ?
J'aimerais citer les différents intervenants qui se sont occupés de moi et continuent pour certains, à savoir : ma cardiopédiatre le Docteur Sophie Guillaumont ; le Professeur Michel Voisin ; le cardiologue Grégoire de la Villeon; mon rythmologue le Professeur Jean-Luc Pasquié ; le Docteur Charlène Bredy; Pascal Amedro, les infirmières Annie Auer et Amandine Marquina (à l’Institut St-Pierre à Palavas), ma généticienne Emmanuelle Haquet, et les Psychologues, en particulier Stéphanie Legras (St-Eloi); le Professeur Gilbert Habib; le Dr Emilie Bastard, et un grand merci à mon chirurgien, le Professeur Loïc Macé, qui, à la Timone, a réalisé avec réussite cette lourde opération. Beaucoup d’autres ont compté à mes yeux, mais il est difficile de citer tout le monde. J’espère qu’ils ne m’en voudront pas.
A tous, je suis très reconnaissante de m’avoir permis de vivre, de vivre ma vie.
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