Qu’est-ce qu’un biosimilaire et quelle est son efficacité ?
Publié le 27 mars 2017
Les anti-TNF sont des médicaments efficaces dans le traitement d’induction et d’entretien des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Ils ont reçu une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la maladie de Crohn (MC) et de la rectocolite hémorragique (RCH), modérée à sévère, réfractaire aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs. Les anti-TNF représentent un progrès incontestable dans la prise en charge des patients atteints de MICI. Cependant, ils ont leurs limites. Ils sont associés à des effets indésirables parfois sévères (infection, cancer), tout particulièrement lorsqu’ils sont associés aux thiopurines. En second lieu, environ 10 % des malades cessent de répondre aux anti-TNF chaque année. Une proportion importante de ces pertes de réponse est liée à une immunisation contre ces médicaments. L’association de thiopurines aux anti-TNF (combothérapie) augmente leur efficacité et diminue leur immunogénicité, au prix d’une toxicité plus importante. En troisième lieu, leur coût est élevé. Il est d’environ 10 000 euros par an pour un traitement par anti-TNF alors qu’un traitement par azathioprine coûte environ 300 euros par an. Les anti-TNF représentent aujourd’hui l’essentiel du coût des MICI.
Ces dernières années, de nouvelles molécules sont apparues pour traiter les patients atteints de MICI. Elles apportent une réponse à ces problèmes. Le biosimilaire de l’infliximab (commercialisé en France sous le nom d’Inflectra® ou de Remsima®) coûte 30 % moins cher que le Remicade® à l’APHP. Le vedolizumab (Entyvio®) et l’ustekinumab (Stelara®) ciblent deux voies différentes de celle du TNF et constituent un nouveau traitement des MICI.
Le biosimilaire de l’infliximab
Qu’est-ce qu’un biosimilaire ?
Selon la définition de l’ANSM, « c’est un médicament similaire à un médicament biologique (substance qui est produite à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant, ou dérivée de ceux-ci) de référence qui a déjà été autorisé en Europe ». Les médicaments biosimilaires sont évalués par l’agence européenne des médicaments (EMA). Ils doivent avoir des propriétés physicochimiques et biologiques similaires, la même substance et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence. Enfin, l’efficacité et la sécurité d’emploi doivent être équivalentes au médicament de référence. La production des médicaments biologiques est complexe. Elle repose sur des organismes vivants qui ont une variabilité intrinsèque pouvant entraîner des différences de fabrication (parfois entre des lots de produits de la même marque) et par conséquent, de propriétés cliniques. Si bien que le principe de substitution, valable pour les génériques, ne s’applique pas aux biosimilaires. C’est pourquoi l’EMA a délivré une autorisation de mise sur le marché (AMM) sur la base d’une équivalence de résultats thérapeutiques, pas seulement sur la bioéquivalence, comme c’est le cas pour les génériques.
Le biosimilaire de l’infliximab a une structure moléculaire très proche de celle du Remicade®. Des différences de fucosylation entre les deux molécules ont été mises en évidence, pouvant diminuer l’affinité du biosimilaire pour le récepteur au Fc. Cependant, les propriétés physico-chimiques, l’activité biologique, la pharmacocinétique, la toxicité chez l’animal et chez le volontaire sain sont similaires entre le Remicade® et le biosimilaire de l’infliximab.
Efficacité et sécurité d’utilisation des biosimilaires
Deux essais de phase 3, nommés PLANETRA et PLANETAS, ont démontré une efficacité similaire du Remicade® et de son biosimilaire dans la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante, respectivement [1, 2]. Les résultats de la phase d’extension de 48 semaines, pendant laquelle les patients recevant le Remicade® au cours de la phase initiale ont reçu son biosimilaire ont été communiqués. Les deux produits ont une efficacité et une tolérance en tout point semblable, qu’il s’agisse de la réponse clinique, biologique et radiologique.
Les anticorps monoclonaux comme l’infliximab induisent une réaction immunitaire, notamment la formation d’anticorps (appelés ADA, pour Anti Drug Antibody) dirigés contre ces médicaments. Les ADA diminuent l’efficacité et la tolérance des médicaments biologiques. Dans les deux essais sus mentionnés, l’incidence des ADA était similaire chez les patients ayant reçu le biosimilaire et le produit de référence. Le taux d’immunisation était similaire chez les patients qui sont passés du Remicade® au biosimilaire et chez ceux qui ont reçu le biosimilaire pendant toute la durée de l’essai. En résumé, le biosimilaire de l’infliximab a un profil d’immunogénicité semblable à celui de l’anticorps de référence, dans la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante.
Dans les essais PLANETRA et PLANETAS, l’incidence et la sévérité des effets indésirables étaient similaires selon que les patients recevaient le Remicade® ou son biosimilaire. Cependant, les essais de phase 3 ont une puissance insuffisante pour détecter des différences de tolérance entre les deux produits. C’est pourquoi un plan de pharmacovigilance a été mis en place pour le suivi des biosimilaires de l’infliximab.
Questions sur l’efficacité
Le biosimilaire de l’infliximab est disponible pour traiter les patients atteints de RCH et de MC dans plusieurs pays. Au total, des publications portant sur un total de 518 patients avec MICI traités par le biosimilaire de l’infliximab suggèrent que le biosimilaire de l’infliximab a une efficacité semblable à celle du produit de référence [5]. Cependant, ces données proviennent d’études non contrôlées. Deux essais de non infériorité de phase 3, comparant le Remicade® à son biosimilaire, sont en cours chez les adultes atteints de MC, aux États-Unis et en Norvège. Le premier inclut des patients en phase active. Dans le second, les patients en rémission sous Rémicade sont tirés au sort pour recevoir le même produit ou son biosimilaire.
Questions sur l’immunisation
Dans les essais PLANETRA et PLANETAS, il y avait davantage d’ADA chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde que chez ceux atteints de spondylarthrite ankylosante, ce qui suggère que le taux d’immunisation peut varier d’une maladie à une autre pour le même anticorps monoclonal. D’autre part, dans ces deux essais, l’immunosuppresseur associé à l’infliximab était le Methotrexate alors que dans les MICI, ce sont les thiopurines qui sont le plus souvent prescrites en association avec l’infliximab. Ces données interrogent l’extrapolation des données obtenues dans les essais consacrés aux rhumatismes inflammatoires aux patients atteints de MICI.
Cependant, dans ces deux essais, le taux d’immunisation était similaire entre le produit de référence et son biosimilaire chez les malades avec polyarthrite rhumatoïde et spondylarthrite ankylosante. De plus, les anticorps anti-Remicade® reconnaissent le biosimilaire et inhibent son action à un degré similaire, suggérant que ces deux produits ont une immunogénicité semblable et partagent les mêmes épitopes immunodominants [8].
L’EMA a pris la décision d’autoriser la mise sur le marché du biosimilaire de l’infliximab sur la base de ces données pré-cliniques et cliniques. Elle a accepté le principe de l’extrapolation des résultats obtenus dans les rhumatismes inflammatoires, aux MICI et au psoriasis.
Règles d’utilisation du biosimilaire de l’infiximab en pratique
Le biosimilaire de l’infliximab peut être prescrit aux malades atteints de MC et de RCH. Ses indications sont celles du Remicade®. Les nouveaux malades nécessitant l’infliximab peuvent recevoir le biosimilaire. Les malades traités par le Remicade® peuvent continuer avec ce médicament ou le remplacer par son biosimilaire. Beaucoup de cliniciens sont réticents à la substitution du Remicade® par son biosimilaire chez un malade qui va bien sous Remicade®. Les résultats des essais en cours permettront de savoir si cette inquiétude est justifiée ou pas.
Nouvelles biothérapies
Le vedolizumab
Les lymphocytes T jouent un rôle important dans les MICI. La domiciliation des lymphocytes dans l’intestin dépend d’une interaction entre l’hétérodimère α4β7, une glycoprotéine située à la surface des lymphocytes B et T, et la molécule « mucosal addressin-cell adhesion molecule 1 (MAdCAM-1) », située à la surface des cellules endothéliales. Le vedolizumab est une IgG1 monoclonale humanisée dirigée contre α4β7. Il bloque la domiciliation des lymphocytes vers l’intestin. Le MLN 02, l’ancêtre du vedolizumab, s’était montré efficace chez les malades atteints de RCH dans un essai de phase 2. Le natalizumab, un anticorps monoclonal dirigé contre α4, bloque à la fois α4β7 et α4β1, dont dépend la domiciliation des lymphocytes dans le cerveau. Le natalizumab s’est montré efficace dans la MC et la sclérose en plaques mais il a été à l’origine de leucoencéphalopathies multifocales progressives (LEMP). Il n’est pas disponible pour le traitement de la MC en Europe.
Le vedolizumab a été évalué par plusieurs essais de phase 3 ayant inclus plusieurs centaines de malades atteints de RCH ou de MC active, moyenne à sévère.
L’ustekinumab
L’ustekinumab est une igG1 monoclonale humaine dirigée contre la sous unité p40 commune à l’interleukine (IL) 12 et l’IL 23. L’IL12 et l’IL23 sont sécrétés par les cellules dendritiques. L’IL12 stimule la différenciation des lymphocytes T CD4 naïfs en TH1 qui produisent de l’interféron gamma. L’ustekinumab inhibe l’activité de l’IL-12 et de l’IL-23 en bloquant la liaison de ces cytokines à leur récepteur, l’IL-12Rβ1, exprimé à la surface de cellules immunitaires. Depuis 2009, l’ustekinumab a obtenu une AMM européenne dans les indications suivantes :
- psoriasis en plaques modéré à sévère qui n’a pas répondu, ou qui présente une contre-indication, ou qui est intolérant aux autres traitements systémiques dont la ciclosporine, le méthotrexate (MTX) ou la puvathérapie (psoralène et UVA) ;
- rhumatisme psoriasique actif chez l’adulte lorsque la réponse à un précédent traitement de fond antirhumatismal non biologique a été insuffisant.
Fmcgastro
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