Lupus : l’éducation thérapeutique ou comment devenir acteur de sa maladie
Publié le 17 juin 2019 • Par Louise Bollecker
Laurent Chiche est médecin interniste à l’Hôpital Européen Marseille et membre du comité scientifique de Carenity. Son projet de recherche, le Lupus Living Lab, permet aux patients atteints de lupus de monitorer eux-mêmes leur maladie pour aider la recherche mais également mieux comprendre et gérer leur pathologie au quotidien.
Bonjour Laurent, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le Lupus Living Lab ?
La particularité du Lupus Living Lab est sa méthodologie : le projet est mené avec les patients du début à la fin. L’objectif est que les patients monitorent eux-mêmes leur maladie avec des outils embarqués (capteur UV, application d’interface avec le centre, prélèvements sanguins sur le doigt, prélèvement de selles…). Le patient est ainsi éduqué à gérer sa maladie grâce à des dispositifs que notre équipe lui apprend à utiliser. Pour mettre tout cela en place, des patients ont réfléchi avec nous en petits groupes.
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À quoi servent ces données recueillies par les patients ?
On cherche à savoir si tous ces biomarqueurs sont capables de prédire les poussées plus en amont que les signes cliniques ou les marqueurs de suivi habituels : l’idée est de pouvoir anticiper une rechute lorsqu’elle est encore toute débutante. Grâce aux informations recueillies, on peut suivre ce qui s’est passé, ce qui se passe et ce qui ne se passe pas pendant une poussée, au niveau moléculaire ou suite à des comportements d’exposition à des facteurs de risque, avant que la rechute ne soit vraiment présente.
Une fois récoltées, comment les données sont-elles analysées ?
Le Lupus Living Lab a l’avantage de fournir aux patients des outils pour structurer l’analyse de tous les biomarqueurs récoltés. Il fournit la méthodologie. De plus, les patients sont en relation constante avec le centre. Toutes les informations sont sur la table donc les risques d’avoir une analyse erronée sont moindres. Par exemple, cela évite d’incriminer à tort un paramètre comme un vaccin, la prise d’un antibiotique ou une injection. Ce monitoring exhaustif avec une analyse fine est intéressant par les patients car ils n’oublient aucun facteur.
En quoi cela participe-t-il à l’éducation thérapeutique du patient ?
Une équipe d’éducation thérapeutique est impliquée dans le projet car il faut éduquer en amont les patients à se piquer, à détecter certains symptômes… L’éducation thérapeutique est majeure dans la prise en charge du lupus et le restera, même avec l’amélioration des traitements. En connaissant leur maladie, les patients seront plus à mêmes de la gérer et de reconnaître les symptômes d’une poussée pour pouvoir contacter leur médecin au plus tôt.
Qui participe à ce projet ?
Une trentaine de patients seront suivis pendant au minimum 6 mois.
Les patients qui ne participent pas au Lupus Living Lab peuvent-ils adopter la même approche ?
Bien sûr, il est recommandé de se monitorer soi-même, même hors du cadre de ce projet ! Je conseille de le faire en partenariat avec son médecin, sur des périodes de temps données pour ne pas que ce soit trop lourd. À terme, on aimerait étendre la méthode du Lupus Living Lab à tous les patients, avec une veille au niveau du centre.
Quelle est la différence entre le Lupus Living Lab et un essai clinique traditionnel ?
La méthodologie d’un essai clinique est différente mais quand nous avons lancé ce projet, des partenaires industriels ont été intéressés par cette approche. On peut imaginer que les participants à un essai clinique, entre deux visites à l’hôpital – les visites sont souvent espacées d’un mois – pourront utiliser les mêmes outils que le Lupus Living Lab pour remonter en live tous les événements marquants qu’ils vivent ou encore des données de pharmacovigilance. Le patient est souvent un peu seul entre deux visites, malgré le lien avec son centre qui mène l’essai clinique.
Selon vous, quel rôle doit avoir le patient dans son parcours de soin ou le choix de ses traitements ?
Le rôle qu’il veut bien avoir. Il n’y a pas un idéal immuable. Certains patients, au début de leur maladie, manifestent une grande passivité qu’on ne peut pas leur reprocher. Petit à petit, ces patients vont souvent prendre leur autonomie. Il y a des phases où le patient est en demande de « paternalisme médical », même si ce terme n’a pas bonne presse en ce moment. Parfois, les médecins doivent les « chouchouter » le temps qu’ils se remettent à flot. Bien sûr, sur le long terme, quand la maladie est stabilisée, il n’y a pas de limite à la connaissance de la pathologie que les patients peuvent avoir. On peut composer avec leurs souhaits, parfois même s’ils désirent mettre en place une interruption thérapeutique.
Comment participer au Lupus Living Lab ?
Nous recherchons des patients dans la région de Marseille, ayant un lupus stable, c’est-à-dire hors d’une période de poussée. Pour prendre plus d’informations ou pour participer, il suffit de contacter Myriam Bennani au 04 13 42 83 51 au par mail à l’adresse suivante : m.bennani@hopital-europeen.fr
Retrouvez bientôt la suite de notre entretien avec Laurent Chiche :
- Poussées de lupus : quelles sont les causes et les symptômes ? Comment les prévenir, les reconnaître et les traiter ?
- La recherche médicale dans le lupus : vers des traitements moins toxiques et une médecine personnalisée
Que pensez-vous du Lupus Living Lab ? Quels éléments vous manquent (ou non) pour comprendre votre maladie au quotidien ?
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Laurent Chiche
Le Docteur Laurent Chiche est médecin interniste* et chercheur à l’Hôpital Européen Marseille. Il a lancé un projet de recherche clinique sur le lupus, le Lupus Living Lab. Son objectif est de tenter de déterminer les paramètres annonciateurs des poussées de lupus en sortant la recherche des laboratoires pour l’introduire dans la vie quotidienne des patients.
* La médecine interne s'intéresse au diagnostic et à la prise en charge globale des maladies de l'adulte avec une prédilection pour les maladies systémiques et les maladies auto-immunes en général. En France, la médecine interne est la spécialité des démarches diagnostiques difficiles et de la prise en charge des patients souffrant de polypathologies ou de maladies générales. Cette activité implique un travail en équipe, multidisciplinaire et multi professionnel.
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