La terrible maladie de Charcot frappe sans prévenir
Publié le 28 janv. 2015
Les personnes atteintes perdent progressivement leurs fonctions musculaires.
Peut-être prendra-t-elle finalement le nom du célèbre astrophysicien Stephen Hawking qui en est atteint. Elle, c'est la sclérose latérale amyotrophique (SLA), encore appelée maladie de Charcot en France, du nom du neurologue de la Pitié-Salpêtrière qui le premier la décrivit au XIXe siècle, ou maladie de Lou Gehrig aux États-Unis, en souvenir de l'un des plus grands joueurs de base-ball de tous les temps atteint en pleine gloire à l'âge de 36 ans.
Mais ce n'est ni à Hawking ni à Lou Gehrig que pensait Patrick Halet, membre du Comité Solidarité Charcot *, en ouvrant le colloque consacré à la maladie ce 22 janvier à Paris dans la salle de projection des studios Universal à Paris. Il pensait à sa fille Margaux. «Elle s'est envolée à 23 ans. Elle en avait 21 quand on a appris qu'elle avait cette terrible maladie. Ma femme est moi avons tout plaqué en espérant avoir au moins cinq ans avec elle. On en a eu deux.»
Deux ans, c'est bien court et, en effet, la maladie progresse rapidement jusqu'à son issue fatale, en moins de trois ans pour environ la moitié des malades. Pour d'autres, l'évolution peut être plus lente, dépassant les dix ans pour un malade sur dix.
La maladie semble un peu plus fréquente chez les hommes et on estime qu'un sur 350 aura un jour une SLA contre une femme sur 400. «C'est une maladie rare, mais elle n'est pas exceptionnelle», commente le Dr Séverine Boillée, chercheur Inserm qui dirige l'équipe de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière. «Il y a en France quatre nouveaux cas par jour et au total 8 000 à 10.000 patients actuellement», ajoute le Dr Pradat.
La piste de facteurs environnementaux est régulièrement évoquée sans qu'il ait été possible de la confirmer. En France, un nombre inhabituel de SLA a ainsi été noté dans deux petites communes, Saint-Ismier (6 500 habitants), en Isère, et Montchavin (moins de 1 000 habitants), en Savoie. Une dizaine de cas en dix ans dans chacune de ces communes.
«Neuf fois sur dix, la SLA survient de façon sporadique», autrement dit sans antécédents dans la famille explique le Dr Boillée, neurologue à la Pitié-Salpêtrière. Elle survient alors le plus souvent autour de la soixantaine. Mais il existe aussi des formes dites «familiales» de la maladie dont le pic d'incidence (survenue des nouveaux cas) est plutôt autour de la cinquantaine. Toutefois, la maladie peut débuter à tout âge.
Comment expliquer que les malades perdent peu à peu la commande de leurs muscles? «La SLA correspond à une dégénérescence des motoneurones, ces cellules très particulières qui font le relais entre le cerveau et les muscles », explique le Dr Pradat. C'est d'ailleurs la troisième maladie neurodégénérative, en fréquence, derrière les maladies d'Alzheimer et de Parkinson. Son évolution rapide explique la mobilisation des associations et leur agacement de voir que la suppression du critère d'âge promis par la loi de 2005 (pour l'égalité des chances) afin de bénéficier de la prestation de compensation du handicap (PCH) n'est toujours pas entrée en vigueur. Interrogé parLe Figaro, le secrétariat d'État chargé des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion de Ségolène Neuville précise que: «L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, en septembre 2014, un dispositif prévoyant l'élaboration d'un rapport du gouvernement au Parlement qui permettrait d'étayer la réflexion sur la barrière d'âge à 62 ans. »
Car, en plus du drame humain de la maladie dans toute sa brutalité et son injustice, le poids du handicap est particulièrement lourd dans la SLA. L'un des mérites du film sur la vie de Stephen Hawking Une merveilleuse histoire du temps est d'ailleurs d'en donner un aperçu. «La maladie affecte les capacités de mouvement, avec des troubles de la marche et des membres supérieurs (bras, mains, NDLR) qui peuvent aboutir à une paralysie complète, détaille le Pr Pradat. La parole et la déglutition sont aussi touchées et lorsque les muscles respiratoires sont atteints, le pronostic vital est engagé.»
Il n'existe pas de traitement curatif. Un médicament, le Riluzole, peut ralentir l'évolution chez certains malades, mais la recherche est complexe. «La Fondation Thierry Latran finance la recherche de concepts tant il persiste d'inconnues», explique sa présidente, le Dr Valérie de Broglie. Dans la SLA plus que dans toute autre maladie, le temps presse.
* Fondation Thierry Latran, l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, et une trentaine d'associations de malades.
Stephen Hawking, un cas médical très particulier
Pour le grand public, l'image de la maladie de Charcot (sclérose latérale amyotrophique ou SLA) sera probablement définitivement accolée au cas de Stephen Hawking, immortalisé par le film Une merveilleuse histoire du temps. Pourtant, la SLA du célèbre astrophysicien présente plusieurs particularités qui l'éloignent de la forme typique de la maladie. D'abord, l'incroyable longévité de Hawking, puisqu'il est toujours en vie alors que les médecins ne lui donnaient que deux ans à vivre lorsque fut posé le diagnostic, en 1963. Il est vrai que la moitié des malades décède effectivement dans les trois ans, mais l'évolution est imprévisible et va au-delà de dix ans pour environ 10 % d'entre eux. Ensuite, l'âge de début, 21 ans, alors que seuls 5 % des cas se déclenchent avant 30 ans. Troisièmement, Hawking a conservé des facultés intellectuelles intactes. Or «un syndrome fronto-temporal sévère (démence, NDLR) apparaît dans 10 à 20 % des cas», explique le Dr François Salachas, neurologue à la Pitié-Salpêtrière (Paris). Enfin, Hawking n'a pas eu besoin d'assistance respiratoire définitive après sa trachéotomie alors que c'est habituellement le cas à ce stade. Une longévité exceptionnelle qui est toujours inexpliquée.
Le Figaro santé
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