La stigmatisation, un obstacle au traitement des maladies psychiatriques
Publié le 16 janv. 2018
Pour chasser les caricatures et les préjugés, une association d’aide aux personnes souffrant de troubles psychiatriques a réalisé un web documentaire.
Les préjugés sur les maladies psychiatriques ont la vie dure. Les schizophrènes sont encore trop souvent perçus comme des personnes dangereuses, et les alcooliques comme des gens faibles incapables de combattre leur démon.
Pour changer le regard de la société sur la maladie psychiatrique et pour mieux la prendre en charge, Perrine Curvale, psychologue à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et deux autres psychologues marseillaises ont développé un web documentaire. Conçu par l’association Solidarité Réhabilitation, "Epsykoi" s’attache à déconstruire les idées reçues et à sensibiliser le jeune public aux signes avant-coureurs des troubles psychiques.
Quatre symptômes annonciateurs
Interactif, ce web documentaire définit quatre symptômes annonciateurs d’une pathologie psychiatrique : l’angoisse, l’addiction, la déprime et le sentiment de persécution. Pour chacun, les internautes peuvent choisir de regarder le portrait de jeunes patients, le témoignage d’un proche ou encore le regard d’un professionnel.
Epsykoi propose également deux portraits de jeunes adultes atteints de maladies psychiatriques. Dans l’un d’eux, Lou Lubie, auteure de bande dessinée, raconte comment elle dompte sa cyclothymie, un type de trouble bipolaire, pour vivre une vie accomplie. "On n’a pas le choix. Il faut vivre avec", dit-elle en souriant.
"Nous voulions montrer que la maladie psychiatrique n’est pas une fatalité. Ce message n’est pas seulement destiné aux jeunes présentant des troubles. Nous sommes tous concernés de près ou de loin par ces pathologies", explique Perrine Curvale. L’association Solidarité Réhabilitation espère pouvoir diffuser Epsykoi dans les lycées dès la rentrée 2018.
Lutter contre une image déformée véhiculée par les médias
Dans Society and Mental Health, un sondage réalisé par des psychologues de l’université de Baylor (États-Unis) auprès de 1200 personnes montre que ce discours stigmatisant et violent est toujours ancré dans la société. "Cette image déformée est en partie véhiculée par les médias, déplore Perrine Curvale. Dans les journaux ou les films, on ne montre que des malades psychiatriques qui vont mal. On ne présente que les unités de patients difficiles. On ne parle jamais des personnes qui vont bien et qui mènent une vie normale." En décortiquant l’usage du mot "schizophrène" dans la presse, l’Observatoire de la société et de la consommation a notamment dénoncé en 2017 le rôle des articles judiciaires dans "la construction assez systématique d’une 'image du monstre'".
Une stigmatisation qui représente un frein redoutable à l’accès aux soins, en particulier chez les jeunes. Pourtant, c’est entre 15 et 25 ans que les premiers symptômes d’une maladie psychiatrique surviennent. "Les patients que nous accueillons en psychiatrie adulte ont un long parcours de souffrances qui a très souvent démarré à l’adolescence. Mais à cet âge, on se dit que la psychiatrie concerne les fous. Or on sait qu’en agissant tôt, on peut empêcher l’entrée dans un trouble plus sévère", soulève la psychologue.
Le Figaro Santé