Qu’est-ce qu’un médicament générique ? Et quelle est la différence avec un princeps ?
Publié le 1 oct. 2020 • Mis à jour le 5 oct. 2020 • Par Doriany Samair
Les génériques sont, depuis leur apparition, un sujet de débat et on vous l’accorde, il est parfois difficile de s’y retrouver !
Vous avez peut-être déjà vécu cette situation : en allant chercher votre médicament habituel, vous vous rendez compte qu’il est soudainement remplacé par un autre. Et ça n’a l’air de surprendre que vous même ! Après avoir interrogé le pharmacien, vous venez d’apprendre que c’est normal, que la molécule est la même, mais qu’elle est, pour une raison inconnue, exploitée par un autre laboratoire qui a décidé que la boite serait bleue et non plus rose. Par contre, on vous précise que si par malheur vous vouliez l’ancienne version, vous allez devoir payer la différence. Donc pour deux médicaments qui ont le même effet, pourquoi devrais-je en payer une plus cher que l’autre ?!
Il y a vraiment de quoi s’y perdre, vous vous posez sûrement plein de questions alors on vous explique tout !
Qu’est ce qu’un médicament générique ? Et quelles sont les différences avec les médicaments appelés “princeps” ?
Pour comprendre le concept du générique, il faut bien intégrer la notion de ce qu’on appelle le médicament princeps. Pour commencer, il est important de saisir de quoi est composé un médicament. On a donc un principe actif, d’origine chimique ou naturelle, caractérisé par un mécanisme d’action préventif ou curatif. Et, associé à ce principe actif, un ou plusieurs excipients, qui sont les substances qui facilitent l’utilisation et l’administration du médicament, mais qui n’ont aucun pouvoir curatif ou préventif.
Le médicament princeps est donc ce médicament de référence auquel le laboratoire a donné un nom de marque et pour lequel a été déposé un brevet.
Maintenant pour introduire le générique, je vous propose de vous expliquer brièvement comment se déroule le cycle de vie d’un médicament.
Source : https://www.celgene.fr/
La vie d’un médicament commence lorsque le laboratoire dépose un brevet, il mise sur une idée thérapeutique innovante et la protège pendant 20 ans. Pendant cette période, le laboratoire interdit à toute concurrence d’orienter des recherches dans le même sens que lui. Et il faut aussi savoir que le laboratoire peut demander une extension à ce brevet (de maximum 5 ans).
Pendant les 20 ans de protection octroyées par le brevet, le laboratoire doit exploiter au maximum son projet dans le but de commercialiser un nouveau médicament, le princeps. Pour ce faire, on peut distinguer 2 phases dans le cycle de vie du médicament : la phase de Recherche & Développement qui dure en moyenne 10 ans, et la phase d’utilisation du produit en vie réelle, période de 5 à 10 ans où le princeps est commercialisé.
Il est important de bien préciser que la première phase de R&D est cruciale, car c’est une phase d’expérimentation durant laquelle le laboratoire réalise toutes les études exigées par les autorités de santé compétentes. Effectivement, pour être mis sur le marché, un candidat médicament doit avoir le feu vert de l’ANSM (Agence nationale de sécurité des médicaments). C’est elle qui décide d’accorder une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) au candidat médicament. Dès lors, sont négociés prix et taux de remboursement, afin de commercialiser le médicament qui détient alors un véritable monopole sur le marché. Cette exclusivité laisse au laboratoire une grande marge de négociation du prix, ce qui explique le coût plus important du princeps. En effet, moins la concurrence est forte plus le prix sera conséquent.
Une fois commercialisé, c’est-à-dire une fois que le médicament est disponible en pharmacie et peut vous être prescrit par un médecin, le médicament entre dans une phase d’utilisation. Il faut savoir que cette phase permet aux autorités de santé d’alimenter les données relatives au médicament en termes de sécurité d’emploi par le patient, c’est le rôle de la pharmacovigilance. En effet, un médicament bénéficie d’une surveillance nationale en vie réelle qui lui sert de garantie tout au long de son cycle de vie. Cette surveillance consiste à recueillir les informations relatives aux effets indésirables détectés. Certains effets indésirables font l’objet d’un signalement par les professionnels de santé qui jugent de leur gravité, en vue d’établir des mesures préventives ou correctives.
Enfin, au bout d’une vingtaine d’années, vient l’expiration du brevet, qui fait tomber la molécule dans le domaine public. Dès lors, le princeps peut être exploité par d’autres laboratoires pour commercialiser un médicament générique. Il arrive que le laboratoire commercialisant le princeps se lance aussi dans la course aux génériques pour tenter de garder le monopole dans une maladie (ce qui lui permet de vendre à la fois le princeps et un générique).
Pour bien comprendre le cycle de vie du médicament, ainsi que la différence entre générique et princeps, prenons l’exemple du Crestor ®. C’est un médicament de la classe des statines qui lutte contre le taux trop élevé de cholestérol dans le sang. Il a été développé par le laboratoire AstraZeneca et a perdu son brevet en 2012. En 2013, le Crestor ® était encore parmi les rares princeps très largement prescrits en France à ne pas avoir d’équivalent générique sur le marché. Pour des raisons évidentes économiques, l’Assurance Maladie a fortement encouragé l’industrie pharmaceutique à développer l’équivalent générique du Crestor ® . Aujourd’hui, il existe plus d’une dizaine de références génériques dans le groupe du Crestor ® .
Mais alors, concrètement, quelle(s) différence(s) entre le générique et le princeps ?
Princeps vs. générique, ce qui est identique :
- le générique doit avoir la même composition qualitative et quantitative en principes actifs que son princeps,
- la même forme galénique, c’est à dire qu’il doit se présenter sous la même forme : gélule, comprimé, collyre, sirop...
- la même efficacité thérapeutique doit avoir été démontrée, c’est la notion de bioéquivalence (assurant que le générique a le même comportement dans l’organisme que le princeps)
- la même Dénomination Commune Internationale (DCI), c’est à dire la même dénomination scientifique. La DCI est donc le nom du principe actif à proprement parler, qui permet, d’une part, l’identification de la classe pharmacologique et d’autre part, d’avoir un langage commun à tous, afin d’éliminer tout risque de confusion. Pour reprendre l’exemple du Crestor ® , la DCI de ce médicament est Rosuvastatine. On peut reconnaître sa famille thérapeutique par son suffixe : -statine. Le générique du Crestor ® prendra le nom de sa DCI, il s’appellera donc Rosuvastatine. Et c’est par ce nom que les médecins sont invités à prescrire, toujours dans le but de minimiser le risque d’incompréhension de la part du patient.
Princeps vs. générique, ce qui diffère :
- les excipients, ce sont tous les composés du médicament autres que le ou les principe(s) actif(s), notamment responsables de l’aspect et du goût du médicament.
Parfois, cette différence par rapport au princeps peut être recherchée. En effet, un sirop, selon qu’il soit à la fraise ou à la banane, peut être plus ou moins bien accueilli en fonction des patients, c’est pourquoi un laboratoire de génériques peut choisir de séduire de nouveaux patients en élargissant la gamme de parfums.
- l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) d’un générique : le dossier est exempté des données précliniques (toxicologiques) et cliniques qui ont déjà été délivrées dans le dossier du médicament dit “de référence”. Par ailleurs, comme pour le princeps, toutes les données relatives à la qualité, sécurité et efficacité d’emploi figurent dans le dossier d’AMM.
Par exemple pour le Crestor, il a surtout été demandé de prouver la non-infériorité de la molécule générique au princeps.
Voilà un terme qui peut faire peur, et qu’on associe beaucoup aux génériques : “Les excipients à effets notoires”. Mais alors qu’est ce que c’est ? A-t-on raison de les associer aux génériques?
Un princeps peut donner naissance à plusieurs génériques, et laisse un large éventail de choix de médicaments au prescripteur pour une même indication. Ceci lui permet de personnaliser au maximum son ordonnance selon le profil de sensibilité du patient. Effectivement, selon la composition de certains médicaments, le prescripteur peut favoriser un médicament à un autre. Parmi les critères de sélection d’un médicament par rapport à un autre, on a les excipients à effets notoires. Il s’agit en fait d’excipients, ces substances inactives donc, mais dont la présence pour certaines catégories de patients, rend nécessaire certaines précautions d’emploi.
Par exemple, chez les diabétiques, un excipient comme le saccharose peut être à éviter. Il conviendra au prescripteur de choisir le candidat idéal, répondant au même besoin thérapeutique mais sans saccharose.
Il est intéressant d’évoquer le cas des personnes âgées pour qui il conviendra de choisir un médicament qu’elles soient en mesure d’avaler. Ainsi, selon les excipients, la taille ou la forme du médicament peut varier et constituer un argument pour le prescripteur.
Les princeps, au même titre que les médicaments génériques, sont susceptibles de contenir ces excipients à effets notoires. Pour aller plus loin, voici la liste des excipients à effets notoires : Annexe : liste des excipients à effets notoires.
Pour en savoir plus sur les génériques, voici le répertoire des médicaments génériques inscrits à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, autorité en charge de délivrer les AMM) : Listes et répertoires - Répertoire des médicaments génériques.
Et enfin, pour toute information complémentaire à propos d’un médicament princeps ou générique, vous pouvez consulter la base de données publique des médicaments, qui répertorie tous les médicaments autorisés à être commercialisés en France.
Pourquoi les pharmaciens sont-ils obligés de délivrer des médicaments génériques ?
Vous avez probablement vécu la situation évoquée précédemment, où le pharmacien censé vous délivrer votre traitement habituel, vous délivre à la place un médicament que vous n’avez jamais vu.
Tout d’abord, éclaircissons ce qu’on appelle la substitution pharmaceutique. Il faut savoir que les génériques sont répartis en groupes. Un groupe contient le médicament de référence qui est le princeps, et ses génériques. Pour le Crestor ® par exemple, on sait qu’il a donné naissance à plusieurs médicaments génériques, tous connus sous le nom de “rosuvastatine” mais commercialisés par des laboratoire différents.
Au sein d’un groupe, tous les médicaments sont dits “bioéquivalents”. Donc tous les médicaments du groupe Crestor ® ont la même efficacité.
Biogaran et Teva, par exemple, ont développé leur rosuvastatine, qui seront bioéquivalentes entre elles et bioéquivalentes au Crestor ® .
C’est pourquoi le pharmacien est autorisé à dispenser une spécialité par rapport à une autre si elles appartiennent à un même groupe. A la place du Crestor ® d'AstraZeneca, il peut vous dispenser la rosuvastatine de chez Biogaran, par exemple.
En France, ce n’est que depuis 1999 que les pharmaciens sont encouragés à substituer les princeps par un générique selon une législation bien précise.
Vous l’avez bien compris, le Crestor ® a coûté très cher à l’Assurance Maladie. Le développement de génériques était idéal pour faire quelques économies.
En effet, développer une nouvelle molécule pour un laboratoire est un pari risqué, long et incertain, tout ceci peut justifier le prix parfois élevé du princeps. Lors de la tombée du brevet dans le domaine public, les laboratoires génériques n’ont plus qu’à démontrer la bioéquivalence et s’allègent d’un bon nombre d’études expérimentales. Cette procédure leur coûte alors moins cher, ce qui leur permet de proposer des prix moindres.
C’est donc conformément au projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) et en vue de diminuer les dépenses de santé, que les pharmaciens ont désormais l’obligation de substituer les médicaments princeps par des médicaments génériques.
Puis-je refuser que le pharmacien me délivre un générique ?
Globalement, libre au patient de choisir son traitement, mais il faut cependant respecter quelques règles. C’est le prescripteur qui décide si il est pertinent et médicalement justifié de s’opposer à la substitution imposée au pharmacien. Il lui revient, lorsqu’il rédige une ordonnance, de relier le médicament à la mention “non substituable”, accompagnée d’une justification médicale.
Depuis le 1er janvier 2020, la mention “non substituable” seule n’est plus suffisante : un code à trois lettres doit être apposé à côté de la mention “non substituable”, qui permet d’identifier la situation dans laquelle s’inscrit l’opposition à la substitution. Voici ces codes :
- EFG : seul le traitement de référence est adapté à un enfant de moins de 6 ans
- CIF : Contre Indication Formelle, dans le cas ou un excipient à effet notoire est absent du princeps mais présent dans le générique
- MTE : les médicaments à marge thérapeutique étroite, pour lesquels la substitution est jugée délicate.
Il existe des situations où le pharmacien peut déroger à la substitution sans l’intervention du prescripteur, notamment pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, en indiquant, de la même manière que le médecin, la mention “Non substituable MTE-PH” manuscrite et en informant le prescripteur.
Pour la population âgée de plus de 75 ans, pour laquelle le changement de conditionnement ou de forme galénique peut entraîner une confusion et en cas de rupture de stock, le pharmacien est également autorisé à délivrer le princeps.
Par exemple, le médecin avait l’habitude de prescrire à votre papa de 80 ans du Crestor ®, et vous ne souhaitez absolument pas changer de médicament, de peur qu’il soit perdu avec tous ses autres cachets. Depuis que les génériques sont arrivés sur le marché, le pharmacien se doit de dispenser le générique. Plusieurs scénarios sont à envisager : soit le médecin, au courant, n’a pas oublié la fameuse mention “non substituable” sur l’ordonnance. Au vu du profil de votre papa, le pharmacien a alors le droit de vous délivrer le Crestor ®.
Si vous refusez la substitution par un générique, et qu’aucune des situations ci-dessus ne vous correspond, vous devrez vous acquitter auprès de l’officine du prix du médicament. Par ailleurs, et ultérieurement, vous pourrez vous faire rembourser par l’Assurance Maladie en envoyant une feuille de soin (fournie par le pharmacien) ainsi qu’une copie de votre ordonnance. Il faut toutefois noter que le remboursement est calculé sur la base du prix du générique le plus cher. C’est-à-dire qu’on vous remboursera comme si vous aviez choisi le générique le plus cher du groupe.
Longtemps sujets de désaccord et de méfiance de la part des patients, les génériques gardent cette impopularité notamment auprès des patients qui prennent le même traitement depuis très longtemps.
Il faut savoir que ce sont des médicaments qui ont suivi la même batterie de tests que les princeps avant d’être commercialisés, et qu’ils ont, à ce titre, autant leur place dans toute stratégie thérapeutique.
En France, le système de santé prend en charge la majeure partie des soins et c’est globalement dans la perspective de pouvoir continuer à le faire que l’Assurance Maladie veut faire des économies.
Les génériques, finalement, participent à rendre accessibles des thérapies très coûteuses à tous et pour le biens de tous !
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Prenez soin de vous !
Sources :
https://www.ansm.sante.fr/Dossiers/Medicaments-generiques/Qu-est-ce-qu-un-medicament-generique/(offset)/0
https://www.ameli.fr/assure/sante/medicaments/medicaments-generiques/comprendre-medicaments-generiques
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18734
https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/medicaments/medicaments-generiques/article/medicaments-generiques-questions-reponses
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