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Ces trois accidents qui ont révolutionné les neurosciences
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leparigo
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Louise
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Barre de fer dans la tête, destruction du lobe frontal et opération cérébrale expérimentale, trois cas cliniques spectaculaires ont permis de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau.
Les découvertes scientifiques sont souvent le fruit du hasard. Et la neurologie comportementale ne fait pas exception. Durant ces deux derniers siècles, trois hommes ont joué un rôle majeur dans la découverte de certaines fonctions cérébrales: gestion de l’émotion, perte du langage ou de la mémoire. Michel Thiébaut de Schotten, qui tiendra une conférence le 23 janvier à la Gaieté lyrique à Paris, s’est intéressé à ces cas.
● Phineas Gage : le cerveau devient le siège de l’âme
En 1848, en pleine conquête de l’ouest aux États-Unis, Phineas Gage travaille à la construction des chemins de fer. Le contremaître est spécialisé dans les explosifs qui creusent les montagnes du Vermont pour permettre l’installation des rails. À l’époque, la technique est rudimentaire: on dépose un peu de sable et d’explosifs dans un trou creusé sur la paroi des montagnes. Mélange que l’on tasse dans une barre métallique. Cette dernière mesure environ 1m10 de long, pour 3cm de large avec une des extrémités plus pointues.
Sauf qu’un jour, Phineas Gage, inattentif, oublie de mettre le sable. Il tasse. Le contact entre la barre métallique et la pierre de la montagne envoie une petite étincelle sur la poudre. L’explosion projette Phineas Gage en arrière. La barre, alors dans ses mains, lui traverse la tête - de la base de l’œil gauche au sommet du crâne - avant de venir finir sa course 20 mètres plus loin. Miraculeusement, Phineas Gage s’en sort vivant… et ne semble présenter aucune séquelle.
Quelque mois plus tard, il est de nouveau au travail. Mais quelque chose a changé dans son comportement. Phineas Gage a perdu en aptitudes intellectuelles et il a radicalement changé de personnalité. De chef d’équipe très organisé et doux, il est devenu désorganisé, vulgaire, agressif et impulsif. "Par exemple, il n’a plus non plus le contrôle de ses pulsions animales et devient incapable d’organiser ses idées", raconte Michel Thiébaut de Schotten, Chercheur CNRS à l’Institut du Cerveau et de la Moelle Épinière à Paris.
À l’époque, les scientifiques concluent que le lobe frontal, qui a été atteint par la barre de fer, est "le siège de l’âme de la personne. En effet, avec un dommage dans cette zone, la personnalité de la personne change", explique Michel Thiébaut de Schotten. "Aujourd’hui, nous avons pu récupérer l’image en 3D par scanner du crâne de Phineas Gage. Et nous pensons que la barre de fer a interrompu certaines connexions dans le cerveau, habituellement activées dans le cadre d’émotions ou de prise de décisions".
● Louis Victor Leborgne : la perte de la parole
Connaissez-vous ce personnage de Game of Thrones, tristement nommé "Hodor" car ce sont les seules syllabes qu’il peut prononcer? Si Hodor est fictif, "Tan-tan", dont l’histoire est similaire, est, lui, bien réel.
Quand il a eu 20 ans, Louis Victor Leborgne, un jeune épileptique, perd l’usage de la parole (aphasie) suite à l’une de ses crises. Il ne pourra plus jamais prononcer autre chose que la syllabe "Tan", d’où son surnom "Monsieur Tan-tan". Pourtant, ni ses aptitudes intellectuelles, ni sa compréhension ne semblent avoir été atteintes. Son père l’emmène à l’hôpital Bicêtre, où il restera jusqu’à sa mort en 1861, qui fait à l’époque à la fois office de prison et d’hôpital.
Paul Broca, chirurgien et anthropologue, qui rencontra Leborgne quelques jours avant sa mort, a étudié son cerveau. Il observe une destruction d’une partie du lobe frontal (la partie antérieure du cerveau), selon lui responsable de l’aphasie, où il localise l’aire cérébrale de la parole. Encore aujourd’hui, nous associons le siège de la parole à ce qui s’appelle l’aire de Broca.
Mais, selon Michel Thiébaut de Schotten, dont l’équipe a récupéré le cerveau de Leborgne scanné en haute résolution, c’est plutôt "tout un faisceau de connexions qui a été interrompu dans la substance blanche entre l’avant et l’arrière du cerveau, qui est responsable de cette aphasie. Et non pas l’atteinte d’une zone précise".
● Henry Gustave Molaison : vivre au jour le jour
L’américain Henry Gustave Molaison est opéré du cerveau en 1953, à l’âge de 27 ans, pour arrêter ses crises d’épilepsie chronique. Le médecin, William Scoville, à l’époque une super-star de la chirurgie, a déjà tenté l’expérience plusieurs fois, sans aucun résultat concluant, sur un des lobes du cerveau.
Mais avec Henry Gustave Molaison, Scoville veut expérimenter une nouvelle méthode: plutôt que de ne traiter qu’un seul des lobes du cerveau, il va s’attaquer aux deux. Durant l’opération, Scoville effectue donc deux incisions de 2,5 cm de diamètre de chaque côté du front du patient. Après avoir soulevé à l’aide d’une spatule l’avant du cerveau, "ils vont ensuite aspirer les parties intérieures du cerveau", relate Michel Thiébaut de Schotten.
À son réveil, Henry Molaison peut parler, lire ou encore compter. Mais il est incapable de se souvenir de ce qu’il a fait la veille… ou les jours précédents. "Il revit chaque jour comme si c’était le premier", raconte Michel Thiébaut de Schotten. Pis, l’homme est toujours sujet à ses crises d’épilepsie.
Si Henry Molaison conserve sa mémoire sémantique (nom des objets) et procédurale (apprentissage du vélo, de l’écriture etc.), il n’a plus de mémoire épisodique (souvenir des événements vécus). "Par exemple, dans les mois qui ont suivi le décès de sa mère, Henry Molaison est resté de très mauvaise humeur, sans qu’il arrive à se souvenir pourquoi", décrit Michel Thiébaut de Schotten.
Les scientifiques ont étudié son cerveau jusqu’à sa mort en 2008, et même après. Grâce à lui, les chercheurs ont compris le rôle de l’hippocampe et ses connexions avec les zones alentour dans la consolidation, le stockage et la récupération de la mémoire. C’est également grâce à lui que nous avons découvert l’existence de la mémoire à long terme et à court terme.
Source : Le Figaro Santé