Spina bifida : “Il ne faut jamais s’arrêter de rêver, de toujours croire en ses rêves.”
Publié le 27 nov. 2024 • Par Candice Salomé
Myriam, créatrice de la page Instagram "Happy Handi", nous livre son témoignage sur sa vie avec un spina bifida. Elle partage avec nous son parcours, ses défis quotidiens, et sa manière de transformer son handicap en force.
Passionnée par l'écriture, le cinéma et la sensibilisation au handicap, Myriam a fait de son compte un espace de partage et de motivation pour les autres.
À travers ce témoignage, elle nous rappelle que, malgré les difficultés, il est essentiel de continuer à rêver et de ne jamais renoncer à ses passions.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Myriam, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis Myriam, une jeune femme de 33 ans qui adore la vie. Depuis 2008, je suis parisienne, avant j’ai grandi à Lyon. J’ai plusieurs rêves dans la vie toujours liés à l’écriture, ma grande passion. J’ai deux grands frères, Samuel et Benjamin. Je suis la petite dernière. J’ai quatre nièces. Mon papa est décédé d’un cancer du cerveau il y a dix ans. J’adore ma famille qui m’entoure merveilleusement bien depuis ma naissance et mes amis, mes proches sans qui je ne serai pas la personne équilibrée que je suis aujourd'hui.
J’ai d’autres passions comme le cinéma ou la musique. Je tiens d’ailleurs une page sur Instagram liée à mes passions où j'écris mes chroniques et critiques de films sur @cine__music. J’adore aller à des concerts ou encore au cinéma ou au théâtre lorsque l’accessibilité me le permet.
Je suis handicapée de naissance, j’ai un spina bifida et, depuis février 2024, mon handicap s’est aggravé. Je suis désormais en fauteuil roulant. Je vis avec ma maman car j’ai besoin d’aide au quotidien. Ma maman est mon aidante. J’ai dû quitter mon logement pour être plus proche d’elle et aussi parce que mon logement n’est plus adapté ni accessible. Je me bats pour faire une mutation d’appartement mais les démarches sont longues.
Cela fait 3 ans que je tiens une page très importante sur Instagram où je sensibilise au handicap, je mets en lumière les personnes handicapées. Pour moi, les personnes différentes ont une grande force en elles. Ma page s’appelle @happy.handi et je parle de mon handicap, je partage mon quotidien, mes états d’âme, mes doutes, mes joies, entre autres. Je souhaite vraiment que les gens soient très sensibilisés au handicap. Comme je vous disais, j’ai plein de rêves dans la vie et je souhaite les réaliser un jour. Tant que je continuerai à rêver, je serai vivante.
Vous êtes atteinte de spina bifida. Pourriez-vous nous parler de cette malformation ?
Le spina bifida regroupe un ensemble de pathologies affectant le développement de la moelle épinière et de la colonne vertébrale. Il existe différents types de spina-bifida, dont les conséquences sont plus ou moins importantes sur la vie de l’enfant ou de l’adulte qui en souffre. Ma maman a fait neuf échographies et une amniocentèse et ma malformation n’a jamais été détectée en 1991. À la naissance, les bébés atteints de spina-bifida sont souvent pris en charge par une équipe pluridisciplinaire, composée, entre autres, d’un neurochirurgien, d’un urologue, d’un orthopédiste et d’un kinésithérapeute. Le traitement est adapté en fonction des besoins de chaque individu. Bien que le spina bifida puisse être grave, les personnes qui en sont atteintes peuvent vivre longtemps.
Le spina bifida est dû à un défaut de fermeture du tube neural ; celui-ci reste ouvert. C’est l’une des raisons pour laquelle les femmes désirant avoir un enfant prennent de l’acide folique en complément. Dans le spina bifida, les vertèbres ne se referment pas sur la moelle épinière. Le plus souvent, cela concerne le bas de la colonne vertébrale. Cette malformation peut toucher une ou plusieurs vertèbres. C’est mon cas, quand je suis née, j’avais des vertèbres mal fermées.
Avez-vous été opérée à votre naissance ? En quoi consiste cette opération ?
Je n’ai pas été opérée à ma naissance mais à l’âge de trois mois à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre par le Pr ZERAH, aujourd’hui décédé. Il fallait faire un certain poids pour être opérée et respecter les doses d’anesthésie. Vous noterez qu’habitant à Lyon, le transport et la délocalisation étaient difficiles à gérer pour mes parents.
L’opération consiste à recouvrir la moelle épinière extériorisée en réparant par une suture l'enveloppe qui normalement la recouvre, c'est-à-dire à refermer les vertèbres ouvertes à la naissance. Puis à refermer ensuite la peau du bébé. C’est une opération compliquée de plusieurs heures et qui nécessite parfois la présence de deux neurochirurgiens. Depuis quelques années, cette opération peut se faire in utero, ce qui diminue un peu les séquelles.
Quelle a été votre prise en charge étant enfant ? Quelle est votre prise en charge actuelle ?
Quand j’étais enfant, j’allais très régulièrement en hôpital de jour dans un hôpital pour enfants appelé “L’Escale” où je retrouvais tous les spécialistes liés à ma maladie. J’avais des séances de kinésithérapie où je travaillais mes muscles, ma marche etc. pendant mes séances de rééducation. Comme le spina bifida fait des séquelles orthopédiques, je voyais aussi les appareilleurs, ceux qui me faisaient mes attelles, mes corsets. Je me rappelle qu’ils me faisaient mes moulages sur place, et je devais revenir pour essayer le prototype. Puis je partais avec le releveur de pied après les modifications faites. C’était un bon moment parce que j’aimais bien la partie moulage avec le plâtre tout chaud sur la peau. A l’Escale, j’aimais beaucoup y aller et toute la journée j’étais occupée par les contrôles de ma maladie. Je me rappelle aller pendant la pause de l’après-midi dans la salle de jeux où il y avait une multitude de jeux, j’étais aux anges (je jouais à la dinette, aux jeux de société). Je me rappelle aussi avoir toujours fait de chouettes rencontres. Les patients venaient parfois de loin en France et je pouvais parler avec des personnes malades comme moi.
Je rencontrais donc des équipes médicales spécialistes qui me conseillaient bien pour les opérations ou les prises en charge du spina bifida.
Ensuite, pendant mon enfance, j’allais régulièrement chez un kiné de ville, je faisais également de la balnéothérapie qui consiste à faire de la rééducation dans une petite piscine prévue pour les patients. Mes parents tenaient à ce que j’ai une vie 100% comme les autres et que la maladie m’impacte le moins possible. J’ai grandi comme les enfants de mon âge, je ne me souciais pas de mon handicap ou du moins le moins possible. Je ne sentais pas trop les regards des autres.
Il faut savoir que, quand on est adulte, nous n’avons plus un seul hôpital qui prend en charge toutes les spécialités. Le spina bifida est une prise en charge pluridisciplinaire. Quand on est enfant, la prise en charge est beaucoup plus facile.
C’est pour cela que, quand je suis venue à Paris, en 2008, j’ai dû chercher tous les hôpitaux pour mes spécialités : la neurochirurgie, l’orthopédie, la kinésithérapie, la neuro-urologie…
Je suis donc suivie dans divers hôpitaux parisiens et cliniques. Il m’arrive de plaisanter sur le fait que je connais tous les hôpitaux parisiens. Ce qui est un peu vrai. Aujourd’hui, c’est justement plus chaotique. Enfant, j’avais un coordinateur en la personne du pédiatre, maintenant c’est plus compliqué, la maladie est plutôt méconnue donc le parcours et la coordination est à recréer, heureusement que j’ai une maman organisée et dévouée.
Quelles sont les conséquences / symptômes / manifestations du spina bifida ?
Les symptômes du spina-bifida fluctuent en fonction du type et de la gravité, mais aussi d’un individu à l’autre :
- Spina-bifida occulta : ses conséquences sont quasi invisibles, car les nerfs rachidiens ne sont pas touchés. Il est néanmoins possible d’observer une touffe de poils, une petite fossette ou une tache de naissance au niveau de la colonne vertébrale du nouveau-né. Ces marques cutanées peuvent toutefois indiquer un problème sous-jacent de la moelle épinière ;
- Méningocèle : ce type de spina-bifida peut entraîner des troubles au niveau de la vésicule et des intestins, notamment une incapacité à maîtriser la défécation, des infections urinaires à répétition ;
- Myéloméningocèle : c’est un des types les plus graves de spina-bifida. Le canal rachidien reste ouvert sur plusieurs vertèbres en bas ou au milieu du dos. La moelle épinière ou les nerfs forment alors une sorte de sac à la naissance. Cela se traduit par une hydrocéphalie, des difficultés d’apprentissage, à avaler, à marcher. J’ai ce type de spina bifida pour ma part sans hydrocéphalie.
Quand je suis née, j’avais un pied bot et je boîtais. D’ailleurs, j’ai toujours boîté encore aujourd’hui. Petite, j’étais relativement “propre”, j’allais aux toilettes normalement, je ne portais pas de protections. J’avais juste des envies impérieuses et parfois quelques fuites mais très rares (dues à ma petite vessie). De 2014 jusqu’à maintenant, j’ai eu des problèmes urinaires. J’ai dû m’auto-sonder (et ce fut un apprentissage compliqué) et porter des protections car je suis incontinente urinaire et anale. En 2019, j’ai eu une opération, un agrandissement de vessie pour ne plus avoir de fuites car ça me gâchait la vie de jeune adulte.
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?
Ma maladie a un grand impact sur ma vie privée. En effet, comme je suis quelqu’un d’extravertie, d’ouvert, j’adore faire des sorties pour rencontrer de nouvelles personnes ou pour mes passions, mon handicap peut me freiner à certains moments. Je ne peux pas sortir comme je le voudrais, ça me freine parfois. Et quand il y a des problèmes d'accessibilité dans les lieux, je suis frustrée de ne pas pouvoir sortir.
Cela me pose problème aussi lors de mes voyages. En effet, j’aimerais voyager davantage, aller à l’étranger mais c’est toute une question d’organisation. C’est tellement compliqué parce que j’ai du matériel médical comme des sondes, des protections à prendre à chaque fois et j’ai souvent peur de ne pas trouver cela dans les lieux où je me rends. Et bien sûr, je ne peux pas emporter mon fauteuil roulant partout… c’est compliqué en voiture, en train ou même en avion.
D’un point de vue professionnel, ma maladie m’handicape énormément. Du point de vue de la propreté, c’est délicat. Lorsque je travaille, il m’arrive d’avoir des fuites, et je dois donc me changer et avoir des toilettes à proximité. C’est très difficile pour moi de travailler en présentiel. C’est pourquoi je demande à être en télétravail à 100% mais mon entreprise refuse. Je me bats depuis quelques années…
Je porte une attelle au pied gauche depuis toujours. Je me déplaçais seulement avec une béquille depuis 2014. Aujourd'hui, je suis en fauteuil roulant depuis février 2024 car, depuis 2 ans, j'ai des problèmes de sensibilité au niveau de la jambe droite alors qu’avant je n’en avais jamais eu. Ma jambe droite était celle qui me portait, c’était ma jambe forte. J’ai toujours eu ma jambe gauche parésique (sans sensibilité du mollet au pied). Cela fut un choc quand, en février 2024, je n’ai plus du tout senti mes deux jambes et j’ai dû louer un fauteuil roulant manuel. Cela m’a beaucoup affectée, j’étais très mal les mois qui ont suivi. J’étais bien entourée par mes proches qui m’ont soutenue dans cette épreuve, heureusement. J’ai finalement accepté la situation, je suis allée de l’avant et je me suis dit que la vie continuait même en fauteuil et que c’était une épreuve de plus à laquelle je devais faire face. J’ai une grande capacité de résilience.
Vous avez créé la page Instagram « Happy Handi’ » en 2021. Dans quel but ? Quels sujets traitez-vous sur votre compte ? Pourquoi avoir fait le choix de parler de la maladie ? Qu’aimeriez-vous mettre en lumière au travers de vos messages ?
Oui j’ai créé ma page “Happy Handi” en 2021, cela fait donc 3 ans qu’elle existe et j’en suis fière. C’était pour moi une nécessité de parler du handicap. J’avais besoin de parler de ma maladie, des difficultés liées à mon handicap et de tout ce qui en incombe, de mes joies, de mes peines, de mes progrès. Je me posais plein de questions. Je sentais que j’avais vraiment besoin de partager avec d’autres. Dernièrement, je suis allée dans un centre de rééducation pour refaire de la kiné intensément et j’ai pu montrer à mes abonnés mes séances et les progrès que j’ai faits en une ou deux semaines.
Alors, quand j’ai commencé à créer ma page, j'étais motivée à montrer mon quotidien, à partager mes causes et les combats qui me tenaient à cœur. Je voulais vraiment sensibiliser au handicap, montrer que les gens différents sont comme les autres et peuvent nous inspirer. Mes modèles sont « Roro le costaud », Olivier Goy ou encore Théo Curin. J’ai acheté leurs livres pour mieux connaître leurs parcours. Ils sont vraiment très inspirants. Leur évolution est fulgurante et force le respect. J’adore m’inspirer de personnes handicapées qui se surpassent au quotidien malgré leur lourd handicap. Olivier Goy est une personne incroyable, la résilience absolue, une personne qui se bat pour faire connaître la maladie de Charcot. Je l’ai rencontré en 2023, notre rencontre m’a bouleversée. Puis, suite à un concours sur sa page, il m’a choisie pour me donner son scooter électrique. J’en ai été très émue. C’est l’une des rares personnes que l’on rencontre une fois dans sa vie et qui vous bouleverse à tout jamais. C’est aussi pour ces raisons que je me bats pour sensibiliser au handicap et mettre en lumière les personnes différentes.
Mes buts sur Happy Handi :
- Sensibiliser au handicap
- Montrer que les gens différents ont beaucoup à apporter
- Montrer mon quotidien de personne handicapée
- Parler de mes grands combats : l’inclusion, l’emploi des personnes handicapées, l’accessibilité
- Communiquer sur d’autres maladies : la trisomie 21, l’autisme, les maladies invisibles…
- Parler des parents d’enfants handicapés, de l’aidance, de la famille au sens large, de la fratrie, des enfants, des AESH, des infirmières et aides-soignants...
- Mettre en lumière des personnes handicapées à travers mes interviews.
- Montrer ma joie de vivre, prouver qu’on peut être handicapée et souriante.
Sur votre page « Happy Handi’ », vous donnez la parole, par le biais d’interviews, à d’autres patients. Pensez-vous qu’il est important, en tant que malade, de pouvoir s’informer auprès d’autres patients ? Pourquoi ?
Oui je le pense. C’est très important en tant que malade ou non de s’informer auprès d’autres patients. A travers le témoignage d’un malade, on peut apprendre beaucoup. C’est très inspirant parfois aussi. Cela montre que les personnes handicapées sont capables de beaucoup de choses, elles se dépassent, elles nous impressionnent. Elles sont incroyables ! On peut comprendre la personne handicapée, on est en empathie avec elle quand on lit ou écoute son parcours.
Quels sont vos projets pour l’avenir et pour « Happy Handi’ » ?
Je voudrais faire évoluer mon compte Happy Handi sur Instagram. Je voudrais en faire un média, j’aimerais beaucoup plus tard faire des conférences en racontant mon parcours. Je voudrais toucher les gens. Je suis sûre que chacun a un parcours intéressant et en parler à d’autres peut faire évoluer les mentalités. En effet, on a tous une histoire, on a tous vécu, des choses plus ou moins difficiles et chacun peut en parler. Le vécu d’une personne peut servir à d’autres.
Depuis 2020, j’écris un livre racontant mon parcours, ma vie. Ce n’est pas facile d’être régulière sur l’écriture de mon livre. Je souhaite toucher le maximum de personnes. Mes proches m’encouragent beaucoup et me disent que j’ai un talent d'écriture. Et, bien sûr, je rêve de réaliser un film ou plusieurs, d’écrire les scénarios. Je rêve aussi un jour de réaliser des spectacles musicaux. Vous voyez, j’ai des milliers de rêves, je suis une femme qui a toujours une âme d’enfant et je continuerai toujours de rêver…
Enfin quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity et personnes qui vous lisent également touchés par un handicap visible ou invisible ?
Je donnerais le conseil de ne jamais s’arrêter de rêver, de toujours croire en ses rêves. Et surtout de profiter de la vie, de l’instant présent, de croire qu’on peut toujours améliorer sa vie. La vie peut être belle même avec un handicap visible ou invisible. Par ailleurs, il faut toujours s’informer sur votre maladie, sur les maladies en général, être ouvert d’esprit. Il faut rester positif et tout relativiser.
Un dernier mot ?
Merci à tous ceux qui m'ont lue jusqu’ici, c’est adorable. J’espère que mon témoignage vous aura touché et qu’il vous donnera envie de vous battre, d’être résilient(e). C’est important.
J’ai hâte que vous suiviez mes aventures sur @Happy Handi parce qu’il y a encore plein de belles choses que j’ai à partager. Le handicap est une cause qui me tient tellement à cœur.
A bientôt, merci du fond du cœur Carenity pour m’avoir permis de m’exprimer.
Cliquez sur J'aime et partagez vos réflexions et vos questions avec la communauté dans les commentaires ci-dessous !
Commentaires
Vous aimerez aussi
Doctoome vous permet de trouver le médecin ou le spécialiste qui vous correspond
17 juil. 2024 • 15 commentaires