Leucémie aiguë myéloblastique 3 : “La leucémie frappe souvent d’un coup !”
Publié le 14 mai 2021 • Par Candice Salomé
Lucie, membre de la communauté Carenity France, est atteinte d’une leucémie aiguë myéloblastique 3 et est actuellement en rémission. En manque d’informations sur sa pathologie, elle a décidé de créer un groupe Facebook de patients également touchés par cette pathologie plutôt rare.
Elle se livre dans son témoignage !
Bonjour Lucie, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Lucie, j’ai 43 ans, je n’ai pas d’enfant, mais un chéri et des animaux. J’habite dans la forêt des landes, au milieu des coucous, hiboux, écureuils, éperviers, chevreuils et sangliers. Aujourd’hui, j’aime ce calme et cette tranquillité. C'est un tout petit village, mes parents sont juste à côté. La vie s’écoule doucement.
Comment vous est venue l’idée de créer le groupe Facebook “Leucémie Aiguë Myéloïde LAM" ? Dans quel but ?
Je suis tombée malade en 2016. J’étais dans un des plus grands hôpitaux (Gustave Roussy, 13 étages de malades de différents cancers) et pourtant, je n’avais personne avec qui discuter de ma maladie. Je me sentais seule, incomprise et perdue.
Sur les forums de la Ligue contre le cancer ou de Laurette Fugain, j’avais rarement des réponses à mes questions. Je suis alors tombée sur le groupe Facebook Lymphome et Compagnie.
Le lymphome est aussi soigné par une greffe de moelle osseuse, mais ce n’était pas pareil. J’étais aussi sur un groupe dédié à la dépression, mais bon avec le mot cancer, c’est assez difficile pour des personnes dépressives, du coup j’osais pas trop parler non plus.
Il y avait des groupes dédiés à la leucémie mais soit c’était pour les enfants soit, les informations ne me convenaient pas, et puis c’était souvent des leucémies chroniques ou lymphoblastiques donc c’est encore différent. J’ai cherché des blogs, mais rien non plus…
Du coup, je me suis dis que j’allais faire ce dont j’avais envie. J’ai donc ouvert un groupe Facebook. Et là j’ai trouvé une famille extraordinaire emplie de patience, de gentillesse et d’amour !
Quand l’avez-vous créée ? Êtes-vous seule à gérer ce groupe ? Combien d’abonnés avez-vous sur votre page Facebook ? De quoi parlent-ils entre eux ? Qu’est-ce que cela vous apporte au quotidien ?
J’ai créé le groupe quelques mois après avoir repris le travail en 2017. C’était tellement dur de reprendre le dessus. Au bout d’un moment, d’autres personnes ont commencé à intervenir régulièrement. Je leur ai proposé d’administrer le groupe avec moi. On s’est fait un groupe messenger (discussion) où l’on décide de ce qu’on accepte ou pas, on surveille les publications et, surtout, on apporte une réponse à tout le monde, du mieux qu’on peut.
Aujourd’hui, nous sommes 998 membres sur ce groupe, le nombre augmente de plus en plus vite.
Malheureusement, dans la liste, il y a des personnes décédées que je n’ai pas exclues car parfois la famille reprend le compte et pose des questions.
Les sujets sont très variés : les angoisses des membres, les informations concernant la greffe, des conseils sur l’achat d’une perruque, des renseignements sur les traitements et leurs effets secondaires, ou encore des sujets liés à la sexualité, la beauté, la banque… la vie quotidienne avec les difficultés qu’ajoute la maladie !
Pour moi, ça a été salvateur, parce que ça m’oblige à voir le positif. A force de dire des choses positives, je finis par y croire. Et puis, tous les jours, je reçois des remerciements, je me sens utile.
Je sais que mon épreuve m’a permis d’apprendre et d’en faire quelque chose de bien pour les autres .
Gérer ce groupe me prend du temps car je me connecte tous les jours.
Parfois, il y a des moments tristes car on s’attache à certaines personnes.
Que pensez-vous que les groupes de partage comme Carenity ou “Leucémie Aiguë Myéloïde LAM" peuvent apporter aux patients atteints de maladies chroniques ?
Certains groupes sont très chouettes, par contre souvent les gens ne restent pas, parce qu’il n’y a pas d’accueil personnalisé. Quand quelqu’un s’abonne à mon groupe, il a au moins ma réponse, mon histoire. Quand je ne sais pas répondre aux membres, je cherche sur Internet ou le Vidal, ou encore sur Google scolaire pour les statistiques.
Suite à une greffe, ou un gros traitement de cancer, on reste un peu un malade chronique et sur le groupe j’essaie de proposer des occupations, de faire voir de belles choses, pour s’accrocher à la vie. Et tous les messages d’amour sont très réconfortants, ne plus se sentir seul, c’est réconfortant, et aider à son tour, c’est valorisant !
Êtes-vous vous-même atteinte de la leucémie aiguë myéloïde ? Quel est l’impact de la maladie sur votre vie quotidienne ? Pourriez-vous nous parler des symptômes de cette pathologie ?
Je suis en rémission depuis juillet 2016, j’ai fini les traitements d’entretien en 2018, je pourrais être déclarée officiellement guérie en 2023.
La maladie en elle-même n’a pas changé mon quotidien. Je n’ai plus de problèmes sanguins. Néanmoins, une semaine passée en réanimation et la chimio m’ont rendue très fatigable et ont diminué ma capacité d’attention.
Je gérais des projets informatiques, maintenant j’ai du mal à gérer les menus de la semaine ! La perte musculaire suite aux deux mois en chambre stérile me cause beaucoup de douleur, je n’ai pas retrouvé ma forme…
La leucémie aiguë frappe souvent d’un coup. En fait, les cellules sanguines fabriquées par la moelle dégénèrent. De fait, vous ne pouvez plus oxygéner vos organes parce qu’il n’y a pas de globules rouges. Cela accentue le phénomène des bleus parce qu’il n’y a pas de plaquettes. On attrape tous les virus car nous n’avons pas de globules blancs…
Pour quelles raisons avez-vous décidé de consulter votre médecin pour la leucémie aiguë myéloïde ? Quels étaient les premiers symptômes ? Combien de temps et de médecin rencontrés a-t-il fallu avant que le diagnostic soit posé ?
Je n’ai pas décidé de consulter mon médecin. Lorsque les symptômes arrivent : bleus, essoufflement… c’est déjà l‘heure des urgences.
Pour ma part, j’avais eu une thrombose un mois avant, en mai 2016, mais la prise de sang ne devait pas être si horrible car on m’a juste mis sous anticoagulant. Le 20 juin 2016, bien que fatiguée, je suis allée travailler. J’étais super fatiguée, du coup, je trainais un peu en pause, un peu aux toilettes, et là j’ai remarqué des pétéchies sur tout le corps. Je me suis dit “cool, je vais aller dormir à l’infirmerie de mon travail”. En fait, non, l'infirmière a appelé le Samu.
Aux urgences, je commençais à avoir mal à la tête et des vomissements. Au bout de 2 ou 3h, on m’a dit que c’était peut être une leucémie et on m’a transférée à Gustave Roussy.
Comment évaluez-vous votre prise en charge ? Pensez-vous que les médecins sont suffisamment informés au sujet de la leucémie aiguë myéloïde ? Vous ont-ils bien renseignée ?
Je pense que j’aurais pu m’éviter tous les problèmes de santé dus à la réanimation si j’avais été prise en charge lors de ma thrombose. Mais je n’avais pas de médecin traitant. Le laboratoire et la docteur qui m’a fait faire la prise de sang ne se sont pas occupés de moi. Bref, c’est passé inaperçu ! Le médecin qui m’a prescrit l’anticoagulant n’a pas refait de prise de sang, j’ai eu juste un arrêt de 15 jours.
C’est comme ça pour à peu près tout. Si on ne sait pas ce qu’on veut en allant chez le médecin, on est quasi sûr de ne pas être soigné… Et quand on sait, il faut l’amener avec subtilité pour avoir les bons examens sans vexer le docteur. Avec la Covid-19 c’est encore pire !
Êtes-vous sous traitement la pour leucémie aiguë myéloïde ? Est-ce efficace ? Ressentez-vous des effets secondaires liés au(x) traitement(s) ?
J’ai eu une LAM3 (leucémie aiguë promyélocytaire). Elle est très agressive, mais depuis quelques années, elle se guérit très bien grâce à une chimio longue mais pas trop forte : le trioxyde d'arsenic. Il y a très peu de cas de récidive. Je n’ai pas eu de greffe. Je suis très très chanceuse. Donc oui, c’est efficace.
Les effets secondaires, mise à part de passer quatre semaines d’affilée en hôpital de jour, c’était surtout un peu de nausées et des maux de tête.
A cause de la chimio d’induction, j’avais perdu mes cheveux et un peu de cils et ongles. C’était surtout la perte de muscle mon problème…
Quel(s) conseil(s) aimeriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par la leucémie ?
La leucémie se soigne de mieux en mieux, chaque jour qui passe permet de voir naître un nouveau protocole plus prometteur, le Car-T cells ou le Vidaza sauvent des vies.
Et les millions de personnes qui font don de leur moelle osseuse, c’est extraordinaire !
Nous avons beaucoup de chance en France, tout est pris en charge, on est inscrit sur la liste mondiale. Alors tous les espoirs sont permis. Même si c’est les montagnes russes : fièvre, aplasie, réanimation… même après plusieurs rechutes, ils sont nombreux à continuer leur vie, fonder une famille et sont fiers de ce qu’ils sont devenus.
Il faut y croire, tant qu’il y a un traitement, il faut y croire !
Un dernier mot ?
Souvent le cancer fait peur, c’est « la mort », et oui c’est le cas bien plus souvent qu’on ne le voudrait. C’est aussi une épreuve qui recentre sur les vraies valeurs : la famille, l’amour, un rayon de soleil….
Cette épreuve vous permet d’être plus compréhensif et plus sensible à ce monde. Et donc, il ne vous reste plus qu’à lui donner un sens, à devenir un porteur de lumière ! Même si, au début, c’est surtout la colère et l’injustice qui vous hantent, après vous verrez que le monde vous apparaîtra différemment.
Si vous souhaitez rejoindre le groupe Facebook, cliquez ici : Leucémie Aigue Myeloide LAM
Merci encore à Lucie d’avoir témoigné pour Carenity !
Ce témoignage vous a-t-il été utile ?
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Prenez soin de vous !