Diabète de type 1 : “Je souhaite libérer la parole au sujet de la charge mentale et émotionnelle liée à la maladie.”
Publié le 30 août 2023 • Par Candice Salomé
Cloé, dite @1.12gl sur les réseaux sociaux, est atteinte du diabète de type 1 depuis ses 14 ans. Ne connaissant pas la maladie, lors de l’annonce de son diagnostic, elle s’est demandé ce qu’allait être son avenir.
Depuis, elle a appris à gérer son diabète et s’est engagée auprès d’autres patientes atteintes, en fondant l’association Les Déesses Sucrées, en écrivant un livre et en libérant la parole autour de la charge mentale et émotionnelle liée au diabète de type 1. Elle se livre dans son témoignage pour Carenity.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Cloé, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Cloé et j’ai bientôt 31 ans. Après 8 ans de riches expériences professionnelles et personnelles à Paris, je m’apprête à reposer bagages à Rouen, d’où je viens, pour entamer une formation en vue d’une reconversion professionnelle.
Je me définis comme une personne très engagée : en plus d’être investie sur la sphère diabète, je suis une fervente protectrice des animaux. Ce qui me fait vibrer dans la vie : la musique, le mouvement en règle générale (je fais beaucoup de sport), les pratiques bien-être (yoga, méditation), l’univers du tatouage, et l’histoire (je suis passionnée par l’Egypte antique depuis l’enfance). Je me définis également comme quelqu’un de spirituel, je crois beaucoup en l’univers et en l’incroyable pouvoir du développement personnel dans nos vies.
Vous êtes atteinte de diabète de type 1. Pourriez-vous nous dire quelles ont été les premières manifestations de la maladie ? Quel âge aviez-vous ? Comment vous et/ou vos parents avez réagi ?
J’avais 14 ans à l’époque du diagnostic, et je pratiquais la danse à haut niveau (j’étais au conservatoire de Rouen). Les mois qui ont précédé la terrible nouvelle, j’avais perdu beaucoup de poids, j’étais épuisée et buvais des quantités astronomiques d’eau. J’étais à la ramasse du matin au soir, et me sentais constamment incapable d’aller au bout de mes tâches et de mes mouvements.
Mes parents ont été absolument dévastés, comme la majorité des parents qui traversent cette épreuve. En plus de l’incrédulité et du refus d’accepter la fatalité, la culpabilité les a accompagnés pendant un bon moment : je crois qu’instinctivement, nos parents se disent qu’ils ont une part de responsabilité dans l’histoire…
Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ? Combien de médecins avez-vous rencontrés ? Quels examens avez-vous dû passer ?
Ça a été extrêmement rapide. J’ai fait une prise de sang et le verdict est tombé. Ce qu’il faut savoir, c’est que c’est ma mère qui a insisté auprès de notre médecin de famille pour qu’on me fasse cette prise de sang, en lui expliquant qu’elle avait de sérieux doutes. Lui, n’y croyait pas : “vous n’allez quand même pas coller un diabète sur le dos de votre fille, quand même…”
Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de ce diagnostic ? Vous y attendiez-vous ? Compreniez-vous ce qu’il vous arrivait ? Avez-vous pu recevoir toute l’information utile à la compréhension de la maladie ?
Je suis tombée par terre, littéralement. Les premières questions qui me sont venues en tête ont été “mais qu’est-ce que je vais devenir ? Que va être ma vie ? Est-ce que je vais mourir ?”
Je n’aurais jamais pu croire au fait que je deviendrai diabétique un jour et j’espérais vraiment que ça ne soit pas ça, mais avant d’avoir le résultat de la prise de sang, je me doutais que quelque chose n’allait pas. Je le sentais au fond de moi. Donc, je n’ai été qu’à moitié surprise.
Je pense que je n’ai pas bien réalisé ce qui se passait pendant mon hospitalisation. J’étais là sans l’être. J’ai reçu une quantité d’informations qui a été très difficile à absorber, jour après jour. Même si je me souviens assez peu de ce moment de vie, je me dis aujourd’hui (avec toute l’expertise que j’ai acquise) que certaines choses ont été omises dans la manière dont les médecins nous ont présenté la maladie.
Quelle est votre prise en charge actuelle ? Qu’en pensez-vous ? Quels sont vos traitements ? En êtes-vous satisfaite ?
Aujourd’hui, j’ai une pompe filaire (T-slim) couplée avec un capteur de glycémie (Dexcom) en boucle fermée. Après plusieurs années à errer dans Paris à la recherche DU diabétologue de ma vie, je suis tombée sur une équipe exceptionnelle (à l’écoute, disponible, généreuse) à l’APHP Georges Pompidou à Paris. Je suis très satisfaite du soutien qu’elle m’apporte, sur plusieurs segments. Par contre, je n’en démords pas : il y a un vrai problème de prise en charge sur la sphère psycho-émotionnelle. Notre charge mentale n’est pas abordée / appréhendée assez concrètement par les médecins, ce qui est déplorable.
Quel est ou a été l’impact du diabète de type 1 sur votre scolarité, votre vie professionnelle et sociale ? Qu’est-ce qui est, selon vous, le plus dérangeant au quotidien avec le diabète de type 1 ?
Le diabète a un impact dans notre vie de tous les jours, sur tout, tout le temps.
A titre personnel, au début et pendant un long moment, la maladie a eu l’ascendant sur moi. Elle a réussi à me faire perdre mon humanité en route, m’a transformée en robot. J’ai souffert de sérieux troubles du comportement alimentaire (anorexie mentale) à l’époque où j’étais à l’université et je me suis totalement désociabilisée, tout ça pour être sûre de gérer mon diabète au mieux.
A l’époque, je ne me rendais pas compte de ce qui se passait réellement : c’était mon diabète qui me contrôlait, et pas l’inverse. Aujourd’hui, même si ça va largement mieux, je dirais que le challenge pour nous est de devoir s’adapter à toutes les situations de vie. S’adapter aux autres et aux circonstances. Accepter l’imprévu, les sorties de zone de confort, les pertes de repères. Faire avec ce qu’on a. Réussir à se sentir normal malgré tout ce qui nous rend différent des autres.
Désormais, vous parlez du diabète de type 1 sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui vous y a poussé ? Quels messages souhaitez-vous transmettre à vos abonnés ? Et quels sont leurs retours ?
J’ai effectivement rejoint la communauté diabète sur Instagram en même temps que la sortie de mon livre. Mon but a toujours été le même : libérer la parole au sujet de la charge mentale et émotionnelle liée à la maladie.
Parler des galères et des difficultés sans tabou, sans toutefois être négative ou plombante, juste humble. C’est mon positionnement. J’aime les mots, et encore plus les placer sur des maux. Je suis contente que mon contenu parle aux gens, les réconforte et les fait se sentir moins seuls.
Vous êtes Présidente de l’association Les Déesses Sucrées. Quelles sont les missions de l’association ? Depuis quand existe-t-elle ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous investir dans le milieu associatif ?
Le projet a d’abord vu le jour sous la forme d’un collectif, en septembre 2021. Puis, en août 2022, nous l’avons transformé en association à but non lucratif. Cette dernière soutient, connecte et inspire les femmes françaises diabétiques de type 1 par le biais d’un programme événementiel varié, de propositions de thérapies collectives et grâce au partage de contenus structurés en lien avec la charge mentale et le vécu psycho-émotionnel de la maladie. Elle cherche à empouvoirer la femme DT1 et lui donner toutes les clés pour vivre une vie épanouie avec la maladie.
Notre souhait est simple : que plus jamais aucune femme ne souffre seule de sa maladie.
Vous êtes auteure d’un livre intitulé « 1,12 gl, Ma Vie avec le Diabète » publié aux éditions Éllébore, pourriez-vous nous en parler ?
Ce livre existe parce que j’ai ressenti le besoin viscéral de raconter mon histoire, d’extraire toute la souffrance que j’avais accumulée pendant plus de 10 ans, sans la partager avec quiconque.
Les enjeux étaient multiples pour moi : d’abord me faire du bien (ça a été une expérience salvatrice très importante dans mon développement personnel) puis, sensibiliser les gens, peu importe leur rapport au diabète de type 1, qu’ils soient accompagnants, médecins ou juste curieux.
Puis, bien-sûr, par cette initiative, j’ai essayé d’apporter tout le soutien et l’amour du monde à mes frères et sœurs de combat. Avec ce livre, je leur délivre un message sincère : tu n’es pas seul, je te comprends, je sais. Je suis d’autant plus fière qu’il soit publié parce qu’il n’existe que très peu d’ouvrages qui abordent clairement la charge mentale relative à cette maladie, alors que c’est sûrement le cadeau le plus empoisonné qu’elle offre à la personne en lui tombant dessus !
Quels sont vos projets pour l'avenir ?
Continuer sur ma lancée. Développer l’association, faire en sorte qu’elle devienne une référence, un filet de sauvetage pour toutes les femmes atteintes d’un diabète de type 1. A titre personnel, je vais aussi entamer une reconversion professionnelle afin de devenir psychopraticienne, avec l’objectif de me spécialiser dans le diabète de type 1 et les troubles anxieux / obsessionnels corrélés.
Quels conseils pourriez-vous donner aux membres Carenity également touchés par le diabète de type 1 ?
Je les encourage d’abord à devenir responsables dans la gestion de la maladie et de s’assurer d’avoir toutes les clés de compréhension de cette dernière. L’éducation est la clé, la base.
Ensuite, je dirais qu’il faut à tout prix nourrir ses aspirations et ses passions plutôt que s’enfoncer dans la gestion de la maladie et oublier de vivre : c’est essentiel d’avoir une vision, une mission, un objectif qui donne envie d’avancer, et en même temps, de s’assurer des moments d’évasion et de décompression grâce aux choses qu’on aime et qui nous font vibrer.
Puis, il y a le soutien, qui est fondamental : il faut s’entourer des bonnes personnes, ne pas hésiter à parler de la maladie avec ses proches, et enfin, s’ancrer dans la communauté diabète existante. Rien ne fait autant de bien que d’avoir dans son écosystème relationnel des gens qui vivent la même chose !
Un dernier mot ?
(Re)devenir le souverain de sa vie et oser s’incarner pleinement, c’est une des plus belles leçons que le diabète m’a apprises. Cette dysfonctionnalité du pancréas est une particularité chez nous, mais il ne nous définit pas ! Il ne nous empêche de rien, il nous “permet de”, en nous rendant plus forts sur tellement d'aspects. Soyons à l’écoute de notre corps, priorisons-nous, faisons les bons choix pour notre santé physique et mentale, mais sans jamais nous soumettre. Rappelons-nous que nous faisons de notre mieux tous les jours pour faire le travail d’un organe, et pourtant vous n’avions rien demandé à personne : c’est déjà énorme !
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