Le goût pour le sucré est-il inné ?
Publié le 21 déc. 2015
La préférence des bébés pour le sucre, dès la naissance, évoque un caractère inné. Mais il ne faut pas oublier que l'éducation au goût commence aussi très tôt, «in utero».
Ce n'est pas un hasard si les bébés indiens adoptent facilement le curry après le sevrage. Pendant plusieurs mois, le liquide amniotique, dans lequel ils ont baigné leur a transmis les saveurs des repas de leur mère. C'est ainsi que, dès la grossesse, commencent à se forger les préférences gustatives pour les saveurs les plus variées et les différentes épices.
Il y a cependant une attirance que tous les bébés du monde partagent: le goût sucré. Comme l'a prouvé le biologiste israélien Jacob Steiner voilà plus de quarante ans, un nouveau-né asiatique, africain ou européen, qui n'a encore rien avalé de sa vie, réagit toujours par une mimique de plaisir quand on lui fait goûter un liquide sucré. C'est inné. Son visage se détend, il se lèche les lèvres. Ou bien il se met à téter de façon vigoureuse et proportionnelle au taux de sucre. À rebours, le goût amer déclenche immanquablement des grimaces ou des pleurs. Forts de ce constat, les pédiatres ont d'ailleurs pris l'habitude d'administrer de l'eau sucrée aux nourrissons avant de réaliser un geste médical douloureux. L'observation des pleurs et du rythme cardiaque confirme que l'eau sucrée leur procure un plaisir qui atténue la douleur d'une vaccination.
Accoutumance ou addiction ?
Est-ce cette recherche du plaisir qui explique la préférence pour le sucré? Il a été démontré que l'ingestion de sucre active le circuit cérébral de la récompense. De nombreux scientifiques estiment que le goût a une fonction adaptative: il permet à l'individu, et donc à l'espèce, de privilégier les nourritures qui garantissent sa survie. Le sucré (et le gras) signale des aliments bien plus riches en calories que les légumes, tandis que les saveurs amères peuvent, pour leur part, signaler des substances non consommables ou toxiques.
Les individus qui avaient le palais assez développé pour différencier les saveurs et le «bon goût» de préférer le sucre auraient vécu plus longtemps et transmis cette aptitude à leur descendance. Il reste qu'avec l'âge, l'effet antidouleur et l'appétence pour le sucre s'atténuent. Ils tendent à disparaître vers 3 mois, sauf si l'on double le taux de sucre dans l'eau. Et au-delà de 6 mois, le sucré n'a pas forcément plus d'attraits que le salé.
Si les enfants et adolescents ont le bec sucré c'est parce qu'il leur apporte une énergie bienvenue en pleine croissance, mais aussi à cause de leur éducation au goût: bonbons, confiseries… C'est en faisant avaler de façon répétée des aliments sucrés à nos bébés, d'abord, puis aux jeunes enfants ensuite, que nous renforçons leur goût pour le sucre. Une attirance qui évoque d'ailleurs, pour certains spécialistes, l'addiction aux drogues, qui passent elles aussi par le circuit cérébral de la récompense.
La preuve ? Le nourrisson qui a souvent bu de l'eau sucrée continue à en raffoler à 6 mois alors que le bébé qui n'a eu que du lait abandonne naturellement sa préférence congénitale pour le sucre. Attention toutefois à ne pas tomber dans l'excès inverse et à bannir toute sucrerie de l'alimentation des jeunes enfants. D'après des nutritionnistes néerlandais, lorsque les parents restreignent trop la consommation de sucre, ils finissent par accentuer le goût des enfants pour cette saveur interdite.
Le Figaro Santé
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