Bien suivre son traitement ne va pas de soi
Publié le 6 mars 2015
Oublier un comprimé, diminuer le nombre de prises, ne pas prendre son traitement le temps d'un week-end ou encore l'arrêter avant l'heure… Qui peut se vanter de ne jamais avoir dérogé à la prescription médicale? Résultat: 25 % des médicaments prescrits par les médecins ne sont jamais consommés. Un mauvais suivi des traitements qui serait responsable de 12.000 décès par an, selon l'extrapolation du cabinet de conseil en santé Jalma.
Ce chiffre alarmant vient rappeler que la mauvaise observance, comme l'appellent les médecins, ne concerne pas uniquement angines et autres grippes, mais touche bien souvent des maladies graves. Par exemple, deux ans après l'opération, 66 % des transplantés rénaux ne suivent pas parfaitement leur traitement pour éviter le rejet du greffon. «L'inobservance est la première cause de rejet dans la greffe rénale chez l'adolescent et l'adulte jeune», insiste le Pr Michel Tsimaratos, pédiatre néphrologue à l'hôpital de la Timone à Marseille.
Autre exemple emblématique, la leucémie myéloïde chronique (LMC). Jusqu'à l'apparition du Glivec dans les années 2000, elle tuait les malades en quelques mois. Depuis, à condition de prendre un comprimé tous les matins, cette terrible maladie est devenue chronique. Or une étude italienne a montré que seulement 14 % des malades suivaient correctement leur traitement! «Nous nous sommes rendu compte que l'amélioration du pronostic et la simplification du traitement ont banalisé notre discours. La LMC n'est plus appréhendée comme une maladie grave», explique le Dr Agnès Guerci-Bresler, hématologue à l'hôpital de Nancy. «L'inobservance peut être intentionnelle: les malades vont interrompre leur traitement huit jours, le temps de vacances, puis prendre deux doses par jour juste avant de venir nous voir. Mais elle est aussi souvent non intentionnelle: le patient oublie de prendre son comprimé le matin», raconte le Dr Agnès Guerci-Bresler.
Un taux stable
Comme pour le sida, il y a quelques années, lors de l'arrivée des trithérapies, la LMC ne représente plus une urgence vitale pour les malades. En endossant le statut de maladies chroniques, elle entraîne des comportements de non-observance bien étudiés depuis des années dans des pathologies comme l'hypertension ou le diabète. Ainsi, seulement 37 % des diabétiques et 40 % des hypertendus respectent les indications des médecins à la lettre, selon une enquête menée il y a trois mois par la société IMS Health.
Des taux d'observance qui n'évoluent pas depuis des années. Pourquoi? Il existe parfois des problèmes de compréhension, notamment au début de la maladie «L'hypertension est souvent la première pathologie chronique découverte chez une personne. Cette dernière peut ne pas comprendre que son traitement est à prendre sur le long terme, dès que sa tension est normale, elle arrête le médicament», explique le Pr Jean-Jacques Mourad, cardiologue à l'hôpital Avicenne de Bobigny. La longueur des ordonnances et le nombre de prises par jour influent aussi sur le suivi ou non du traitement. «En pédiatrie, des études montrent une observance de 20 % lorsqu'il y a quatre prises par jour et de 30 % lorsqu'elles tombent à trois», illustre le Pr Tsimaratos.
«La non-observance est naturelle»
Mais d'autres facteurs plus complexes et plus intimes entrent aussi en ligne de compte. «En fait, c'est la non-observance qui est naturelle. Être observant nécessite un effort pour une récompense lointaine et abstraite: être en bonne santé, éviter des complications. Et tous, nous ne faisons pas toujours ce que nous savons que nous devrions faire. Regardez le nombre de médecins qui fument», analyse le Pr Gérard Reach, diabétologue à l'hôpital Avicenne à Bobigny et auteur d'ouvrages sur l'observance. En fait, l'observance serait avant tout une question de personnalité. Ainsi, les personnes qui attachent leur ceinture lorsqu'elles montent dans un taxi sont plus volontiers observantes, selon une enquête menée par le Pr Reach. À l'inverse, celles qui, dans une expérience menée en neuroéconomie, préfèrent gagner un peu d'argent immédiatement plutôt qu'une grosse somme ultérieurement se révèlent moins observantes.
«Nous devons donc adapter notre discours et, parfois, trouver des motifs de récompenses concrets et immédiats. Pour un patient diabétique qui doit perdre du poids, plutôt que d'aborder le risque de complications, parlons-lui des vêtements dans lesquels il va pouvoir renter…», explique Gérard Reach.
Enfin, selon ce spécialiste, il faut aussi reconnaître au malade le droit de ne pas suivre son traitement. Une façon, en lui donnant la possibilité d'exercer sa capacité de choisir, de le rendre autonome: «En un mot, montrer qu'on traite non pas un “malade”, mais une personne», conclut Gérard Reach.
Le Figaro Santé
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