SEP et cannabis thérapeutique : quels sont les usages des patients en France et en Espagne ?
Publié le 3 janv. 2020 • Par Louise Bollecker
Evaluer la consommation de cannabis à des fins thérapeutiques dans la SEP, évaluer son impact sur les symptômes des patients et comparer les résultats entre deux pays aux législations différentes - la France et l’Espagne, tel était l'objectif de l'enquête Carenity, menée d'avril à juillet 2019 sur nos plateformes françaises et espagnoles.
Sujet de société qui suscite la polémique, l'expérimentation du cannabis thérapeute divise et intrigue. Mais qu'en pensent véritablement les patients eux-mêmes ? Nous avons demandé l'avis des membres de Carenity qui en consomment déjà.
La France et l'Espagne, deux pays aux législations différentes
Afin de comprendre les usages des patients vis-à-vis du cannabis thérapeutique, nous avons choisi d'analyser deux pays aux législations très différentes. La France interdit la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi de cannabis thérapeutique ; elle autorise seulement les variétés de Cannabis sativa L. qui ont une teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol inférieure à 0,20%. Si l'Espagne interdit le cannabis à des fins commerciale, elle autorise la culture à des fins personnelles (consommation personnelle et utilisation à d'autres fins que la vente ou le commerce).
Le profil des répondants à notre enquête
Les patients atteints de SEP qui ont répondu à notre enquête sont majoritairement des femmes (73%) et ont en moyenne 47 ans. Leur diagnostic a été posé il y a 12 ans en moyenne.
Une majorité des répondants est atteint de SEP-RR, c'est-à-dire de sclérose en plaques récurrente-rémittente. Elle est caractérisée par des moments d'apparition de nouveaux symptômes ou d'aggravation des symptômes existants, que l'on appelle des poussées, suivis par des périodes de rétablissement. Les poussées peuvent entraîner des troubles persistants, même une fois en rémission. Il s'agit de la forme la plus fréquente de la maladie.
Nous avons également cherché à mesurer la sévérité de la maladie de nos répondants, afin d'évaluer le rapport entre usage du cannabis et sévérité des symptômes. Seuls 5,5% des répondants ne jugent pas leur maladie sévère ; près de 12% doivent en revanche utiliser une canne pour se déplacer et 73% sont atteints de spasticité musculaire comme conséquence de leur sclérose en plaques.
La douleur causée par la sclérose en plaques
La SEP entraîne des niveaux de douleur variés chez nos répondants. Le score moyen de douleurs est de 4,1/10. 37% des répondants ont mis une note supérieure ou égale à 6/10.
L'utilisation du cannabis thérapeutique
22% des répondants à notre enquête utilisent du cannabis thérapeutique. Il est important de noter que la législation ne semble pas avoir d'effet sur ce nombre, puisque 23% des répondants français déclarent en utiliser, contre 20% des répondants espagnols. En moyenne, les patients en consomment depuis près de 4 ans. On note en revanche que les hommes en consomment plus que les femmes. Plus la SEP est sévère et plus la consommation augmente.
La forme utilisée
Contrairement au nombre de consommateurs, la législation a ici un effet sur la forme de cannabis utilisée ; les médicaments étant autorisés en Espagne, ils sont bien plus utilisés qu'en France (41% vs 5%). L'herbe (et résine) est toutefois largement utilisée dans les deux pays.
La fréquence de consommation
Il n'y a pas non plus de différence significative quant à la fréquence d'utilisation : 70% en utilisent au moins une fois par jour (69% en France et 72% en Espagne), 18% au moins une fois par semaine, 5% au moins une fois tous les 6 mois et 5% moins d'une fois tous les 6 mois.
Quelle est l'efficacité du cannabis thérapeutique ?
Sur la vie quotidienne en général
Les répondants soulignent un apport positif de l’usage du cannabis aussi bien sur le quotidien en général (77%) que sur leur moral (66%) et les vies professionnel, sociale, familiale et intime à plus de 41%.
Sur les symptômes de la SEP en particulier
Les répondants soulignent un apport positif de l’usage du cannabis sur de nombreux symptômes de la SEP, majoritairement sur les troubles de sommeil et spasticité (76%) mais aussi sur leurs troubles de la sensibilité (60%) et fatigue (56%). 68% des répondants sont convaincus que le cannabis est plus efficace pour lutter contre la douleur que les antidouleurs habituels, ce qui a permis à 65% d'entre eux de réduire leur consommation de médicaments. 75% déclarent ne pas se sentir dépendants : ils n'ont pas noté d'augmentation de leur consommation avec le temps, ni en quantité, ni en fréquence.
Quel avenir pour le cannabis thérapeutique ?
En France, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a autorisé l'expérimentation du cannabis thérapeutique ; l'Assemblée nationale a donné son accord en octobre 2019. L'expérimentation devrait durer 2 ans, auprès de près de 3000 patients souffrant de maladies graves pour qui les principes actifs comme le THC et le CBD peuvent être utiles.
Et vous, qu'en pensez-vous ? Êtes-vous favorable à une légalisation du cannabis à des fins médicales ? Avez-vous déjà essayé ?
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Cette enquête a été menée auprès des membres Carenity atteints de SEP et résidant en France ou en Espagne, du 11 avril au 7 juillet 2019. 641 questionnaires ont été complétés.
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