La maladie nosocomiale, une pathologie de proximité
Publié le 17 juin 2015
En Europe, les infections nosocomiales (contractées à l’hôpital) touchent 5 à 12 % des patients hospitalisés. Elles entraînent une mortalité accrue, des séjours hospitaliers prolongés et des traitements onéreux.
Cartographier les interactions
En 2009, 590 patients et professionnels de l’hôpital maritime de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais) ont pris part à l’expérience baptisée i-Bird, durant six mois, dont l’objectif était de déterminer les voies de propagation de certaines bactéries résistantes aux antibiotiques. Parmi elles, le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus), un agent infectieux redoutable, était suivi avec une attention particulière.
« Les participants ont été équipés d’un capteur sensitif sans fil (une puce RFID insérée dans un bracelet, agrafée à la blouse ou en tête de lit) enregistrant toutes les 30 secondes, de façon anonyme, toutes les personnes situées à moins de 1,50 m. Ceci a permis de cartographier toutes leurs interactions avec d’autres personnes au sein de l’hôpital », explique Didier Guillemot (Inserm, Institut Pasteur, UVSQ), à l’origine du projet avec Pierre-Yves Boëlle (UPMC) et Éric Fleury (Inria).
Étude du staphylocoque doré
En parallèle, des prélèvements nasaux étaient effectués toutes les semaines afin d’obtenir des données microbiologiques sur les portages et la diffusion de certains sous-groupes de staphylocoque doré résistant à l’antibiotique méticilline.
Pour la première fois, des chercheurs ont montré que la transmission des souches de staphylocoque doré suivait les chemins enregistrés dans le réseau des contacts. En clair, les contacts de proximité entre individus expliquent en grande partie la diffusion du staphylocoque doré.
Six ans d’études et des milliards de données
Un résultat qui peut paraître évident, mais qui, scientifiquement parlant, n’avait jamais été démontré auparavant. « Cette expérience a aussi abouti à la construction d’un modèle prédictif de diffusion utilisable pour d’autres bactéries (tuberculose) ou virus (grippe, diarrhée à rotavirus), et prévenir les propagations ou enrayer la transmission en cas d’épidémie », explique Didier Guillemot.
L’analyse des résultats de l’étude a duré six ans au lieu de deux, en raison des milliards de données à traiter : près de 85 000 interactions étaient enregistrées chaque jour par les capteurs. « Nous avons dû développer des algorithmes pour nettoyer toutes ces données et parvenir ensuite à les interpréter », explique Didier Guillemot.
Mesurer les contacts directs et non pas la proximité
L’expérience i-Bird s’est ici attachée à comprendre la transmission des maladies nosocomiales. « Il s’agit d’une expérience scientifique et non d’une application pratique pour résoudre les problèmes épidémiques », explique Didier Guillemot.
Afin d’en savoir plus en milieu chirurgical, post-chirurgical et en soins intensifs, les chercheurs vont devoir développer une technologie mesurant les contacts physiques directs (poignées de main, embrassades, contacts lors des soins), et non plus seulement la proximité entre les personnes. Ce travail a été publié dans la revue PLOS Computational Biology.
La-croix.com
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