La baisse des naissances inquiète les maternités
Publié le 7 janv. 2016
Les cliniques privées évoquent un manque à gagner important. Le nombre de naissances en France a encore baissé de 2,8 % en octobre.
Branle-bas de combat chez Natecia à Lyon. Cette maternité privée, la deuxième de France avec 4.556 bébés nés l'an dernier, a vu le nombre d'accouchements chuter depuis le début de l'année. On attendait une baisse, mais pas si brutale, explique Jean-Loup Durousset, le PDG du groupe Noalys et directeur de cette clinique : « Fin décembre, on a fait - 10 %, et on attend - 20 % en janvier-février », souligne l'ex-patron de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP). Soit 45 bébés de moins en novembre, et 107 de moins en décembre. « On peut parler d'un krach des naissances en 2015-2016 ! », extrapole-t-il.
Selon lui, d'autres établissements seraient touchés, à Nice, à Strasbourg, à Bourg-en-Bresse... Plusieurs dirigeants de maternités privées doivent se réunir en janvier pour tenter de mesurer le phénomène, et la FHP va faire remonter des informations auprès de ses adhérents. Les CHU, qui font beaucoup d'accouchements, seraient moins touchés, car ils ont souvent des listes d'attente, donc un réservoir de parturientes.
Quand le volume d'affaires diminue, les établissements ont moins de rentrées financières : de janvier à août, selon l'Assurance-maladie, les remboursements de soins dispensés dans les cliniques en obstétrique ont chuté de 4,9 %. Jean-Loup Durousset se prépare à restructurer sa maternité : « Les perspectives sont mauvaises pour 2016, nous allons probablement devoir lancer un plan de départs, ne garder que 30 ou 40 lits au lieu de 50... » Il demande que les sommes prévues pour rémunérer les naissances mais non consommées soient affectées à la restructuration des maternités plutôt que d'être rendues à l'Etat : « A raison de 3.000 euros par accouchement, si nous avons 40.000 naissances en moins dans l'année, cela permettra de dégager 120 millions d'euros », avance-t-il, en faisant l'hypothèse d'une baisse d'environ 5 % l'an.
« Moins de femmes en âge de procréer »
Durant les neuf premiers mois de l'année, le nombre de naissances a baissé de 2,75 %, soit 16.000 de moins que l'année précédente. En octobre, l'Insee évalue la baisse à 2,8 % (par rapport à octobre 2015), c'est-à-dire - 1.800, alors que la population totale continue à augmenter. Cet effritement ne surprend pas François Héran, à l'Institut national des études démographiques : « La deuxième vague du baby-boom a déjà donné naissance à ses enfants ; il est normal qu'il y ait un creux de la natalité, puisqu'il y a moins de femmes en âge de procréer », relativise-t-il.
Pour Jean-Loup Durousset, la baisse du nombre de naissances découle en grande partie de la morosité actuelle, parce que la maternité est « sociologiquement sensible ». « A la crise économique que nous vivons depuis 2008 vient de s'ajouter le traumatisme des attentats de janvier, puis de décembre, qui crée une nouvelle incertitude à lever avant de s'engager dans une vie à enfants multiples », affirme-t-il. François Héran doute de cette thèse : « J'ai du mal à croire à l'effet des attentats. Il faut des chocs très forts pour en arriver là. On peut aussi imaginer à l'inverse que ces événements ont provoqué un sursaut de la société », expose-t-il.
Les statistiques officielles renforcent son optimisme relatif : « Depuis 2008, le taux de fécondité est stable, autour de 2 enfants par femme en âge de procréer. Il n'y a aucun signe de fléchissement, ce qui montre que la grande récession n'a pas eu d'effet sur le comportement », assure-t-il.
Les jeunes femmes continuent à avoir autant d'enfants qu'auparavant, perpétuant l'exception française au sein d'un continent où le renouvellement des générations est de moins en moins assuré. « La grande récession a fait chuter la fécondité là où il n'existait pas de politique familiale, mais en France, au contraire, le système a montré sa capacité de résistance aux chocs extérieurs », souligne François Héran.
LesEchos.fr
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