Scoliose : la chasse aux idées fausses
Publié le 21 déc. 2015
La déformation complexe de la colonne vertébrale n'est pas liée à la posture ni aux cartables trop lourds, mais est probablement d'origine génétique. Elle doit d'abord être traitée par corset si elle évolue.
Entre l'âge de 10 et 16 ans, on estime que 1 % à 3 % des adolescents sont atteints de scoliose. Mais le diagnostic de cette déformation de la colonne vertébrale est parfois posé avec retard. Un comble pour une maladie qui peut être repérée en moins d'une minute par un examen simple que les parents peuvent réaliser eux-mêmes. Il suffit de demander à l'enfant de se pencher jambes tendues et jointes, mains entre les genoux. Une asymétrie éventuelle du dos est alors évidente.
Un constat qui a poussé la Fondation Yves Cotrel pour la recherche en pathologie rachidienne, qui organisait une table ronde à Paris (3 décembre), à insérer une vidéo explicative sur la page d'accueil de son site.
Car la déformation de la scoliose est plus complexe qu'il n'y paraît: «Ce n'est pas seulement une inclinaison latérale, explique le Pr Michel Guillaumat, chirurgien orthopédique, ancien chef de service à l'hôpital Paris Saint-Joseph, c'est une déformation tridimensionnelle. L'élément le plus important est la rotation des vertèbres les unes par rapport aux autres.»
Quant à la cause, mystère! D'ailleurs les médecins parlent de scoliose «idiopathique», ce qui signifie que la cause est… inconnue. Des pistes, génétiques, existent toutefois et, en 2011, un généticien français du CHU de Lyon, le Pr Patrick Edery, a identifié deux gènes responsables de certaines formes familiales de scoliose idiopathique. Le fait qu'un enfant ait dix fois plus de risques d'avoir la maladie lorsque l'un de ses parents en est atteint plaide aussi pour une cause génétique.
«Ne pas interdire le sport»
Les multiples hypothèses sur l'origine de la scoliose suscitent cependant des idées fausses à rectifier. «Il n'y a aucune incidence des habitudes de vie, bonnes ou mauvaises, sur l'évolution de la scoliose», explique ainsi le Pr Guillaumat. N'allez donc pas accuser les cartables trop lourds. S'ils doivent être évités, ce n'est pas pour empêcher la scoliose ou son aggravation mais pour des douleurs musculaires. Les mauvaises postures sont aussi incriminées, à tort, par 63 % des parents selon un sondage réalisé par l'hebdomadaire médical Le Généraliste auprès de ses lecteurs.
Même chose pour le sport. «Ce n'est pas parce qu'il y a une scoliose qu'il faut interdire le sport, explique le Pr Guillaumat. Au contraire!» Est-ce vrai pour tous les sports? «Aucun sport n'est meilleur ni plus mauvais qu'un autre, ajoute-t-il, l'essentiel est que l'enfant soit motivé pour le faire régulièrement et intensément.» En pratique, tant qu'un enfant n'a pas mal, il n'y a pas de raison de le priver de son sport préféré, il faut même l'encourager: «Je préconise le sport de façon intense et répétée», insiste le Pr Guillaumat.
Pour le Dr Catherine Freydt, médecin généraliste à Chatou, «ce n'est pas le dépistage de la scoliose qui est difficile, c'est l'appréciation de son évolutivité». Souvent, une affaire de spécialiste. Car une fois les causes possibles de scoliose secondaire (maladie neurologique ou malformative, etc.) écartées, l'enjeu est de trier les scolioses évolutives qui seront alors à traiter le plus précocement possible par corset, voire par chirurgie en cas d'échec. Lorsqu'elle s'accompagne de douleurs, il faut aussi faire quelques examens, car la scoliose elle-même n'est généralement pas douloureuse.
La chirurgie en dernier recours
«Il y a désormais des techniques radiographiques avec dix fois moins d'irradiations, comme le système EOS», précise le Pr Guillaumat. «Le principal critère qui va déterminer le recours à un corset est la preuve de l'évolutivité», explique le Dr Christine Guillet, médecin rééducateur au Centre de médecine physique et réadaptation du Vésinet. «Le corset va arrêter l'évolutivité au stade où est l'enfant, c'est pour cela qu'il ne faut pas attendre.» Quant à la kinésithérapie, parfois utile, «elle n'est pas un traitement de la scoliose et peut avantageusement être remplacée par une pratique sportive régulière», insiste le Pr Guillaumat.
Pour la chirurgie, en revanche, la prudence s'impose. Elle n'est proposée que lorsque la scoliose est avancée. «À partir de 40 ou 50 degrés car la déformation va continuer de s'aggraver, explique le Pr Christian Morin, chirurgien orthopédique pour enfants (Institut Calot, Berck-sur-Mer). Entre 20 et 40 degrés, la chirurgie n'entraîne pas énormément de différence sur la qualité de vie» par rapport au corset. Bien sûr, l'idéal serait de prédire dès le dépistage d'une scoliose laquelle risque d'évoluer et bénéficierait donc le plus d'un traitement précoce.
On en reste pour l'instant à quelques lignes directrices tirées de l'expérience. «Chaque scoliose évolue de façon linéaire avec une aggravation brutale au début de la puberté, souligne le Pr Guillaumat, Plus la scoliose a commencé tôt, plus elle risque d'être grave.» Ce qui ne signifie pas que l'opération est inéluctable. «Environ 1 % des scolioses évolutives seront opérées», estime le Pr Morin. Car la chirurgie de la scoliose n'est envisagée qu'en dernier recours.
Une chirurgie qui n'est pas exempte de complications, exceptionnellement graves (paralysie). «Le risque zéro n'existe pas», rappelle le Pr Guillaumat.
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Le Figaro Santé
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