11.400 décès par suicide chaque année en France
Publié le 4 déc. 2014
L’Observatoire national du suicide, créé en septembre 2013, publie son premier rapport, intitulé « Suicide, état des lieux des connaissances et perspectives de recherche ». La somme de plus de 220 pages, coordonnée par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) et la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) recense les données actuelles sur le suicide, destinées à renforcer la surveillance sanitaire, et trace les contours d’une prévention plus efficace.
Avec 1 décès sur 50 qui est un suicide, la France connaît l’un des taux les plus élevés d’Europe, après la Finlande, la Belgique et les pays de l’Est. En 2011, 11 400 morts volontaires ont été enregistrées en métropole, dont trois fois plus d’hommes.
Le taux de décès par suicide augmente avec l’âge : un tiers des suicidés ont plus de 60 ans. Mais la part du suicide dans la mortalité générale est la plus forte chez les jeunes : à 16 %, c’est la deuxième cause de décès des 15-24 ans derrière les accidents de la route.
Les tentatives de suicides (TS) conduisent chaque année 70 000 personnes à l’hôpital, pour 90 000 séjours ; 65 % sont des femmes, âgées de 15 à 19 ans, qui ont recours à l’auto-intoxication médicamenteuse. Les facteurs de risque sont, pour les 15-54 ans, avoir subi des violences physiques dans les 12 derniers mois pour les femmes et un faible niveau de revenu pour les hommes, mais aussi vivre seul et consommer des substances psychoactives.
Persistance des inégalités sociales
Les agriculteurs, employés, et ouvriers ont un risque de décéder par suicide deux à trois fois plus élevé que celui des cadres. Les détenus ont un taux de suicide en prison sept fois supérieur à celui observé pour les hommes en population générale.
Les TS sont plus fréquentes chez les hommes travaillant à temps partiel (6 % versus 2,9 %) et les intérimaires (7,6 % vs 3,1 % pour les CDI). Chez les salariés, les ouvriers sont les plus touchés (3,9 % pour les hommes, 12,5 % pour les femmes), à l’inverse des cadres (2,2 % pour les hommes, 4,2 % pour les femmes).
Les personnels du secteur de la santé et de l’action sociale sont davantage concernés par le suicide que les autres professionnels, même si peu de données fiables existent aujourd’hui sur les risques psychosociaux.
Les inégalités sont aussi régionales, avec de forts taux en Bretagne, Basse-Normandie, Nord - Pas-de- Calais, et Champagne, alors que le Midi-Pyrénées, le Rhône - Alpes et l’Alsace sont relativement épargnés.
Parmi les populations vulnérables, l’ONS cite les adolescents (2,2 % d’un échantillon de 27 400 ont fait au moins une TS, l’âge de la première est à 14,4 ans, et 10,7 % ont eu des idées suicidaires), les personnes sans domicile (22 % déclarent avoir fait une TS) et les détenus (risque suicidaire pour 40 % des hommes, et 62 % des femmes détenues). Les personnes âgées se distinguent par un ratio suicide about/tentative de suicide particulièrement élevé, révélant une intentionnalité plus grande, conjuguée à une importante fragilité organique.
Prévenir grâce au réseau et au contact humain
L’ONS souligne la pertinence de trois types d’interventions en terme de prévention : la réduction des moyens létaux, le maintien du contact humain (par téléphone, envoi de cartes postales...), et les lignes d’appel, lorsqu’elles peuvent orienter vers le soin et s’accompagnent d’un suivi actif, par des appels sortants, très efficace notamment auprès des femmes âgées.
L’observatoire plaide aussi pour la formation des généralistes, (8 sur 10 ont été confrontés à la TS d’un patient entre 2006 et 2011), qui doit être continue sinon régulière, dispensée à une majorité et ciblée sur la dépression, et pour une organisation solide de la prise en charge médicale après une TS.
La participation en réseau de tous les acteurs, professionnels ou non, au-delà du sanitaire strict, incluant les secteurs sociaux et médico-sociaux, a aussi fait ses preuves.
Mieux suivre les suicides et développer la recherche multidisciplinaire
L’ONS recommande d’améliorer le suivi des suicides et des TS à travers plusieurs actions : refondre le certificat de décès pour améliorer les données, apparier celles-ci avec la base du SNIIRAM (assurance-maladie) ou le système national de gestion des carrières (SNGC), renforcer la participation des services de médecine légale dans le recueil des données, et développer la surveillance des TS selon l’emploi.
L’ONS suggère aussi plusieurs pistes de recherches multidisciplinaires, combinant le qualitatif et le quantitatif, qui seront reprises dans un appel à projets lancé début 2015 par l’Institut de recherche en santé publique. Un premier axe doit creuser la connaissance des facteurs de risque et de protection du suicide, un deuxième doit évaluer l’efficacité des actions de prévention, un troisième porte sur la recherche neurobiologique ; tous peuvent être déclinés en ciblant des sous-populations spécifiques, en particulier les plus de 75 ans, les 45-54 ans, les jeunes, les handicapés ou malades chroniques et les personnes ayant eu des antécédents de TS.
L’ONS recommande enfin que le suicide fasse partie des indicateurs suivis aux niveaux national et régional, dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
La ministre de la Santé Marisol Touraine a fait part de sa volonté d’élaborer un nouveau programme d’actions contre le suicide, incluant des mesures en direction des personnes âgées, comme le veut le rapport annexé au projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.
Lequotidiendumédecin.fr
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