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Addiction aux médicaments : quels sont les risques et comment se sevrer ?

Publié le 12 août 2020 • Mis à jour le 13 août 2020 • Par Alexandre Moreau

L’addiction médicamenteuse est un état psychique et parfois physique à l’origine de réactions comportementales compulsives, continues ou périodiques.  Elle  concerne environ 4 millions de français et est liée à la consommation de différentes substances (anxiolytiques, hypnotiques et antalgiques principalement). Qu’est-ce que l’addiction ? Comment cela fonctionne ? Quels sont les médicaments concernés ? Quels sont les risques et comment éviter le phénomène de dépendance ?

Addiction aux médicaments : quels sont les risques et comment se sevrer ?

Addiction et dépendance : quelle est la différence ?

La dépendance est un état psychique (impulsion à consommer une drogue dans le but de créer un plaisir ou d’annuler une tension) et quelquefois physique (exigence de l’organisme à consommer une drogue sous peine d’un syndrome d’abstinence physique) se caractérisant par des modifications du comportement qui comprennent toujours une pulsion à prendre une drogue afin de retrouver ses effets et quelquefois d’éviter le malaise de la privation.

L’addiction se caractérise par la dépendance (impossibilité répétée de contrôler un comportement) et la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance des conséquences négatives. Les addictions sont variées : tabac, alcool, substances illicites, médicaments (avec possible automédication pour les médicaments en vente libre sans ordonnance), jeu…

Quelles sont les mécanismes de l’addiction ?

Les mécanismes neurobiologiques de l’addiction sont fortement liés au “système de récompense” du cerveau. Ce circuit est responsable de la sensation de plaisir ressentie après des actions fondamentales (boire, manger, avoir des rapports sexuels…) et implique différents réseaux de neurones (dopaminergiques principalement, mais aussi sérotoninergiques et noradrénergiques). Les récepteurs aux endorphines ont également un rôle dans l’antalgie (diminution de la douleur) et la sensation de bien-être.

La prise répétée de drogue modifie à long terme les réseaux cérébraux (on parle de “plasticité synaptique” qui correspond à la modification des systèmes de communication entre les neurones) et perturbe la recherche du plaisir. Une libération accrue de dopamine (molécule “du plaisir et de la récompense”) est alors observée et provoque un besoin incessant de plaisir. De plus, la production naturelle d'endorphines est progressivement diminuée et le plaisir n’est plus obtenu que par l'apport de la substance extérieure (il y a augmentation de la tolérance à cette substance et apparition d’un manque dès l'arrêt de sa consommation).

D’autres adaptations cérébrales finissent par créer un effet négatif chez le sujet dépendant (perturbation de l’humeur, anxiété, irritabilité). Cet état émotionnel négatif, associé aux sensations désagréables du sevrage (privation de la substance addictive), devient alors la principale motivation à consommer (on parle de craving qui correspond au besoin compulsif de consommer quelque chose), au-delà de la recherche d’effets plaisants.

Enfin, ces mécanismes semblent altérer le souvenir de l’expérience, pour le rendre encore plus agréable qu’il ne l’a été, et persistant au cours du temps, incitant à renouveler l’expérience.

Quels sont les facteurs favorisants de l’addiction ?

Certains individus (notamment du sexe masculin) présentent une prédisposition génétique à développer des addictions. Le risque d’addiction est plus important s’il existe des antécédents familiaux d’addiction ou s’il y a une consommation préexistante d’autres substances (alcool, drogue ou autre médicament). Une fragilité psychique (introversion, anxiété, dépression, mauvaise estime de soi, difficultés à résoudre ses problèmes, impulsivité, recherche de sensations fortes...) et l'existence de comorbidités physiques (maladies chroniques) et psychiatriques (trouble bipolaire, troubles du comportement alimentaire, déficit de l’attention…) peuvent aussi être à l’origine de comportements d’addiction.

Des facteurs environnementaux participent également au phénomène d’addiction, comme les situations de stress important, un contexte social et familial difficile ou une disponibilité aisée du produit addictif (parents fumeurs, atteints de troubles psychiatriques...). Enfin, certaines professions sont plus à risque d’addictions (milieu médical, voyages avec décalage horaire, travail de nuit...).

Quels médicaments peuvent être à l’origine d’addiction ?

Les médicaments psychotropes

Les benzodiazépines (BZD) sont à l’origine de dépendances physique et psychique. Parmi eux, on trouve les anxiolytiques (ou tranquillisants comme l’alprazolam-Xanax®, le bromazépam-Lexomil® ou le diazépam-Valium®) qui diminuent l’angoisse et les manifestations de l’anxiété (insomnie, tension musculaire…) et les hypnotiques/sédatifs (ou somnifères comme le zolpidem-Stilnox® ou le zopiclone-Imovane®) qui sont destinés à provoquer et/ou maintenir le sommeil. 

En revanche, il est intéressant de noter que les antidépresseurs de première intention (escitalopram-Seroplex®, fluoxétine-Prozac®, paroxétine-Deroxat®, sertraline-Zoloft® ou encore duloxétine-Cymbalta® et venlafaxine-Effexor®) n’ont pas de risque de dépendance. Il est toutefois nécessaire de respecter la prescription, sans arrêt brutal et précoce afin d’éviter le risque de rechute (la tianeptine-Stablon® peut faire l’objet d’abus ou de dépendance, plus particulièrement chez les personnes ayant présenté une dépendance à l'alcool).

Les antalgiques (ou analgésiques)

Selon le type de molécule, il existe un risque possible de dépendance. Cela concerne les médicaments contre les douleurs modérées à sévères (opiacés dérivés de l’opium ou opioïdes de synthèse) :

  • La codéine, antalgique et anti-tussif (contre la toux), peut être à l’origine de dépendance physique et son usage peut être détourné (utilisée en cocktail appelé Purple Drank qui induit euphorie et somnolence). Elle se présente seule en comprimé (Néo-Codion® comprimé, Claradol® codéine, Klipal® codéine) ou en sirop (Euphon®, CodeDrill®, Néo-Codion® sirop), mais aussi associée à du paracétamol (CoDoliprane®, Efferalgan Codéine®, Dafalgan Codéine®).
  • La dihydrocodéine (Dicodin® LP), dérivée de la codéine, peut aussi être prescrite et être à l’origine de dépendance.
  • Le tramadol seul (Contramal®) ou associé au paracétamol (Ixprim®) présente également un risque de dépendance si son usage est prolongé à dose élevée.
  • La morphine (Actiskenan®, Skenan® LP) est utilisée dans les situations où les antalgiques de moindre puissance sont insuffisants. 
  • Le fentanyl (Durogesic®, Actiq®) est 100 fois plus puissant que la morphine et est utilisé uniquement contre les douleurs intenses et rebelles, et sur de courtes périodes. Comme de nombreux opioïdes, le fentanyl peut être détourné de son usage à des fins récréatives.

Parmi les antalgiques non morphiniques, le néfopam (Acupan®) a une action centrale et est autorisé dans des douleurs aiguës, notamment postopératoires. Il expose lui aussi à un risque de dépendance.

Enfin, on peut noter que l’abus fréquent des antalgiques (paracétamol-Doliprane®, Efferalgan®, Dafalgan®) chez les patients souffrant de maux de tête participe à la chronicisation (permanence) des céphalées.

Autres médicaments susceptibles d’entraîner une dépendance

Les excitants comme la caféine et la nicotine ont des propriétés addictives. Cet effet est encore plus marqué pour les amphétamines et
ses dérivés :

  • la pseudoéphédrine utilisée dans les décongestionnants nasaux comme Actifed® rhume, Humex® rhume ou encore Dolirhume®
  • le méthylphénidate-Ritaline® utilisé chez les enfants contre le déficit de l’attention avec hyperactivité
  • le modafinil-Modiodal® utilisé chez les patients atteints de narcolepsie ou hypersomnie

De plus, les anesthésiques (gaz médicaux comme l’oxygène ou le protoxyde d’azote), les antimigraineux (pouvant être mélangés à la caféine ou aux antalgiques), les anti-histaminiques sédatifs (si prises fréquentes, comme l’hydroxyzine-Atarax®, l'alimémazine-Théralène® ou encore la doxylamine-Donormyl®) et les anti-parkinsoniens (trihexyphénidyle-Artane®) ont un potentiel addictif psychique à ne pas négliger.

Enfin, bien qu’ils ne contiennent pas de substances addictives à proprement parler, les laxatifs (comme le bisacodyl-Dulcolax®) peuvent être à l’origine d’une dépendance physique lors d’une utilisation fréquente ou continue (au-delà de 10 jours). Il y a un risque d’accoutumance et l’irritation de la muqueuse entraîne une aggravation de la constipation à l’arrêt du médicament.

Comment prévenir la dépendance ?

Pour éviter les phénomènes de dépendance, il est nécessaire de respecter la posologie et les conditions de prise préconisées par le médecin. 

Lors de l’utilisation de psychotropes (benzodiazépines) : 

  • il ne faut pas prendre de somnifères de façon régulière sur une longue période car il y a un risque de dépendance et d'accoutumance avec escalade posologique (augmentation des doses) ;
  • il faut augmenter progressivement la dose des anxiolytiques afin d’atteindre la dose efficace minimale pour limiter les effets indésirables et le risque de dépendance.

Il existe une durée maximale de prescription (4 semaines pour les hypnotiques et 12 semaines pour les anxiolytiques) puis une réévaluation doit être faite par le médecin. L’arrêt du traitement doit se faire par réduction progressive des doses. La consommation d’alcool concomitante à la prise de ces traitements est dangereuse.

Pour le traitement des douleurs chroniques, la prise d'antalgiques doit se faire à intervalles réguliers (cela est plus efficace qu'une prise à la demande).
Dans les autres cas, les antalgiques ne doivent pas être utilisés plus de 5 jours sans avis médical. Et lors de douleurs non cancéreuses, l’utilisation de la morphine doit être la plus courte possible, afin d’éviter une éventuelle dépendance physique.

Enfin, pour éviter une accoutumance aux laxatifs et une aggravation de la constipation, une diminution progressive des doses sur plusieurs semaines est préconisée et il est possible de le remplacer par des laxatifs non irritants (dits osmotiques comme, Movicol®, Forlax® ou Duphalac®). Une alimentation riche en fibres et pauvre en graisses, boire beaucoup d’eau et une activité physique régulière sont également recommandés.

Quels sont les risques d’une addiction ?

La consommation régulière d’un produit peut être à l’origine d’un état d'adaptation de l’organisme. Cet état se traduit par une baisse progressive de l’activité d’une substance (effets de moins en moins marqués) qui conduit à en augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets (il s’agit du phénomène de tolérance). Cela expose alors au risque de surdose ou overdose, potentiellement mortel (notamment s’il existe une polyconsommation : alcool, autres médicaments…).

Lors des tentatives d’arrêt de la consommation, la survenue d’un syndrome de sevrage spécifique à la substance peut être observée
avec notamment :

  • le sevrage des benzodiazépines qui provoque un rebond d’anxiété, une insomnie, voire des crises d’épilepsie sous forme de convulsions très dangereuses ;
  • le sevrage des morphiniques qui entraîne des douleurs diffuses, une diarrhée et un état de stress psychique et physique (anxiété, insomnie, sueur, sensation de chaud-froid, écoulement nasal, palpitations, élévation de la tension artérielle…).

Plus spécifiquement, certains médicaments ont des conséquences sur les capacités professionnelles (troubles de l’attention, troubles de la mémoire, difficultés d’expression…). Ils peuvent également avoir un impact sur la conduite automobile, avec une augmentation du risque d’accidents (c’est notamment le cas des médicaments psychotropes).

Enfin, la perte de contrôle progressive de soi et l’addiction qui en découle peuvent avoir des conséquences sociales durables et significatives : isolement, marginalisation, déscolarisation, perte d’emploi, dégradation des relations avec l’entourage, problèmes financiers…

Comment effectuer un sevrage ?

Le sevrage doit être initié sous surveillance médicale par le médecin traitant. Ce dernier peut également faire appel à un addictologue ou un psychiatre.

L’arrêt du produit doit se faire de manière progressive et idéalement lors d’une période favorable (c’est-à dire qu’il faut éviter les périodes de stress comme un deuil, un examen ou un déménagement, et privilégier les moments plus calmes comme les vacances).

La réduction des doses se fait par paliers pour éviter les symptômes du sevrage (convulsion, insomnie, rebond d’anxiété…). Plus on arrive vers la fin du sevrage, plus les paliers doivent être longs. Et s’il y a apparition de signes de sevrage, il est important de prévenir le médecin afin de décider avec lui de remonter au palier précédent ou de ralentir le sevrage.

Une médication concomitante pour réduire le risque de complications liées au sevrage peut être proposée (privilégier les antidépresseurs qui n'entraînent pas de dépendance pour le traitement de l’anxiété, des attaques de paniques et des troubles phobiques, ou encore utiliser la mélatonine pour les insomnies).

Un accompagnement psychologique, la relaxation et la gestion du stress sont également préconisés lors du sevrage.

Enfin, un soutien au long terme par les professionnels de santé (comme le médecin traitant et le pharmacien) et par ses proches permet de prévenir le risque de rechutes.


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14 commentaires


SepSepien
le 13/08/2020

@maritima j'en ai rajouté sur la liste, et n'oublie pas de dire que je ne les mélange pas tous !!!

Chacun son usage ... j'ai appris à les utiliser ... le moins possible à la fois et en moindres quantités.

Par exemple, le Rivotril : je me suis calé sur 13 gouttes le soir après des années de variations. Cela m'évite les éveils nocturnes et les fourmillements aux jambes ou la spasticité. Chaque goutte de plus m'ajoute 20mn de sommeil, mais pas question d'en abuser !

!!!!!!!!!


beffay
le 13/08/2020

Personnellement, je ne suis pas concernée, mais je diffuse de bon coeur, cet article et suis sans illusion sur de bons retours!!!!  

Il faudrait séparer ceux qui ont été en situation d'obligation et ont de la peine à redresser la barre quand les raisons s'en vont, de ceux qui ont trouvé "le bon filon"....et croyez moi,j ça ne manque pas!!!!  

Normal les médecins se débarrassent des"gémissants" avec une ordonnance,  il est même facile d'en avoir plusieurs. Le "bon filon"  en règle et remboursé par la Sécu

Alors....??? Il ne faut pas être plus royaliste que le roi! Dommage, ils sont aussi au volant sur les routes et que faire ?? A la campagne on dit " on n'a jamais empêché un âne de boire".... 


maritima
le 13/08/2020

Tu fais bien @SepSepien‍  de mesurer au plus juste et à bon escient le Rivotril car c'est une benzo et une  arme de soumission chimique si elle est détournée de son usage premier. Et quant à mélanger tous ceux de ta liste !!!!!  ce serait  psychiquement  suicidaire !      !!!!!!


SepSepien
le 13/08/2020

... et chimiquement hasardeux ... (et en anglais : "hazard" : "risque" ).

J'ai anciennement commenté l'imovane : j'en ai pris 5 ans, dont 4 pour l'arrêter (effet rebond).

!!!


SepSepien
le 14/08/2020

Bonjour @maritima @beffay ,

Les médecins me font confiance quand je leur parle de mes douleurs, si j'ai ces médicaments c'est qu'ils savent que je les évite autant que possible. Pas gémi pour les obtenir ... mais je comprends que les situations soient différentes.

!!!

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