Troubles bipolaires : "Sans accompagnement ni traitement, je ne serais peut-être plus là pour en parler !"
Publié le 8 mars 2023 • Par Claudia Lima
Nathalie a toujours été de nature anxieuse. Après avoir eu des comportements à risque, puis, une crise maniaque sur son lieu de travail, elle a été hospitalisée.
Elle nous raconte son diagnostic de troubles bipolaires et, comment aujourd’hui, grâce à son traitement, son suivi et son entourage, elle arrive à ne pas être trop impactée au quotidien et à avoir une bonne qualité de vie.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Nathalie (@najo69), vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m‘appelle Nathalie. J’ai 42 ans. Je vis près de Lyon, en couple et sans enfant. Je suis actuellement sans emploi.
Ayant une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), j’attends d’entrer en ESAT (Établissement et Service d'Aide par le Travail, anciennement appelé CAT - Centre d’Aide par le Travail) en section logistique.
J’aime la marche, faire des randonnées, j’aime les jeux de société et d’argent, la photographie, le cinéma, la musique. J’aime aussi lire des livres sur les phénomènes de société, le développement personnel, etc. J’aime également les sorties et les repas, en famille et avec des amis, et aller danser.
Vous êtes atteinte de troubles bipolaires. Pourriez-vous nous dire quand vous avez constaté les premiers symptômes ? Quels étaient-ils ? Vous rendiez-vous compte de ce que vous viviez ? Qu’est-ce qui vous a poussée à consulter ?
J’ai toujours été une enfant anxieuse, angoissée et très souvent déprimée. Durant mon adolescence, cela ne s’est pas arrangé. Vers 17 ans, je prenais déjà mes premiers antidépresseurs et anxiolytiques.
C’est en 2008, soit à l’âge de 28 ans que le diagnostic a été posé, je souffre de troubles affectifs bipolaires.
J’étais salariée dans un lycée professionnel à Lyon quand les symptômes de ma crise maniaque se sont manifestés avec des hallucinations (visuelles, auditives, olfactives), des propos délirants, une labilité émotionnelle, je pouvais passer du rire aux larmes. J’ai eu des comportements à risque, je me suis retrouvée à vélo sur le périphérique. J’étais dans un état où j’avais perdu la notion et le contrôle de la réalité.
L’infirmière du lycée a été alertée par des collègues et je me suis retrouvée dans le bureau du médecin scolaire qui a appelé une ambulance. Je croyais que l’on allait m’interviewer et que j’allais devenir une grande psychanalyste !
J’ai été hospitalisée directement dans un hôpital psychiatrique pendant 1 mois et demi. J’ai bien vécu mon séjour.
Quels médecins avez-vous vu pour obtenir le diagnostic ? Combien en avez-vous rencontrés ? Combien de temps a-t-il fallu pour que le diagnostic soit posé ?
C’est donc le médecin chef du service psychiatrique dans lequel j'ai été hospitalisée qui a posé le diagnostic.
J’avais rencontré, dans mon parcours médical, plusieurs psychiatres de ville, changé 2 fois de médecin traitant. Il a fallu environ une dizaine d’années avant de mettre un nom sur la maladie.
Avez-vous pu recevoir toute l’information nécessaire à la compréhension de la maladie ? Avez-vous fait vos propres recherches ?
Lors de ma sortie, j’ai eu un suivi en CMP (Centre Médico-Psychologique).
Je me suis bien informée sur la maladie, j’ai lu pas mal d’articles et même un livre sur les troubles bipolaires. Et bien sûr, en discutant avec les professionnels de santé mentale, on apprend beaucoup.
Quelle est votre prise en charge actuelle ? En êtes-vous satisfaite ? Quel est votre traitement ? Comment avez-vous jugé/vécu l'accompagnement médical et/ou psychologique ?
Je suis toujours suivie en CMP. Mon traitement est Abilify® (aripiprazole), Lamictal® (lamotrigine) et en cas de besoin, j’ai Seresta® (oxazépam). En cas d’insomnie, je prends Zopiclone.
Je trouve que j’ai été très bien soignée. Sans accompagnement ni traitement, je ne serais peut-être plus là pour en parler. Je suis satisfaite des équipes médico-sociales rencontrées.
Vivez-vous des phases maniaques ou dépressives ou les deux ? Comment le gérez-vous ? Avez-vous déjà été hospitalisée en raison de votre bipolarité ?
Je suis sujette à des phases dites “hypomaniaques”, c’est-à-dire, que je reste dans la réalité mais qu’il y a une exagération de l’humeur, je suis soit euphorique, soit irritable et j’ai des comportements d’agitation. Ces états ne nécessitent pas d’hospitalisation, ils se traitent facilement avec une augmentation de l’Abilify.
Lorsque ces phases se présentent, je consulte sans attendre ma psychiatre. J’arrive à repérer les symptômes et je n'attends pas car il y a ensuite un état dépressif derrière qui est très pénible à vivre. Les bipolaires l’appelle la phase “down”.
Plus la phase hypomaniaque perdure, plus la phase dépressive sera longue.
Ma dernière crise hypomaniaque date de janvier 2021. Malgré la prise des médicaments, je connais ces états d’humeur qui sont récurrents. Je me dis que sans traitement, ce serait sans doute pire.
Avez-vous changé votre mode de vie, vos habitudes depuis l’annonce de votre bipolarité ?
Depuis mon diagnostic, je fais plus d’activité physique, je fais des randonnées de 5 à 10 km. J’essaie de me remettre aussi à la course à pied mais c’est plus difficile car je suis en surpoids. Je vais régulièrement à la salle de sport avec ma sœur. Je fais du vélo et du tapis de course.
Les médicaments sont en partie responsables de ma prise de poids.
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie privée et professionnelle ?
Je me trouve impactée par la maladie dans ma vie professionnelle en raison de mes variations d’humeur et d’une hypersensibilité au regard des gens. Un jour, je vais être motivée à aller travailler, un autre, je vais vouloir démissionner.
J’ai souvent démissionné de mes emplois intérimaires sur un coup de tête. Ou parce que je vivais mal les relations avec les collègues.
Dans ma vie de couple, je ne rencontre pas de problème avec mon conjoint. Nous sommes ensemble depuis juillet 2021. Notre relation se passe très bien, nous nous soutenons, et nous nous aimons.
Avez-vous été soutenue par votre famille, vos amis ? Comprennent-ils la maladie ?
Ma sœur et mon conjoint sont les deux personnes les plus proches que j’ai. Ils me comprennent et m’apportent beaucoup sur le plan affectif. Je peux compter sur eux.
En dehors de vos traitements médicamenteux, avez-vous recours à des méthodes alternatives ? Lesquelles ? Quels ont été leurs bénéfices ?
Depuis quelques semaines, je vais dans un centre de réhabilitation psychosociale qui propose des séances de remédiation cognitive et aussi, un groupe d’habiletés sociales. Il me reste encore une séance à faire. Le but étant de développer des compétences relationnelles.
Je fais aussi de la cohérence cardiaque, 5 minutes, 3 fois par jour, 6 inspirations et 6 expirations. Cela m’aide à mieux gérer l’anxiété et le stress. Par la suite, je vais participer à des séances de méditation de pleine conscience. Etant sujette aux ruminations mentales, cela devrait m’aider à les atténuer.
Aujourd’hui, comment allez-vous ? Comment gérez-vous le quotidien ? Avez-vous accepté votre maladie ?
Je peux dire aujourd’hui que j’ai accepté la maladie. Malgré les “phases down”, je fais pas mal de choses pour lutter contre elles.
Grâce au sport, à mon entourage, à ma prise en charge au CMP et au centre de réhabilitation psychosociale, j’ai une qualité de vie relativement satisfaisante.
Quels sont vos projets ?
J’ai 3 projets : voyager, acheter une maison de campagne et une voiture sans permis.
Enfin, quels conseils pourriez-vous apporter aux membres Carenity, également touchés par des troubles bipolaires ?
Ce que je peux conseiller aux personnes touchées par les troubles bipolaires serait de repérer les symptômes quand ils se présentent, notamment en phase d’hypomanie, et de réagir de suite, en consultant rapidement un psychiatre.
Ne pas s’isoler.
Faire énormément de sport fait du bien et nous éloigne de la dépression et du stress.
Un dernier mot ?
Je tiens à remercier toute l’équipe de Carenity pour la publication de mon témoignage qui, je l'espère, sera utile aux lecteurs.
Prenez soin de vous !
Nathalie
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