Syndrome de CLIPPERS : “Faites-vous confiance, ce n'est pas dans votre tête !”
Publié le 15 mai 2024 • Par Candice Salomé
Laureline, jeune femme de 32 ans, dite @laurelinemassias sur Instagram, est atteinte du syndrome de CLIPPERS. Maladie décrite pour la première fois en 2010, il s’agit d’une atteinte inflammatoire rare du système nerveux central. Derrière ce syndrome se cachent de nombreux symptômes : ataxie cérébelleuse, diplopie, dysarthrie, fatigue constante...
Laureline vivait et travaillait en Espagne lorsque la maladie a débuté, elle a décidé de rentrer en France afin d’être entourée de ses proches auprès de qui elle trouve du soutien au quotidien.
Elle raconte la maladie au travers de comic strips afin de rendre visible l’invisible.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Laureline, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Bonjour, je m'appelle Laureline, je suis âgée de 32 ans, j'aime la nature et mes animaux préférés sont le castor et le cochon !
Je suis FX artiste (artiste des effets spéciaux) le jour et illustratrice la nuit. Je vis actuellement en France mais vivais et travaillais en Espagne lorsque j'ai commencé à être malade. J'aime beaucoup voyager et dessiner mais ma passion première reste le cinéma. Une passion qui se manifeste donc dans mon quotidien !
Malheureusement, comme beaucoup, mon couple n'a pas survécu à la maladie. Ma famille et mes amis furent, eux, au rendez-vous. Un soutien essentiel dans cette épreuve. J'en profite d'ailleurs pour les remercier d'y croire pour moi lorsque mon espoir est fatigué.
Vous êtes atteinte du syndrome de CLIPPERS, pourriez-vous nous en parler ?
Le syndrome de CLIPPERS (Chronic Lymphocytic Inflammation with Pontine Perivascular Enhancement Responsive to Steroids) est une atteinte inflammatoire auto-immune affectant le système nerveux. Cependant, comme je l'ai appris par la suite, le syndrome de CLIPPERS est un peu une appellation "fourre-tout". Mon neurologue actuel cherche donc à savoir ce qui se cache derrière ce syndrome.
Aujourd'hui, je souffre notamment d'ataxie cérébelleuse, de diplopie, de dysarthrie, d'une fatigue constante… Et suis maintenant sujette aux attaques d'anxiété.
En quelle année avez-vous reçu le diagnostic du syndrome de CLIPPERS ? Qu’est-ce qui vous a poussée à consulter ? Quels étaient vos premiers symptômes ?
Mes symptômes ont commencé par une grande fatigue dont je n'arrivais pas à me détacher et puis tout s'est accéléré très vite. Une paralysie a frigore sur le visage droit ainsi qu'une pression sur l'œil, une lourdeur sur le côté gauche du corps…
J'ai consulté plusieurs fois et l’on ne m'a malheureusement pas prise au sérieux.
Cependant, après des difficultés à lever mon bras droit, j'ai cru à un AVC et me suis rendue aux urgences de Jimenez Diaz (Madrid) où j'ai tout de suite été prise en charge. Plusieurs examens plus tard, une suspicion du syndrome de CLIPPERS est posée et je repars à la maison armée de corticoïdes. Après quelques semaines, mon état ne s'améliore pas et le neurologue madrilène émet l'hypothèse d'une possible tumeur… Je passe donc une biopsie cérébrale en juin 2023 qui a "scellé" le diagnostic du syndrome de CLIPPERS.
Combien de temps a-t-il fallu pour poser le diagnostic ? Combien de médecins avez-vous rencontrés ? Quels examens avez-vous dû passer ?
J'ai rencontré pas mal de médecins mais les deux seuls de "cœur" restent mon neurologue espagnol et mon neurologue français. J'ai, en effet, face à la difficulté croissante de mon quotidien, décidé de quitter mon travail et de revenir me faire soigner en France auprès de ma famille.
J'ai passé, en plus de ma biopsie cérébrale, des examens sanguins, des ponctions lombaires, un PET Scan, des IRM…
Si le diagnostic du syndrome de CLIPPERS a été posé après ma biopsie, on attend encore de savoir ce que celui-ci cache.
Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de ce diagnostic ? Connaissiez-vous le syndrome de CLIPPERS ? Avez-vous reçu toutes les informations nécessaires à la compréhension de la maladie et de sa prise en charge ?
Oui et non. Non dans le sens où les informations que j'ai reçues en Espagne étaient différentes de celles reçues en France.
Comme je le disais précédemment, le syndrome de CLIPPERS est un peu un fourre-tout, et ce n'est qu'en France que mon neurologue m'a fait passer un test génétique afin de chercher ce que cachait cette maladie. Un choc mais aussi un nouvel espoir !
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie professionnelle et privée ?
Aujourd'hui toute ma vie est impactée. J'ai quitté mon travail et ne peux plus travailler. J'attends une place en centre de rééducation mais je suis active dans mon attente. Je travaille, en effet, tous les jours à aider mon corps à se remettre de ce choc et… ma tête à accepter ces bouleversements !
Vos rapports avec votre entourage ont-ils changé depuis l’annonce du diagnostic ? Parlez-vous facilement de la maladie ? La comprennent-ils ? Vous sentez-vous entourée ?
Oui et non. On a beau être super bien entourée la réalité de la maladie est que cela gangrène tout sur son passage.
Parce que silencieux ne veut pas dire inexistant. Il est parfois difficile de faire comprendre à notre entourage que tout nous coûte. Car s'il y a des choses, visibles, que l'on ne peut plus faire, il y a d'autres choses, invisibles, qui désormais nous brûlent. Cela, c'est difficile de le faire comprendre à certaines personnes, malheureusement.
Enfin, cela ne me dérange pas de parler de ma maladie jusqu'à un certain point ! Il me faut un gros temps de digestion et si dessiner m'aide beaucoup dans cette démarche, je commence à partager mon histoire avec quasiment un an de délai. Un temps nécessaire pour moi, pour avoir du recul sur ce que j'ai vécu et sur ce que je vis aujourd'hui.
Vous êtes illustratrice et racontez la maladie au travers de petits strips dessinés. Pourquoi avoir choisi ce biais-là ? Où peut-on les retrouver ?
J'ai toujours été créative et dans mon malheur (souffrant notamment d'ataxie), ma chance a été que ma main droite reste valide. Aussi, droitière et cherchant à mieux comprendre ce qui m'arrivait, j'ai naturellement choisi de m'exprimer au travers de comic strips. Un moyen de combiner ce que j'aime : story-telling, créativité et dessin !
L'Âme Bleue c'est donc mon histoire face à un bouleversement apporté par la maladie, avec ses hauts, ses bas, depuis l’apparition des symptômes, une biopsie, une rupture et …la perte de mon univers quotidien. A la fois cathartique pour moi - quoi de mieux pour comprendre ce qui nous arrive que de l'expliquer ? -, j'espère que pour le lecteur, ces comics strips feront comprendre ce qui se cache derrière un handicap invisible, un moral vacillant… Et, également, rappeler aux malades que non, malgré ce que le monde hurle, ils ne sont pas seuls, qu'importe le nom de la maladie.
On peut retrouver mes strips une fois par semaine sur ma page Instagram.
Où en êtes-vous à l’heure actuelle ? Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Aujourd'hui, je me bats avec bienveillance pour moi. Physiquement et mentalement. Je rééduque tout ce que je peux et ma concentration première est moi : mon corps pour retrouver tout ce que je peux et ma tête pour accepter de naviguer à vue.
J'espère reprendre rapidement mon travail de graphiste tout en continuant à sensibiliser à la maladie et au handicap en général au travers, notamment, du dessin et d'albums jeunesse. On ne se sent jamais concerné lorsque l'on n’est pas touché mais, la vérité, c'est que la maladie et sa réalité sont sous représentées dans notre quotidien. Il y a une période de ma vie où je ne pouvais plus ni monter ni descendre un escalier. Et bien, c'est à ce moment-là, que l'on se rend réellement compte de tout ce qui est inadapté pour ces héros silencieux !
Enfin, quels conseils aimeriez-vous donner aux membres Carenity également atteints d’une maladie rare ?
Faites-vous confiance, ce n'est pas dans votre tête !
Par exemple, parmi mes symptômes, je me sens oppressée sur le côté gauche. En parlant de mes douleurs avec ma kiné, elle a ausculté mon torse et… a constaté que j'ouvrais moins ma cage thoracique à gauche lorsque je respirais ! J'ai maintenant de nouveaux exercices quotidiens qui me font beaucoup de bien, mais surtout un soulagement de savoir que non, cette oppression n'est pas seulement due à mes attaques d'anxiété.
Faites-vous accompagner… Comme vous vous le sentez.
Un autre de mes symptômes est cet effort constant lorsque je parle et cette sensation de parler comme avec du coton dans la bouche. De plus, mon audition droite n'est plus comme elle était… Tout cela pour dire que je m'entends parler différemment et mal. Lorsque je demandais à mon entourage, il me répondait qu'il me comprenait parfaitement… J'avais le sentiment qu'ils me ménageaient ! Je suis donc allée voir une orthophoniste qui m'a fait passer des tests et m'a surtout enregistrée. Ce fut une révélation : je ne parle pas comme avant mais je parle bien. L'effort produit par la parole et mon audition bancale me font croire le contraire. Aller voir une orthophoniste a donc plus fait pour mon mental que pour mon physique, et comme on le sait, le mental c'est beaucoup !
Enfin, être malade est pour moi comme être sur des montagnes russes. Il y a des jours où "ça va" et des jours non. Physiquement ou mentalement. C'est comme ça. Alors autant être bienveillant avec soi-même. Voir un psychologue m'aide aussi beaucoup à traverser ces épreuves et surtout à les accepter (même si j'en suis encore loin !).
Un dernier mot ?
Si on vous diagnostique un syndrome de CLIPPERS, demandez à passer un test génétique.
Sinon je voulais rappeler à toute personne qui lutte que, non, elle n'est pas seule dans sa bataille.
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17 juil. 2024 • 15 commentaires