Fibromyalgie : “Si vous allez contre la maladie, vous n’avancerez jamais.”
Publié le 1 mai 2024 • Par Candice Salomé
Régis, infirmier libéral de 48 ans, est atteint de fibromyalgie. Ses premiers symptômes ont débuté en 2019 par de gros vertiges, l’empêchant de vaquer à ses occupations quotidiennes. Très vite, son médecin généraliste l’a poussé à rencontrer un ORL qui lui a fait passer une batterie d’examens. Rien. Les douleurs s’installeront 6 mois plus tard.
Son errance diagnostique durera plus de 4 ans et demi. Durant ce laps de temps, il rencontrera beaucoup de professionnels de santé qui lui diront que “c’est dans sa tête”.
Désormais diagnostiqué, Régis a une prise en charge complète et multidisciplinaire. Il espère désormais pouvoir reprendre une vie normale, faite de voyages.
Découvrez vite son histoire !
Bonjour Régis, vous avez accepté de témoigner pour Carenity et nous vous en remercions.
Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je m’appelle Régis, j’ai 48 ans et j’étais infirmier libéral. Je vis à Marseille où j’ai rejoint mon conjoint depuis juin 2023. Nous vivons tous les deux et nous aimons autant le cocooning dans notre canapé à regarder des séries ou des films, que nous balader en ville, profiter des plages environnantes, retrouver nos familles et nos amis.
J’avoue avoir un faible pour les jeux vidéo et la lecture.
Vous êtes atteint de fibromyalgie. Pourriez-vous nous dire comment la maladie s’est-elle manifestée dans votre vie ? Quels ont été vos premiers symptômes ? Qu’est-ce qui vous a poussé à consulter ?
En juillet 2019, lors de mes congés, je me suis réveillé un jour avec des vertiges très invalidants. Je me tenais aux murs. J’ai laissé quelques jours passer avant de consulter mon médecin généraliste qui m’a dirigé automatiquement vers un ORL.
Rien aux examens initiaux, rien au scanner. Direction l’hospitalisation en neurologie avec tous les examens possibles liés au centre de l’équilibre (neurologie, ORL, ophtalmologie, orthoptie, scanner, IRM, ponction lombaire, bilans sanguins, bilans neuro…). Rien.
Sorti de l’hôpital, après une quinzaine de jours de rééducation pour la marche, je suis de retour à domicile avec un rendez-vous avec un spécialiste en neurologie. Après 6 mois de vertiges, sont arrivées des douleurs ponctuelles paroxystiques, de type neuropathique à décharge électrique, dans les bras et dans les jambes. Ma neurologue, dépassée par les examens qui revenaient tous négatifs, m’a dirigé vers une consœur, neuroscientifique en poste à l’hôpital de La Timone à Marseille.
Les examens se sont succédés, répétés, des bilans génétiques ont été faits…. Bref, 4,5 ans d’errance diagnostique. Et les douleurs se sont accentuées graduellement, arrivant sur un fond douloureux constant, diffus et continu, et toujours des douleurs paroxystiques invalidantes puisqu’elles me font lâcher des objets, ou faire qu’une jambe ne me porte plus l’espace d’un instant.
Je marche, depuis ma première hospitalisation, avec l’aide d’une canne autant en intérieur qu’en extérieur.
Suite à mon dernier rendez-vous avec ma neurologue, en novembre dernier, j’ai sollicité une prise en charge par l’équipe douleur. Je suis déjà en traitement antalgique de pallier 2, sous codéine et sous antiépileptique. Je ne peux pas aller au-delà.
J’avais émis l’hypothèse d’une fibromyalgie où équivalant à ma neuroscientifique. Elle a balayé cette hypothèse d’un revers de main et m’a miné le moral en me faisant culpabiliser vu qu’elle ne trouvait rien aux examens.
En décembre 2023, je rencontre mon algologue (grâce au désistement d’un patient, fort heureusement) qui me diagnostique la nociplastie étendue.
Le couperet est tombé. Je pensais venir à une simple consultation initiale de prise en charge et je me retrouve avec un diagnostic, d’une part, et surtout, avec un diagnostic qui ne me convient pas.
Je suis pragmatique et infirmier. J’anticipe les choses sur la base des données des pathologies, de l’environnement du patient dans sa globalité, sur des données cliniques…
La fibromyalgie est une pathologie dont l’étiologie est encore floue, bien que la recherche soit encore en marche. La prise en charge est encore à la grâce des médecins puisqu’ils n’ont pas de données sur la maladie non plus (même s'il y a également des recherches encore en cours) et le devenir est relativement incertain également.
Ça fait un peu lourd à digérer.
Quelle est votre prise en charge actuelle ? En êtes-vous satisfait ?
Du coup, je suis pris en charge par le médecin psychologue du service, par les infirmières avec Education Thérapeutique du Patient (ETP), atelier TENS, puis après l’ETO, il y aura des ateliers de prise en charge non médicamenteuses (autohypnose, méditation de pleine conscience, cohérence cardiaque…).
En plus de cela, est prescrit une activité physique adaptée (APA), selon les goûts, les possibilités du jour, et avec des cours dispensés par un professeur agréé. Tout cela, afin d’apprendre à gérer au quotidien ses capacités en fonction des possibilités au quotidien.
Il y a aussi de l’équithérapie, et un atelier mouvement et danse.
Actuellement, je suis suivi par un kinésithérapeute avec des exercices d’assouplissement, d’équilibre, de renforcement musculaire et de manipulations manuelles, associés à de la balnéothérapie.
J’ai eu l’atelier TENS que j’utilise au quotidien en traitement de fond. Je commence l’ETP la semaine prochaine.
À la maison, j’ai acquis un tapis à picots, un rameur, un élastique, et j’utilise une application pour les étirements et une autre pour la marche.
Chaque soignant que j’ai rencontré depuis l’annonce de mon diagnostic (médecin traitant, médecin spécialiste, infirmière, secrétaire médicale, kinésithérapeute, médecin MPR...) sont tous bienveillants, à l’écoute et prévenants. Cela fait un bien fou de se sentir enfin entendu et écouté, et non jugé ou mis au pilori par les encore trop nombreuses invectives du « si on n’a rien trouvé, c’est que c’est psy », dixit ma neuroscientifique.
Je suis ravi de ma prise en charge actuelle ou chacun s’adapte à ma situation du jour, à mes possibilités, parfois mes envies et refus.
Quels sont vos traitements ? Vous conviennent-ils ?
Actuellement, j’ai troqué la codéine pour le tramadol, donc un dérivé opiacé. Entre la peste et le choléra, il me fallait choisir mais pour le moment, je ne peux malheureusement pas m’en passer, non pas par dépendance, mais vraiment à cause de mes douleurs qui troublent totalement mon sommeil déjà précaire.
Avez-vous recours à des thérapies alternatives ? Lesquelles ? Quels en sont les bienfaits ?
J’ai déjà demandé à voir une ostéopathe qui manipule de manière douce et souple et qui me soulage et m’apaise. C’est vraiment un moment de détente.
Je suis en train de me renseigner sur les possibilités de séances de cryothérapie car cela pourrait limiter les douleurs en anesthésiant les récepteurs de la douleur.
Quel est l’impact de la maladie sur votre vie professionnelle ?
La maladie a été diagnostiquée après les trois ans d’arrêt maladie. Aussi, je suis en invalidité pleine et entière car je ne peux pas reprendre mon activité professionnelle.
Je suis en ALD hors liste.
J’ai également un dossier RQTH avec les CMI stationnement et prioritaire.
Quelle relation entretenez-vous avez votre entourage ? Comprennent-ils la maladie ? Vous soutiennent-ils ?
Mes proches sont prévenants et m'entourent. Pour certains, la maladie est un peu abstraite car, il n’y a que la canne d’apparente. Le reste est invisible. Et la compréhension de ce qui m’arrive est parfois compliquée.
J’ai régulièrement des conseils de base sur des choses déjà réglé, et qui, de surcroît, sont faux par rapport à mon mode de fonctionnement et par rapport à la maladie elle-même. Et les détromper est parfois plus usant que la maladie elle-même.
Sinon, dans l’ensemble, ils sont aimants, bienveillants et prévenants. Et j’évite aussi de mettre la maladie en avant. Je veux être traité comme tout un chacun, en considérant tout de même mes limites, bien entendu.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Mon avenir est un peu délicat à ce jour. Lors de la scintigraphie passée cette semaine, prescrite par l'algologue pour vérifier d’éventuelles inflammations osseuses et faire un diagnostic différentiel, une masse pulmonaire a été décelée, et j’ai eu un rendez-vous en urgence dès le lendemain avec un pneumologue. J’ai une batterie d’examens à faire cette semaine afin de déterminer de quoi il s'agit.
Mon avenir proche sera fait de ces examens, de la prise en charge par l’équipe de la douleur, de l’apprentissage de la gestion de celle-ci et de reprendre une vie à peu près correcte. J’aimerais reprendre les voyages qui me sont, à ce jour, impossibles.
Enfin, que conseillerez-vous aux membres Carenity également touchés par la fibromyalgie ?
Pour chaque personne atteinte de fibromyalgie, j’aurais deux conseils à donner :
- Ne lâcher rien, battez-vous. Le début de la prise en charge peut paraître longue. Je suis encore moi-même dans cette phase. Mais, si vous travaillez sur votre maladie selon les recommandations des personnels soignants, vous pourrez gérer au mieux votre quotidien et votre maladie.
- Ne restez pas seul, tachez de vous rapprocher d’une association, d’un patient de votre kiné… De toute personne aussi atteinte de fibromyalgie. Vous ne vous sentirez plus seul. C’est très important et parlez à votre entourage de votre maladie. Il faut, eux aussi, les « éduquer » à ce qui vous arrive, ce que vous pourrez ou ne pourrez plus faire.
Un dernier mot ?
La première chose, c’est vraiment l’acceptation de cette pathologie. Si vous allez contre, vous n’avancerez jamais.
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